(Lire l’interview exclusive de David Aza)
« Fu Gbidi Yeku », signe révélé par le Tôfâ pour le compte de l’année 2025 au Bénin, donne lieu à diverses interprétations quand bien même, le collège des prêtres ayant procédé à la consultation a livré la version officielle. Le volet politique de ce signe, révélé par le professeur David Koffi Aza, initiateur du rituel depuis une vingtaine d’années, alimente la polémique et l’expose à de vives critiques au sein de l’opinion. Au travers d’une interview qu’il a accordée à Le Matinal, le prêtre du Fâ, revient sur la compréhension qu’il sied d’avoir du Fu Gbidi Yeku et de ses implications pour le Bénin. Lire ses propos.
Le Matinal : La consultation du Tofâ internet a révélé le signe Fu Gbidi Yeku. Que révèle ce signe et à quoi les Béninois doivent s’attendre pour l’année 2025?
David Koffi Aza : Déjà le signe Fu Gbidi Yeku qui gouverne désormais l’année 2025 parle à tous les Béninois, y compris le premier dirigeant, le dirigeant des Béninois. Le signe Fu Gbidi Yeku qui dit directement, « Je suis au seuil de la porte et aucun animal ne peut dépasser l’intrépide ni l’inquiéter devant le portail de son père. » Le Fâ dit par-là que le dirigeant doit pouvoir s’armer et doit pouvoir rester intransigeant vis-à-vis, non seulement des divers aspects liés à notre sécurité pour protéger la maison, mais également rester pour une continuation des œuvres entamées. Le Fâ a été très précis et très clair là-dessus. Il poursuit en disant : « En tirant sur le pouce jusqu’à ce que le marteau l’écrase, il vous sera très difficile de manger la pâte. » Le Fâ dit par-là d’éviter de sortir le pouce du jeu tout de suite. Ce n’est pas le moment de le sortir du jeu actuellement. Mais il poursuit également en disant : « Je suis au seuil de la porte et aucun animal ne peut dépasser la porte. » C’est-à-dire que le « Danglatô » dit qu’il va venir enrichir 41 pauvres et tuer 41 riches. Le Fâ prédit là que beaucoup de gens qui se plaignent l’année dernière, vont s’enrichir sérieusement cette année. Mais il y a beaucoup de riches qui ont bâti leurs fortunes sur le dos de la population. Et toutes ces manifestations-là seront révélées et le Fâ demande de leur retirer tout ce qu’ils ont pu engranger sur le dos de la population. Donc tout ce qu’ils ont pu réussir à collecter de façon injuste, il faudra le leur retirer. Mais il poursuit également en disant que « Même si le piment fait sept ans dans la bouteille, il n’est pas quelque chose que les yeux peuvent s’amuser avec ». En clair, le Fâ dit que là où nous allons, ce qui se pointe devant nous, quand nous allons nous regarder, on ne peut pas s’amuser avec. Il faut forcément quelqu’un de puissant, de fort et d’intransigeant pour nous permettre de relever les défis qui se présentent à nous surtout les défis sécuritaires, les défis économiques et les défis de développement. Il faut quelqu’un de précis pour le faire. Et il poursuit en disant, « qu’arbre puissant, je suis le seul capable de rester au seuil de cette porte. C’est pour ça qu’on m’a mis là. » Et le Fâ recommande de rester là, à cette porte. Il faudrait que l’arbre puissant qui est à la porte continue de rester à la porte pour que nous puissions avoir la quiétude. Mais il poursuit également en disant que « Le coucou, en voulant tuer l’amant de sa femme, va tuer sa propre femme. » Là, le Fâ met en garde contre les crimes passionnels ; de faire très attention parce que certains seront cocus et il ne faudrait pas vouloir se venger, parce qu’en voulant se venger, on va tuer sa propre femme et on va se retrouver en prison. Le Fâ parle également d’infanticide en disant que « Le coq qui amène femme et enfant dans la maison maternelle ne revient pas avec tous ses enfants ». Le Fâ parle par-là d’éviter d’amener les enfants dans les maisons de la belle-famille ou bien dans sa propre maison. Parce qu’on va partir mais au retour, on peut se diriger directement dans les hôpitaux pour des soins à cause de la maladie, des enfants ou parfois même de façon tragique. Le Fâ met en garde contre tout ça. Voilà les grandes lignes de ce que le Fâ a souligné et a demandé à ce que nos défunts anciens présidents