La condamnation de Joël Aïvo et Reckya Madougou remet sur le tapis, la question relative à la suite réservée aux doléances formulées par l’ancien chef de l’Etat Boni Yayi qui a entre autres, plaidé pour la mise en liberté de ces deux personnes poursuivies dans les dossiers de ‘’Complot contre la sûreté de l’Etat et Blanchiment de capitaux’’ puis ‘’Financement du terrorisme’’ lors de sa rencontre avec l’actuel locataire de la Marina, Patrice Talon.
Le président Boni Yayi reste assurément l’une des personnalités qui a de bonnes raisons de nourrir des sentiments de déception après la lourde condamnation de Joël Aïvo et Reckya Madougou à la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet) la semaine dernière. L’ex-Chef de l’Etat, bien que n’ayant reçu aucune assurance formelle de la part de son successeur quant aux doléances qu’il a exprimées à ce dernier pour décrisper la tension sociopolitique nationale, pouvait encore nourrir des espoirs de libération de sa « protégée » Reckya Madougou dont il a personnellement pesé de tout son poids dans son investiture comme candidate des démocrates mais aussi Joël Aïvo, dont une certaine opinion lui a attribué des velléités de soutien comme plan B. L’un dans l’autre, les doléances de Yayi n’ont été que partiellement satisfaites. En effet, quelques semaines après la rencontre des deux personnalités, quatre vagues successives de détenus ont été mises en liberté, certains sous convocation. Une certaine opinion dira que c’est des poids plumes qui ont été libérés au détriment des gros calibres qui constituent de potentielles menaces pour le pouvoir. Cette lecture n’est pas tout à fait juste quand on sait qu’aucun élément probant ne saurait attester cette hypothèse. Dans tous les cas, Boni Yayi ne peut dire que son successeur est resté sourd à ses demandes. Encore que tout peut encore se rétablir même après la condamnation des deux élites béninoises qui ambitionnaient de présider aux destinées du pays. L’amnistie ou la grâce présidentielle s’offrent aujourd’hui comme des pistes qui pourraient venir donner du contenu à la satisfaction des revendications de Boni Yayi.
Talon maître du jeu
Même s’il avait la volonté de satisfaire le chapelet de doléances que lui a soumis son prédécesseur, Patrice Talon, en bon stratège, a certainement dû analyser les contours d’un règlement précipité de la situation. Déjà que certains se sont forgés la conviction que les procès dans lesquels se sont engouffrés Joël Aïvo et Reckya Madougou ont un caractère politique, l’intervention du chef de l’Etat dans la procédure va non seulement s’assimiler à une immixtion du politique dans le judiciaire, mais aussi et surtout, corroborer la thèse selon laquelle Patrice Talon reste l’unique instigateur des procès contre ces deux opposants. Du coup, le peuple serait resté sur sa faim et n’aurait jamais su la vraie version des faits. En effet, les déballages et les vérités révélées lors du procès ont permis aux plus sceptiques de se rendre à l’évidence qu’il y avait matière à poursuivre dans ces deux dossiers. La thèse de la vacuité des chefs d’accusation est du coup écartée et chacun a pu comprendre que les inculpés ne sont pas poursuivis pour des faits dont ils ne sont pas auteurs ou qui n’ont jamais existé. Maintenant que le droit est dit, Patrice Talon semble désormais avoir les manettes pour explorer la piste extrajudiciaire afin d’épargner Joël Aïvo et Réckya Madougou du long séjour carcéral. Mais là encore rien ne presse. A priori, aucune urgence ne justifie pour l’heure, le recours à la grâce présidentielle ou à l’initiative d’une loi d’amnistie. Désormais maître du jeu, le Chef d’Etat pourrait jouer sur son agenda pour faire briller, à nouveau, les rayons du soleil au profit des deux vaillants compatriotes que la nation n’a aucun intérêt particulier à voir en prison.
Gabin Goubiyi