Le récent vote au Parlement de la loi organique relative à la Cour des comptes ainsi que le statut des magistrats de cette institution judiciaire, vient combler un vide au sein de l’arsenal institutionnel de l’Etat. Il vient également relancer le débat sur la Haute cour de justice dont la relative inertie depuis plusieurs années appelle à un remodelage de l’institution, à défaut de sa suppression pure et simple.
Aux termes de l’article 136 de la loi n°2019-40 du 07 novembre 2019 portant révision de la loi n°90-32 du 11 décembre 1990 portant Constitution de la République du Bénin, « La Haute cour de justice est compétente pour juger le président de la République et les membres du gouvernement à raison de faits qualifiés de haute trahison, d’infractions commises dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions, ainsi que pour juger leurs complices en cas de complot contre la sûreté de l’Etat ». Cette disposition est d’une clarté irréprochable et renseigne éloquemment sur la mission de cette noble institution de la république. L’opportunité d’un tel organe au sein de l’appareil d’Etat n’est plus à démontrer, encore moins sa pertinence puisqu’elle donne un contenu réel à la lutte contre l’impunité et est censée recadrer les ardeurs des gouvernants et autres personnalités appelées à assumer des responsabilités publiques. Au demeurant, elle constitue un important levier qui devrait inciter à la bonne gouvernance. Le constitutionnaliste aurait été doublement applaudi si dans les dispositions qui suivent celles de l’article suscité, il n’avait corsé la procédure de poursuite des autorités ou personnalités appelées à comparaître devant cette juridiction. En effet, à l’alinéa 2 de l’article 137 de la Constitution, il est indiqué que « La décision de poursuite puis de la mise en accusation du Président de la république et des membres du gouvernement est votée à la majorité des deux tiers des députés composant l’Assemblée nationale, selon la procédure prévue par le règlement intérieur de l’Assemblée nationale ». Pour beaucoup d’analystes, c’est à ce niveau que le législateur a péché car cette procédure semble lourde et complexe. Elle s’apparente à une volonté de donner le mouton et de garder la corde. C’est ce qui fait, qu’à la croisée des chemins, le bilan de l’institution reste mitigé à plusieurs égards au point que de nombreuses voix appellent à sa suppression pour économiser les maigres ressources de l’Etat affectées à son fonctionnement.
Manque de volonté politique
La suppression ou non de la Haute cour de justice a souvent fait débat. Deux courants s’affrontent sur la question. Pour les partisans de la suppression, la Haute cour de justice est devenue au fil des années, un épouvantail qui n’effraie personne. Les nombreuses procédures diligentées à l’effet d’y faire comparaître des personnalités ou autorités convaincues d’actes peu orthodoxes à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions, se sont heurtées à des machinations et manœuvres politiques. Seul le cas Alain Adihou a connu un semblant de succès quand bien même il reste à dire sur la procédure ayant abouti à la levée de l’immunité de cet ancien ministre chargé des relations avec les institutions sous le Feu président Mathieu Kérékou. Depuis, c’est le statu quo. L’institution baigne dans une inertie légendaire dans l’attente d’un hypothétique prochain client. Au nombre des partisans de la suppression, on ne saurait occulter un certain Patrice Talon. A son avènement au pouvoir, l’actuel chef n’a fait aucun mystère sur sa volonté de supprimer l’institution. Une volonté qui a été entérinée par la commission des réformes politiques et institutionnelles mise en place par le gouvernement en 2016, laquelle avait entre autres pour mission, de procéder à une relecture de la constitution béninoise et des textes régissant les institutions constitutionnelles. La suppression de la Haute cour de justice avait été retenue dans la trame des propositions de la commission mais le projet de loi déféré à l’Assemblée nationale aux fins de vote, n’a pas requis l’avis favorable des députés. Usant de sa minorité de blocage, l’opposition a réussi à faire échec au projet.
Une réorganisation s’impose
Pour les partisans du maintien de la Haute cour de justice, une éventuelle suppression de l’institution s’analyserait comme une stratégie pour promouvoir l’impunité et donc la mauvaise gouvernance. Ceux-ci estiment que ce n’est pas la Haute cour de justice en tant qu’institution constitutionnelle qui constitue un obstacle à l’administration de la sanction, mais plutôt le manque de volonté politique des autres institutions à qui incombe la prise en compte des nombreuses propositions d’amendements qui leur sont soumises. Il suffira entre les deux courants qui s’opposent, de trouver un juste milieu pour crédibiliser davantage l’institution et convaincre de son importance. Il faudra pour ce faire avoir le courage de franchir le Rubicon, en amendant les textes notamment en les dépouillant des scories qui plombent leur mise en œuvre efficace et efficiente.
Gabin Goubiyi