soient honorés. Les défunts anciens présidents, il faudrait qu’ils soient honorés pour qu’ils contribuent à la sécurisation davantage de la population et également à nous permettre de transcender les défis qui se présentent à nous. Il demande à ce qu’on fasse des offrandes au « Minonan ».Il demande à ce qu’on fasse des offrandes au « Danglato ». Les Danglato, ce sont les serpents solitaires qui se trouvent dans les forêts classées. Il faut qu’on leur fasse des offrandes. Il faut qu’on fasse des offrandes aux jumeaux. Il faut qu’on fasse des offrandes également au « Lissa ». Le Lissa, c’est l’énergie de la dame nature qui est directement liée aux étrangers. Ça veut dire qu’au cours de 2025, beaucoup de touristes vont débarquer dans notre pays pour enrichir davantage le bouquet touristique de notre nation. Donc, il faut qu’on travaille avec Sègbo Lissa pour que cela se passe dans les règles de l’art et qu’on ait suffisamment de touristes qui visitent notre pays. Donc, voilà les grandes lignes de ce que nous avons dit. Mais il faut préciser que le Fâ met l’accent sur quelque chose. Il dit que même si on ferme les portes, cela n’empêche pas les rêves. Les gens vont rêver mais ces rêves-là ne peuvent pas devenir réalité. Les gens vont s’agiter pour dire, « je veux faire ci, je vais faire ça, je veux devenir président de la République » mais ils ne le deviendront pas pour autant. Par ailleurs, le Fâ dit qu’il y a quelqu’un ici, dans le pays, une grande personnalité du pays, qui est en connivence avec une autre personnalité de la sous-région, qui a l’habitude de déstabiliser les pays de la sous-région. Et il faudra rapidement déceler celui-là pour que le jeu n’aille à terme parce que son intention, c’est de déstabiliser le pays. Il dit, la personne en question n’est pas de nationalité béninoise mais une personnalité politique béninoise va l’inviter à déstabiliser le pays comme il le fait dans les pays en Afrique noire. Il déstabilise les pays, il fait des tueries, et puis lui, il tire son épingle du jeu. Il tire son profit de là. Et il l’a fait dans beaucoup de pays de la sous-région. Mais le Fâ dit, quand il va venir au pays, il va échouer. Donc il y a des dispositions qu’on doit prendre pour que cette personnalité béninoise, qui est en train de financer ou de vouloir financer celui-là de la sous-région, qui déstabilise partout, pour tirer son épingle du jeu, quand elle va vouloir le faire au Bénin, ça ne passera pas. Nous prenons toutes les dispositions, et nous en prenons sur le plan invisible pour que ça ne se passe pas au Bénin ici.

On va certainement revenir sur les aspects politiques que vous venez d’évoquer mais avant, parlons de prédictions positives du Fâ qui dit que l’année sera placée sous le signe de la prospérité. N’y a-t-il pas des dispositions particulières que les citoyens doivent prendre pour bénéficier de ces faveurs-là?
Pour bénéficier de cette prospérité, le secret que je veux leur donner, c’est que chacun choisisse les Danglatô qu’il y a dans sa localité. Les Danglatô, je l’ai dit tantôt, c’est les serpents solitaires qui sont dans les forêts. Il faudra leur faire des offrandes et faire des promesses.
Individuellement?
Oui individuellement. Chaque individu peut choisir le Danglatô qu’il veut, va lui apporter de l’eau, de boisson sucrée, de boisson forte, et puis un peu d’huile et lui dit, voilà ce que j’ai apporté, parce que je n’ai rien, mais je veux que tu m’aides à avoir la fortune. Dès que j’ai la fortune, je vais t’apporter un coq, une poule, et puis c’est bon.
La recommandation est-elle valable pour les compatriotes d’obédience chrétienne?
Bien sûr que oui. Le Fâ ne fait pas de distinction religieuse. N’importe qui, qui veut bénéficier, peut faire le rituel parce que cette année (2025 ndlr), la fortune plane sur la tête de tout le monde. Tout le monde peut bénéficier de cette fortune cette année. Maintenant, celui qui porte cette fortune, ce sont les Danglatô. Donc, en allant, chacun va courir, parce que le phare dit 41, mais évidemment, il peut y avoir plus que 41. Mais il y aura des gens qui seront remarquablement identifiés en matière de richesse au cours de 2025.
