Basile Ahossi est un homme politique responsable. On en convient, et nul ne peut le lui dénier. Mais parfois en politique, selon les circonstances, il faut savoir mettre en sourdine ses ressentis et privilégier l’intérêt général.
Le vice-président du parti « Les Démocrates », Basile Ahossi, est connu pour ses diatribes. Des critiques souvent justes, mais pas à propos. Avec toute l’expérience qu’il a engrangée dans ses combats politiques, il devrait se mettre dans le sens d’une critique davantage constructive et quitter sa posture d’opposant radical. Parce que la critique est aisée, l’art difficile. Dans sa sortie du week-end dernier, il s’en est pris, de nouveau, au président Talon. Selon lui, entre faire un troisième mandat, comme l’a fait Alassane Ouattara, et empêcher la compétition (ce qu’il reproche à Patrice Talon), sont des systèmes de gouvernance qui prennent de plus en plus de l’ampleur sur le continent. Pour lui, ces deux comportements que peuvent avoir un chef d’Etat ne comportent pas les mêmes degrés d’impact. C’est à travers un message sur sa page Facebook, que le vice-président du parti d’opposition s’est exprimé. « Il faut que nos compatriotes comprennent que le troisième mandat est moins grave, et je pèse mes mots, que celui qui empêche la compétition. Refuser qu’il y ait la compétition dans un pays est pire qu’un troisième mandat », a-t-il écrit. Mais tout observateur avisé de la politique en Afrique concèdera que cette argumentation est dangereuse pour plusieurs raisons. D’abord, minimiser l’impact nocif des 3ème mandat, c’est apporter de l’eau au moulin des dictateurs invétérés. Or, ces genres de potentats, le continent n’en manque pas. Seulement, l’Afrique, comme le dit Barack Obama, n’a pas besoin d’hommes forts, mais d’institutions fortes. Ce sont les systèmes et institutions démocratiques qui durent dans le temps qu’il faut perpétrer. En effet, si le président Patrice Talon s’en tenait à ses deux mandats, il rentrera à coup sûr dans l’histoire. Car il aurait, cela faisant, privilégier le respect de la Constitution. La Constitution étant l’instance ou l’institution suprême, dont le respect détermine le reste. C’est en cela que Basile Ahossi semble avoir tort. Car il vaut mieux avoir des hommes politiques de la trempe de Patrice Talon, qui « surgissent, agissent et disparaissent ». A contrario, les troisièmes mandats sont à décourager définitivement et à bannir totalement de nos mœurs politiques pour, justement, préserver les Etats africains contre le péril des dictatures, avec le corollaire des coups d’Etat qui, désormais, essaiment sur le continent et font école.
Leçons de réalisme politique
L’autre argument de Basile Ahossi qui peine à convaincre, c’est le peu d’intelligence dont fait preuve la classe politique de l’opposition. Dans le cas d’espèce, parler « d’exclusion » semble un peu excessif. En effet, certains politiciens béninois oublient qu’il n’y a pas d’enfant de chœur dans cette arène. On ne s’y fait pas souvent des cadeaux. Donc, une opposition attentiste et désorganisée s’y fera forcément manger tout cru. Ce que l’opposition n’a pas encore compris, multipliant des erreurs et bévues aussi monumentales que puériles, surtout lors des différentes échéances électorales depuis 2019. La dernière chance qu’il leur faudra saisir pour corriger le tir, ce sont les Législatives de 2023. Les connaissant, ils vont attendre les dernières minutes pour commencer par gémir, pleurer et parler d’exclusion. D’ailleurs, il n’y a point de vent favorable à celui qui ne sait d’avance là où il va.
Jean-Paul Mahugnon