Dans une interview accordée au quotidien de service public ‘La Nation », le Professeur Albert Honlonkou, économiste et directeur de l’École nationale d’économie appliquée et de management (Eneam), est revenu sur l’évolution de l’économie béninoise depuis 1990, en mettant en lumière les changements majeurs intervenus sous la gouvernance de Patrice Talon. Selon lui, c’est sous ce régime qu’on a réellement assisté à l’émergence d’une politique économique autonome pour le Bénin.
D’entrée le professeur Albert Honlonkou a évoqué les difficultés économiques rencontrées à la fin des années 80, notamment les années de crise économique qui ont marqué le pays. Selon lui, avant 1990, la gouvernance économique était caractérisée par une faillite de l’État, des arriérés salariaux massifs, une dépression économique et la contrebande organisée par de hauts fonctionnaires. Il a souligné que c’est dans ce contexte de crise profonde que la Conférence nationale des forces vives de février 1990 a été organisée, jetant les bases d’une transition politique et économique pour le Bénin. Dès le début des années 90, le pays se tourne vers les politiques d’ajustement structurel imposées par le Fmi et la Banque mondiale, qui ont conduit à des réformes économiques sévères : réduction des dépenses publiques, privatisation, et licenciements dans les entreprises publiques. Si le gouvernement de la transition dirigé par Nicéphore Soglo a dû se plier à ces directives, ces ajustements ont cependant permis au Bénin d’enregistrer un taux de croissance économique de 9% en 1990. De 1990 à 2015, la politique économique béninoise a été largement guidée par les institutions internationales, avec la mise en œuvre des Programmes d’ajustement structurel (Pas), suivis des Documents de stratégie de réduction de la pauvreté (Dsrp) et des Stratégies de croissance et réduction de la pauvreté (Sscrp). « Le Bénin n’a pas eu de politique économique autonome durant cette période », affirme le professeur Honlonkou, soulignant que les orientations étaient souvent dictées par le Fmi et la Banque mondiale.
L’autonomie économique sous Talon : une révolution en marche
Selon l’universitaire, l’un des plus grands changements opérés sous la gouvernance de Patrice Talon réside dans la mise en place d’une véritable politique économique autonome, loin des directives extérieures. Cette transition a été amorcée avec la création, en 2016, du Bureau d’analyse et d’investigation (Bai), un instrument puissant de planification et de gouvernance. Grâce à ce bureau, les Programmes d’action du gouvernement (Pag) 1 et 2 ont été rigoureusement suivis, contribuant ainsi à une gestion plus structurée des projets et des réformes. Les résultats sont impressionnants, selon l’économiste. Sous la gouvernance Talon, la richesse nationale, mesurée par le Pib, a augmenté de 80 % en 10 ans. En comparaison, sous les gouvernements Kérékou 2 et Boni Yayi, cette croissance n’avait été que de 55 % et 51 % respectivement. « Quand la gouvernance est mieux structurée, cela fonctionne », souligne-t-il.
Une administration plus efficace et une gouvernance transparente
Albert Honlonkou met également en avant les progrès réalisés dans l’efficacité de l’administration béninoise sous le régime Talon. L’introduction de la digitalisation et de la gouvernance par les agences a permis de contourner les lourdeurs administratives et de réduire les coûts de transaction pour les services publics. De plus, des initiatives telles que la création de l’Agence de promotion des investissements et des exportations (Apiex) ont favorisé la création rapide d’entreprises et soutenu l’urbanisation durable. Une autre avancée majeure a été la transparence budgétaire. En 2023, le Bénin a enregistré une note de 79/100 en matière de transparence financière, se hissant ainsi parmi les meilleurs élèves d’Afrique et dépassant même des pays comme la France (74/100).
Lutte contre la corruption et renforcement de l’État de droit
Le professeur Honlonkou a également mis en exergue les progrès réalisés dans la lutte contre la corruption. L’Indice de perception de la corruption (Ipc) a ainsi grimpé de 36 points en 2016 à 45 points en 2024, positionnant le Bénin sur un pied d’égalité avec des pays comme le Sénégal ou la Côte d’Ivoire. L’application de la primauté du droit, la création du Tribunal de commerce et la mise en place du Code foncier et domanial sont autant de réformes marquantes ayant renforcé l’État de droit au Bénin.
Des défis à relever pour un développement inclusif
Malgré ces avancées, Albert Honlonkou insiste sur certains défis à relever pour garantir un développement inclusif et durable. Il déplore notamment le recours à la main-d’œuvre étrangère, qui, selon lui, limite l’emploi de la main-d’œuvre béninoise. Cela entraîne non seulement une faible circulation de l’argent au sein du pays, mais contribue également à l’aggravation du déficit du compte courant. Il appelle donc à un renforcement des capacités locales par la formation, l’innovation scientifique et un meilleur partenariat public-privé. Il souligne aussi l’importance du suivi social des réformes afin de lutter contre les inégalités et la pauvreté, et de garantir que les projets financés par l’État aient un réel impact sur les populations.
Léonce Adjévi