Le Fâ a également parlé des cas d’infanticides, ou encore que les maris qui seront cocufiés vont tenter de commettre des crimes passionnels et autres. Quels conseils avez-vous à donner aux gens qui se retrouveraient dans ces cas-là?
Le premier conseil, c’est déjà de préserver sa famille, surtout les enfants. Si on veut aller en famille, on peut y aller seul ou avec sa femme, mais laisser les enfants à la maison. Deuxième chose, si on remarque l’infidélité de la femme, le mieux, c’est d’avoir un peu de retenue, de libérer la femme si on ne peut pas supporter, laisser la femme partir, mais la maintenir là pour pouvoir se venger, il faut éviter. Sinon, on va se venger, certes, mais on va se faire plus du mal parce qu’on va se retrouver en prison et au bout du rouleau, les enfants n’auront ni père ni mère. Donc, il faut voir l’intérêt des enfants en libérant la femme. Il n’y a rien d’humiliant quand une femme commet l’adultère.
Il y a un grief qui est fait à la procédure de consultation du Tôfâ relativement au timing du rituel. Depuis l’année dernière, la consultation du Tôfa se fait au cœur de la célébration des Vodun days qui se déroulent au cours du mois de janvier, c’est-à-dire en début d’année. Est-ce que cela ne pose pas un problème de crédibilité du TôFâ ?
Non, il n’y a pas de problème de logique ni de crédibilité parce que vous savez, le Tôfâ est convoqué par le roi. Aujourd’hui, c’est le président de la République qui convoque le Tôfâ. C’est la première fois qu’un chef d’État prend ses responsabilités vis-à-vis du Tôfâ. On n’a jamais vécu ça. Le Tôfâ est un instrument régalien. Aucun roi n’a jamais convoqué le Tôfâ parce que le dernier Tôfâ a eu lieu le 3 décembre 1889. Et c’est 107 ans après, en 2006, qu’on a fait revenir ce rituel. C’est moi qui l’ai fait revenir. Aucun roi n’a jamais convoqué ça. C’est quand j’ai fait revenir l’initiative que certains ont voulu me copier et ont commencé par le faire. Il y avait deux possibilités : soit la population convoque, soit le roi convoque. Donc, soit la population fait parce que le pouvoir appartient au peuple, ou alors le président de la République fait. Et c’est pour une première fois que le président de la République décide d’assumer cette charge régalienne qui lui incombe. Donc, pour nous, c’est qu’il n’y a pas mieux, parce que c’est lui qui commande. Mais lui il dit, moi je convoque le collège de Bokonon pour le festival du 10 janvier. C’est lui qui décide.
Mais par rapport au timing, le problème ici c’est que le Tôfâ se fait alors même que l’année a commencé ?
Oui, on aurait bien pu faire le Tôfâ en décembre pour anticiper certains événements et tout. Mais il faut aussi dire que l’objectif pour l’autorité en venant s’asseoir pour suivre le Tôfâ, c’est qu’il veut assumer. Donc demander à l’autorité de venir s’asseoir juste pour la consultation du Tôfâ en décembre et quelques semaines après, lui demander à nouveau de revenir devant les mêmes acteurs pour faire encore le Vodoun, ne semble pas pratique. C’est ça justement le problème.
Mais on n’est pas tenu de faire le Tôfâ au cœur de la fête des religions traditionnelles ?
Mais si l’autorité veut que ça soit fait au vu et au su de tout le monde. Si on l’avait fait en amont, en cachette, on va dire que le Tôfâ est biaisé. C’est ce que dira la population. Donc l’autorité dit, ça va être fait au vu et au su de tout le monde.
Beaucoup estiment par exemple que si c’était fait en amont, on aurait peut-être eu des indices sur les malheurs qui ont accablé récemment le pays et on aurait subséquemment pris les dispositions pour éviter ces drames ?
