Dans une interview accordée à Crystal news, le Secrétaire général de la Confédération des syndicats autonomes du Bénin (Csa-Bénin) a justifié le boycott, hier, mardi 14 novembre 2023 de l’invitation faite aux confédérations et centrales syndicales, de se présenter devant la Commission budgétaire pour apporter leurs observations au projet de Budget général de l’Etat pour l’année 2024. Anselme Amoussou révèle que seule une seule confédération syndicale a reçu le document du projet de budget. Ce qui, selon lui, n’est rien d’autre qu’un mépris. Lire ses propos.
La Confédération des syndicats autonomes du Bénin et les autres centrales, ne seront pas devant la commission budgétaire de l’Assemblée nationale ce jour. Pourquoi ce boycott ?
Anselme Amoussou: Non. Est-ce qu’on peut parler de boycott ? Disons que c’est une situation qui nous a été imposée par la démarche de la Commission budgétaire cette année. Normalement, nous allons à la commission budgétaire pour opiner sur le projet de budget, sur le contenu du budget, sur tous les aspects à fort impact social. D’habitude, on nous envoie le projet de budget. Quand nous recevons l’invitation, c’est avec le projet de budget qui suit et c’est ça qui nous permet de réunir les nôtres, de réunir nos universitaires, nos économistes pour dépouiller le budget et c’est avec ça que nous faisons nos observations, que nous allons présenter aux députés à l’Assemblée. Et cette année, nous n’avons pas reçu le projet de budget. Nous avons reçu juste une invitation et encore que l’invitation a été envoyée à une seule organisation qui a partagé avec les autres. Nous avons réclamé le projet de budget en vain et enfin, on a compris qu’on aujourd’hui qu’on sort du folklorisme habituel pour tomber dans quelques chose d’encore plus grave, c’est-à-dire que on est aujourd’hui carrément dans le mépris. C’est comme cela que nous l’avons vécu et donc pour nous, on va aller à l’Assemblée nationale pour opiner sur quoi ? Puisque nous n’avons pas la matière qui nous permet de dire nos attentes par rapport au projet de budget. Donc, voilà tout simplement pourquoi, nous nous sommes trouvés dans l’incapacité de faire le déplacement de Porto-Novo.
Pour vous, qu’est-ce qui peut justifier ce refus de vous envoyer le projet de budget ?
Moi, je suis plutôt étonné parce que je ne vois pas. J’ai échangé avec les autres secrétaires généraux tout à l’heure. On n’a pas trouvé ce qui peut justifier qu’on oublie volontairement, je ne sais pas si c’est volontairement, mais on oublie d’envoyer un document aussi important puisqu’on sait très bien que c’est sur cette base que nous allons rencontrer les députés à l’Assemblée et ce n’est pas la première fois. C’est une pratique qui date de longtemps et chaque année, on a toujours reçu le projet de budget. Cette question, il faut peut-être la poser au président de la commission des lois ou aux députés. Où bien, c’est de la négligence et dans ce cas, c’est toujours condamnable où alors, c’est fait sciemment et je trouve qu’on atteint une dimension très négative dans les rapports que nous devons avoir entre partenaires et partenaires sociaux.
En clair, on méprise aujourd’hui les travailleurs de ce fait ?
Oui. C’est comme cela que nous vivons cela. Déjà que nous faisons l’effort, parce que nous sortons de l’argent de nos cotisations pour dépouiller correctement le projet de budget, parce que nous ne restons pas ici à la Bourse du travail pour opiner de façon superficielle et nous savons que c’est important et donc, les ressources humaines, n’étant pas toujours disponibles dans nos confédérations, nous faisons appel à des expertises extérieures pour venir faire le travail avec nous. Donc, c’est un travail très sérieux que nous faisons et chaque année, les députés ont toujours apprécié nos passages à l’Assemblée nationale. Et donc, pourquoi tout à coup, on oublie de faire ce qu’on a toujours fait encore que quand nous nous déplaçons vers Porto-Novo, quand nous faisons nos observations, on a jamais senti qu’il y avait une prise en compte de tout ce que nous faisons comme propositions, malgré cela, on se contentait de ce folklorisme là en espérant qu’à chaque fois, cela va faire bouger les lignes d’un jour à l’autre, maintenant, si on n’a même plus le document, si on n’est plus dans la correction vis-à-vis du partenaire, de lui envoyer tout ce qu’il faut pour qu’il opine, vous comprenez que la question doit être posée aux députés eux-mêmes pour qu’ils nous disent ce qu’ils attendent de nous en fin de compte.
Vous ne craignez pas que dans quelques mois, vos revendications à incidence financière soient renvoyées aux calendes grecques pour début 2025, voire fin du mandat carrément ?
Dites-moi, est-ce que vous avez le sentiment que l’Assemblée nationale dans notre pays est capable de faire émerger les revendications sociales des travailleurs ? Vous avez le sentiment qu’ils sont capables ?
C’est une nouvelle mandature ?
C’est une nouvelle mandature qui parait meilleure à celles qui sont passées ? Moi, je n’ai pas ce sentiment. En fait, on a été tellement habitué au caractère protocolaire de tout ce que nous faisons et en fin de compte, on perd l’espoir dans la capacité réelle des représentants du peuple d’imposer un certain nombre de choses qui sont des choses importantes qu’on devrait regarder avec des yeux de responsables, surtout quand cela concerne des citoyens et ce sont des urgences sociales, des détresses que les gens expriment et donc, malheureusement, je n’ai pas le sentiment que nous perdons quelque chose par ce que nous obtenons pour les travailleurs. Ce que nous obtenons pour les citoyens, nous l’obtenons directement avec le gouvernement, le chef de l’Etat avec les ministères de tutelle et à ma connaissance, jamais avec une intervention d’un député ou d’une Assemblée nationale. On n’a pas vraiment le sentiment que l’Assemblée nationale est au service du peuple. Je n’ai pas ce sentiment et même quand je regarde cette mandature en cours, qui a une coloration tel que nous la souhaitons, c’est-à-dire, mouvance et opposition, je n’ai pas le sentiment que les députés de l’opposition font les choses comme il faut. Je n’ai pas ce sentiment-là. Je peux me tromper. Et donc pour moi, je n’ai pas l’impression que c’est une grande perte pour nous le fait de ne pas aller opiner sur le budget à l’Assemblée nationale. Le reste, nous allons nous ceindre les reins, nous allons nous organiser comme d’habitude et poser les problèmes là où, il faut les poser, là où nous avons une chance d’être entendus et d’être satisfaits.
Source: Crystal news