Dans le cadre de l’organisation de la campagne de sensibilisation sur les droits des enfants et des filles pour le compte de son projet Weschools III, l’Ong internationale Weworld-Bénin était le mercredi 18 octobre 2023, au Complexe Scolaire d’Avlamè dans la Circonscription Scolaire de Zogbodomey. L’objectif était de promouvoir les droits des enfants à l’éducation à travers la déconstruction des stéréotypes liés aux abandons scolaires.
Alors que l’Etat et ses partenaires œuvrent inlassablement pour la scolarisation des enfants, d’autres facteurs endogènes favorisent leur décrochage précoce et massif inhibant ainsi les efforts consentis. Le phénomène qui prend d’année en année, une proportion inquiétante, attire l’attention de l’Ong internationale Weworld-Bénin dont les actions de développement s’inscrivent dans l’optique de réduire le phénomène. C’est ce qui justifie sa descente à l’Ecole primaire publique (Epp) d’Avlamè où des cas d’abandon précoce de classes sont avérés. « Le taux de décrochage scolaire est grandissant », alarme Lazare Vigan, Directeur de ladite école. Selon lui, les statistiques de l’école au cours des cinq dernières années traduisent à suffisance la persistance du phénomène. A la rentrée 2018-2019 par exemple, sur les 93 écoliers inscrits au Cours d’initiation (Ci) on note 13 abandons avant la fin de l’année scolaire, soit un taux de décrochage précoce de 13,97%. En 2020-2021, 14,28% d’abandons ont été enregistrés dans le même cours. Sur les 80 écoliers ayant suivi les cours durant toute l’année scolaire 2018-2019, seulement 40 continuent de poursuivre leur cursus scolaire à cette rentrée académique 2023-2024. Les nombreuses actions de Weworld en faveur de cette école n’ont guère freiné le phénomène. Il s’agit entre autres, de la construction des latrines Vip dans le but de permettre aux plus petits écoliers de se familiariser avec les infrastructures d’hygiène équipées de dispositifs de lavage de mains et d’améliorer leur fréquentation dans ces écoles, la formation des enseignants sur des thématiques permettant d’améliorer la qualité de l’offre éducative, l’organisation des cours de renforcement au profit des écoliers les moins performants, le renforcement de capacités des groupements de femmes Epc (Epargner pour un changement de comportements) qui appuient matériellement l’école, la dotation de l’école en matériels didactiques et ludiques, etc. « Tout cela se fait pour la promotion de l’éducation de qualité et du respect des droits de l’enfant. Mais malheureusement, on note toujours un fort taux d’abandon scolaire en dépit de ces actions de Weworld», regrette Lazare Vigan.
La responsabilité des parents interpellée
Au cours de la campagne de sensibilisation qui a porté sur le thème : « Persistance du phénomène de l’abandon scolaire au primaire : conséquences de l’acte sur l’épanouissement de la jeunesse dans les communautés», les écoliers des classes de Ce2, Cm1 et Cm2 ont indirectement dénoncé la fuite de responsabilité de leurs parents. Énumérant les causes favorisant le décrochage scolaire de certains de leurs pairs, ils ont évoqué par exemple le manque ou l’absence des fournitures scolaires. « En considérant la gratuité de l’enseignement au primaire, nombre de parents d’élèves démissionnent par rapport à leurs responsabilités vis-à-vis de nos besoins pour notre scolarité », constatent-ils. L’écolier Sylvestre Ahogbé, âgé de 12 ans en classe de Cm2, souligne le manque de soutien dû au décès des parents et la volonté de certains qui décident volontairement d’abandonner les classes pour apprendre un métier. Les activités champêtres, la paresse, les difficultés solaires, la traite, la précarité des familles concourent également à ce phénomène. Sylvestre Ahogbé a encore le souvenir de certains de ses camarades. « Nombre de mes camarades au Ci, il y a cinq ans, ont laissé les classes pour apprendre un métier tel la maçonnerie, la couture, la coiffure, la plomberie, la menuiserie, et autres », témoigne-t-il. Les avantages de l’instruction avant l’apprentissage de tout métier ont été également abordés au cours de la campagne. Dame Gloria Dako, responsable d’un atelier de coiffure dans la localité, a été mandatée par le collectif des artisans pour la cause. Elle a fréquenté jusqu’ en classe de 5ème avant d’aller en apprentissage du métier de coiffure durant trois années. Abordant les avantages qu’elle gagne en construisant sa formation professionnelle sur une connaissance académique adéquate, elle s’exclame : « Si aujourd’hui j’arrive à vite comprendre lors des recyclages ou les séances de sensibilisation, c’est parce que j’ai la chance d’aller à école. Cela me permet de prendre note dans un cahier que je relis plus tard ». Si Gloria Dako se vante de ses acquis scolaires, Brigitte Gnanguènon quant à elle, regrette de n’avoir pas bénéficié de cette chance. Analphabète et patronne d’un atelier de couture, elle a également été mandatée par le collectif des artisans du milieu pour partager les difficultés qu’elle éprouve dans l’exercice de son métier pour des raisons de son illettrisme. Par exemple, elle est confrontée à d’énormes difficultés quant à la prise des mesures de ses clientes. Elle n’a pas une bonne organisation de travail, malgré qu’elle soit à son propre compte. « C’est par des procédés détournés que j’arrive à mémoriser les mesures des clients. Si elles sont nombreuses, je n’y arrive pas et parfois, je suis obligée d’aller vers elles à la maison pour reprendre leurs mesures », confie-t-elle.
Les enfants s’engagent à réduire le taux d’abandon
Au regard des avantages de l’instruction et des difficultés relatives à l’illettrisme, Gloria Dako et Brigitte Gnanguènon exhortent leurs frères et sœurs qui comptent abandonner les classes, à poursuivre les études jusqu’à l’obtention de leur Brevet d’études du premier cycle (Bepc). Fort du développement du thème de la campagne par Maxime Houndoté et Eder Déguénon, respectivement superviseur de zone du projet Weschools III et superviseur de l’Ong Fadec sur le projet Weschools III, les écoliers de l’Epp d’Avlamè ont pris des résolutions fermes. « Même pour apprendre un métier, je dois avoir nécessairement mon Cep (Certificat d’étude primaire) et mon Bepc », rappelle Gloria Dako. « Je dois rester à l’école quelles que soient les difficultés », ont-ils chanté en chœur. « Je dois travailler à l’école pour faire plaisir à moi-même, à mes parents et à mes enseignants », renchérit l’un des participants. Désormais outillés, ces écoliers vont non seulement internaliser ces acquis dans leur vie quotidienne mais aussi les partager avec leurs camarades du village en vue de faire changer d’avis à ceux qui pensent abandonner les classes pour diverses raisons. Tout ceci contribuera de façon significative, à la réduction du taux d’abandon scolaire dans la circonscription scolaire de Zogbodomey.
Zéphirin Toasségnitché (Br Zou-Collines)