C’est dommage que ces choses soient arrivées au pays mais je vais vous dire ceci : il faudrait que chacun prenne ses responsabilité parce que les turpitudes des humains ne peuvent pas être imputées à l’invisible. Ce que moi j’ai entendu dans le drame de l’incendie survenu à Akpakpa par exemple, m’amène à me demander si les autorités locales s’écoutent elles-mêmes. Quand on a entreposé de telles quantités de gaz et disent qu’ils ignorent même de quel genre de gaz ont été entreposés, c’est ahurissant. Dans aucun pays au monde, ça ne peut se passer. On ne peut pas entreposer tant de quantités de gaz dans une zone comme celle-là alors qu’on n’a pas pris des mesures sécuritaires subséquentes. Est-ce qu’on n’a pas fait des études d’impact environnemental avant d’entreposer ces gaz-là ? Il faudrait d’abord faire une étude d’impact environnemental avant d’exposer ces substances inflammables et toxiques. Mais est-ce que ça a eu lieu? Qui a autorisé qu’on stocke de telles quantités de gaz dans une maison habitable alors qu’on connaît les risques sans aucune précaution sécuritaire en amont? Les dieux ne peuvent pas nous faire ça. Ça c’est l’homme. C’est la responsabilité de l’homme. Ça n’a rien à voir avec le Tôfâ. Même les djihadistes existaient déjà. Ça n’a pas commencé en 2025. Ça existait déjà, on traînait ça depuis des années. Soit on a baissé la garde ou ceux-là qui sont déployés sur le lieu et qui savent qu’ils sont au front, comment est-ce qu’ils ont fait pour être surpris? Est-ce qu’il n’y a pas eu de sentinelle? Est-ce qu’il n’y a pas eu de surveillance? Mais comment se fait-il qu’ils soient surpris? C’est vrai que ce qui s’est passé est regrettable, mais ils savent tous qu’ils sont au front. Mais comment se fait-il qu’on peut être au front et baisser la garde, même si on est dans un environnement clos? On ne peut pas baisser la garde, parce que le danger peut venir de n’importe où à tout moment. Il faut savoir situer les responsabilités. Je pense qu’il faudrait qu’on commence à communiquer sur ces genres de choses pour situer les responsabilités parce qu’on ne peut pas demander aux autorités de faire le compte chaque fois devant les rassemblements ou devant les cantonnements des militaires pour les maintenir en éveil. Non, ils doivent savoir, ils doivent comprendre, ils savent très bien qu’ils sont au front, donc ils ne peuvent pas dormir.
On va revenir à l’interprétation du volet politique du Tôfâ. Vous avez donné l’image de l’intrépide qui est au seuil de la demeure paternelle et qui ne saurait être ébranlé parce qu’il y maintient bien la veille et il n’y a que lui qui puisse être là pour que les choses aillent au mieux. Que voulez-vous dire concrètement par-là ?
Vous avez vu toutes les interprétations que j’ai données par rapport à ça. Par rapport à cet aspect-là, il faut retenir que le Tôfâ s’adresse à deux personnes : le président de la République et la population. Donc, dans chaque interprétation du Tôfâ, on va voir la population, on va voir le Président de la République. On ne peut pas passer outre. C’est ça justement le problème. Maintenant, c’est vrai que j’entends des choses mais cela ne nous empêche pas nous Bokonon de dire la vérité révélée par le Tôfâ au peuple. Demandez à mille Bokonons, de vous interpréter ce signe. Ils ne vous diront pas autre chose parce que c’est le « Lèdjigbé » « , c’est-à-dire la parole de prééminence du signe. C’est ce que le signe dit en premier.
Est-ce que cette interprétation qui a tendance à projeter des choses au-delà de l’année de référence ne pose-t-il pas un problème vu que nous sommes dans une année préélectorale et que constitutionnellement le président en exercice ne doit plus briguer un nouveau mandat en 2026 ?
Cela ne pose aucun problème. Vous savez que le Tôfâ qu’on avait fait en 2014 pour l’année 2015 a donné les prémices, le trait caractéristique physique du président de 2016 alors que les élections ont lieu en 2016. Pourquoi ils n’ont pas parlé en ce moment-là? Le Fâ anticipe, ça fait un. Deuxième chose, vous savez, nous souffrons d’une baisse de niveau de compréhension de nos réalités endogènes. Il n’y a pas une séparation étanche entre les années. Il faut comprendre le mécanisme de fonctionnement. C’est-à-dire que l’année 2025 que nous égrenons, a déjà commencé le 21 octobre 2024 et va finir le 21 mars 2026. En clair, tous les événements qui ont lieu depuis le 21 octobre 2024, le Tôfâ prend ça en compte, jusqu’aux événements qui auront lieu jusqu’au 21 mars 2026. Donc c’est normal qu’on retrouve des prémices de 2026 dans le Tôfâ de 2025. Et ce sera la même chose. Le Tôfâ de 2026 va reprendre une partie des événements qui auront lieu à partir du 21 octobre 2025 jusqu’au 21 mars 2027. C’est comme ça le mécanisme fonctionne. Mais vous savez, on ignore tout de notre propre culture. Donc on ne cherche pas à comprendre et on est dans l’émotion. Avec la révélation qui est arrivée là, il va falloir s’asseoir. Voilà ce que le Fâ a dit. Voilà ce que dit notre constitution. Maintenant, on fait comment? Parce que le Fâ dit que si vous enlevez le pouce, vous allez regretter. Mais comment faire pour que le pouce reste sans être là? Parce que légalement, les textes ne lui permettent pas d’être là. Mais le Fâ dit que si vous l’enlevez, vous allez perdre. Maintenant, comment on fait? Pour qu’il soit là sans être là? Ou comment on fait pour qu’il continue d’être là? Pour qu’on ne souffre pas?
Vous pouvez répondre à la question ? Quel est votre avis?
Moi, je n’ai pas d’avis personnel. Je laisse la population choisir. Mais de toutes les manières, qu’il reste ou qu’il ne reste pas, la population va féliciter le Fâ demain. On est dans l’émotion aujourd’hui, mais demain, on va nous féliciter. Écrivez ça quelque part.
Est-ce que dire les choses ainsi ne va pas exacerber les tensions politiques dans le pays vu que cela ramène le débat sur un troisième mandat qui serait anticonstitutionnel ?
Je ne veux pas tenir compte des situations sociopolitiques du pays pour interpréter le Fâ. Le Bokonon, ce n’est pas son rôle. On ne regarde pas les événements pour dire ce qui est bien à son ami quand on consulte le Fâ. Qu’il vous souvienne, le Tôfâ de 1891, qui a eu lieu je crois le 6 ou le 7 décembre 1891, Guèdégbè, (le Bokonon du royaume d’Abomey ndlr) avait déconseillé au roi Béhanzin, d’engager la guerre. Alors même que la guerre était à notre porte, Guèdègbéle dit au roi Béhanzin : « Le Tôfâ interdit de faire la guerre ». Béhanzin a demandé à ce que Guèdégbé soit décapité par ce qu’il a estimé qu’il lui avait donné un mauvais conseil. Guédègbé a dû fuir pour aller rester chez sa mère à Savè. Quatre ans après, Béhanzin a dit : « Dites à Guèdégbé de revenir. Il a raison » parce que la guerre n’a pas été bonne pour notre nation en ce moment-là. Donc, on ne peut pas regarder la situation parce que la guerre à notre porte, pour dire au roi, on va faire la guerre. Alors que le Fâ dit de ne pas faire la guerre. Donc, ce n’est pas parce que la Constitution dit que le président ne peut pas faire deux mandats, que quand le Fâ dit quelque chose, moi, je ne vais pas le révéler. La Constitution n’est pas au-dessus du Fâ. La Constitution, c’est une œuvre humaine. Le Fâ n’est pas une œuvre humaine. Ce sont les hommes comme vous et moi qui avons rédigé la Constitution pour dire voilà ce qui va être notre loi. C’est juste un contrat social que les Béninois se sont donné. Le contrat social ne peut être plus important que la volonté de l’invisible. Non. Moi je ne dis pas de réviser la Constitution. Si les dispositions du Fâ, vont conduire à une révision de la Constitution, c’est au législateur d’aviser. Je dis simplement, le Fâ dit de le laisser continuer. Si on fait tout pour le sauter, on va regretter. Mon rôle arrête là. Maintenant, s’il faut le maintenir là par le mécanisme d’une révision de la Constitution, c’est au législateur d’aviser. Si le législateur ne veut pas, il n’est pas obligé de réviser la Constitution. On va le faire partir. Mais nous sommes tous là pour supporter les conséquences.
Vous avez reconnu dans l’une de vos récentes sorties médiatiques que le Tôfâ est un instrument politique. Sur la base de ces propos, d’aucuns soupçonnent une connivence entre le collège des prêtres du TôFâ, et le président de la République. Que répondez-vous à ces soupçons ?
Ça ne veut rien dire d’autant plus que ce n’est pas le collège des Bokonons qui a façonné le signe. On a appelé un Yoruba, un Nagot, qui est venu, et devant tout le monde, il a tapé, il a sorti le signe devant tout le monde. Est-ce que nous avons téléchargé le signe sur Play Store ? C’est devant tout le monde que le signe est sorti, devant la caméra que le signe est sorti. Il a tracé un arbre jusqu’à ce qu’on ait obtenu le signe. Donc, nous autre ne faisons qu’interpréter le signe qui est venu. Ce n’est pas notre rôle de dire, comme ce signe-là dit ça, on ne va pas regarder la situation sociale pour expliquer le Fâ. Je répète, et j’assume ce que je dis. J’assume pleinement toutes les conséquences de ce que je dis.
Il y a un de vos collègues, Bokonon, qui, lui soutient plutôt que le Fu Gbidi Yeku appelle l’intrépide qui est au seuil de la demeure paternelle, à s’incliner devant les lois de la nature au risque de subir la colère des dieux ?
Le Fâ n’a pas dit ça. C’est son interprétation à lui. Ils ont connu le Tôfâ quand ? C’est moi qui l’ai fai renaître il y a 20 ans. Qu’est-ce qu’ils savent de l’interprétation du Tôfâ ? Le problème, c’est que la manière dont on interprète le Fâ pour un individu, ce n’est pas de cette même manière qu’on interprète le Tôfâ. Tous ceux qui s’agitent aujourd’hui et qui parlent du Tôfâ, ils ont connu le Tôfâ par moi.Tout ce qu’ils savent du Tôfâ, c’est par moi. C’est moi qui ai sorti cet instrument 106 ans après sa suspension. Ils ne savent pas d’où j’ai tiré ça. Est-ce qu’ils connaissaient le Tôfâ ? Aujourd’hui, tout le monde s’agite et parle du Tôfâ. Qu’est-ce qu’ils savent de l’interprétation du Tôfâ ? Ils ne savent rien du tout. On n’interprète pas le Tôfâ comme on interprète la consultation d’une personne. Si c’est un individu qui a trouvé ce Fu Gbidi Yeku, on va lui dire que sa femme a un amant. Mais est-ce que c’est toutes femmes des Béninois qui ont des amants ? On va lui dire de ne pas sortir avec une veuve. Est-ce qu’on va dire à tous les Béninois de ne pas sortir avec des veuves ? Ceux qui sont mariés avec des veuves, ils vont faire quoi ? Ce n’est pas la même interprétation. On ne peut pas l’interpréter comme ça. Si, par exemple, ce signe est sorti pour un individu, on lui dit qu’après 20 heures, il ne doit plus sortir de sa maison. On va dire à tous les Béninois de ne pas sortir de la maison pour aller travailler la nuit si d’aventure la personne travaille la nuit, ils vont manger quoi ?
Un mot pour conclure cet entretien
Je demande au peuple Béninois de sortir de l’émotion. Ce qui est arrivé-là, c’est quelque chose qui interpelle tout Béninois épris de paix et de développement pour sa nation. On doit s’asseoir pour réfléchir. Voilà ce que le Fâ dit. Voilà ce que dit la Constitution. Qu’est-ce qu’on fait ? Ce n’est pas une question d’être dans l’émotion, d’être nerveux, d’insulter parce qu’ils passent tout leur temps à m’insulter. Ce n’est pas un problème, c’est de bonne guerre. Mais il faut qu’on apprenne. Le Béninois doit apprendre à analyser les situations avant de tirer des conclusions. On n’analyse rien du tout. Certains prétendent même qu’on m’a acheté. Combien on peut m’acheter, moi ? Je ne suis pas rassasié, mais je n’ai pas faim non plus. Donc, le problème n’est pas là. Le problème est que, est-ce que le Fâ a dit ça ? Oui, le Fâ dit. Est-ce que le signe qui est sorti, c’est sorti devant tout le monde ? Oui, c’est sorti devant tout le monde. Est-ce que ce signe dit ça ? Oui, ce signe dit ça. Maintenant, voilà ce que dit la Constitution. Maintenant, on fait comment ? On s’assoit et discute. On va trouver une solution. Et ça, c’est le rôle de la société civile, des acteurs politiques, du législateur et du gouvernement. Ils n’ont qu’à s’asseoir là-bas et discuter et voir ce qu’ils peuvent faire mais nous on les a déjà éclairés pour dire « voilà le meilleur chemin à suivre maintenant s’ils veulent choisir un autre chemin, c’est à eux de voir et nous sommes tous là pour aviser.
Propos recueillis par Gabin Goubiyi