Le gouvernement du président Patrice Talon a pris ses responsabilités en formalisant un nouveau décret qui édicte de nouvelles normes dans le secteur funéraire au Bénin. Cette réforme a reçu un écho favorable au sein des communautés du département du Zou.
Par décret n°2024-991 du 19 juin 2024, le gouvernement a redéfini les normes pour recadrer les déviances qui s’observent dans le secteur funéraire. En effet, dans le département du Zou, la mémoire des morts autrefois vénérée, alimente aujourd’hui toutes formes de spéculations. Dans la dizaine de morgues que compte le département, la conservation des corps laisse à désirer avec un personnel non qualifié. Les règles environnementales et hygiéniques ne sont pas de mise. A cela, s’ajoute l’abandon de ces corps par leurs familles et tout le tintamarre qui s’organise autour de l’enterrement. Les obsèques, moments de recueillement et de prière pour le repos de l’âme du disparu, sont transformées en de véritables festins qui nourrissent tout un marché de pagnes, de vivres, de boissons, d’ustensiles et d’autres utilitaires. Les prestataires de services mortuaires offrent leur disponibilité aux familles éplorées, quitte à celles-ci de payer au lendemain des cérémonies. Le décès d’un être est donc devenu une opportunité d’affaires et de réjouissance au mépris des règles élémentaires de la tradition et du principe du respect de la mémoire du mort. «Des gens s’endettent pour des inhumations onéreuses. Ils paient un lourd tribut pour les funérailles de leur beau-père ou belle-mère. Au risque de subir le divorce de leur femme, ils vendent leurs biens pour honorer leurs engagements vis-à-vis de leur belle-famille. D’autres font des achats à crédit et au finish, croupissent sous le poids des dettes, et prennent la clé des champs alors que le mort n’a besoin que d’être enterré », dénonce Dah Hlouagbé, chef de collectivité à Agbangon-Nanagon. « Du vivant de la personne, c’est l’aisance dont il n’a pas pu bénéficier qu’on lui offre après son départ. Tout cela est du maquillage », se désole Dah Agbatchia Gnidjazounnon. «Ce qui se passe au Bénin est ahurissant et sort de l’ordinaire », constate Boris Goudja, journaliste à Royal Fm. Ces dérives ont attiré l’attention du gouvernement qui a dû prendre ses responsabilités. Cette réforme engagée pour assainir le secteur funéraire est accueillie favorablement au sein de l’opinion publique du département du Zou. «Cette loi me réjouit à plus d’un titre. J’avais tant prié pour son avènement», confie Dah Hlouagbé. « C’est un très bon décret qui permet de limiter exagération », renchérit Simplice Amagbégnon, socio-anthropologue. « Pour moi, c’est une très bonne réforme qu’il fallait », ajoute Wenceslas Gansè, chef de la cellule de contrôle des marchés publics, à la Mairie d’Abomey. « Nous sommes à l’ère des réformes. Celui qui aime son pays doit saluer cette réforme quand on sait les conditions désastreuses dans lesquelles les corps sont conservés dans les morgues», applaudit Cyr Libasto Adjadémè, chef du quartier Doguèmè à Abomey. « Pour moi, c’est une réforme salutaire. Elle soulage non seulement la population, mais nous protège et protège la génération à venir », apprécie Romaric Lissanon, acteur politique dans la 23ème Circonscription électorale. Je suis très content de ce décret parce qu’il y a trop de désordre autour des morts», justifie Dah Agbatchia Gnidjazounnon, président des sages de la Commune de Bohicon. « C’est un pas qui est franchi, mais il faut aller loin », reconnait Désiré Dégbo, Chef de l’arrondissement (Ca) de Détohou.
Divisés sur le délai des 30 jours accordé pour l’inhumation
L’unanimité semble se faire autour de la règlementation, les avis divergent sur le délai accordé pour procéder à l’inhumation. « J’approuve le décret dans son ensemble,mais le délai donné par l’Etat pour inhumer les corps en instance me parait très court »,dénonceMaurice Azonon, vendeur de cercueil et conducteur de corbillard à Agbangon, dans la Commune de Bohicon. Baba Hountchokan, le Houngbonougan de Bohicon, abonde dans le même sens, mais évoque plutôt le délai des 30 jours fixé pour tout corps déposé en conservation à la morgue. A en croire ses propos, ce temps est trop court surtout si les enfants du défunt vivent à l’étranger. Contrairement à ces deux, la plupart des citoyens rencontrés estiment que le Gouvernement a vu juste. « Si j’étais le gouvernement, je ne donnerai pas plus de 72 heures. Ils peuvent faire l’inhumation et organiser les cérémonies après. C’est un bon début. Avec le temps, il peuvent encore raccourcir le délai», indique Simplice Amagbégnon. «Le délai des 30 jours est raisonnable»,soutient Dah Hlouagbé. Selon Wenceslas Gansè, l’inhumation, dans d’autres pays se fait aussitôt après le décès de la personne pour éviter les problèmes de santé publique. « Pour ma part, le gouvernement a vu juste. Ce délai est largement suffisant », martèle Dah Agbatchia Gnidjazounnon. D’après ses explications, on a au plus 48 heures ou 72 heures y compris les jours fastes pour inhumer le corps. Si les autorités ont donné 30 jours, c’est parce qu’elles ont pris en compte d’autres considérations liées par exemple à l’éloignement des enfants du défunt. Pour Romaric Lissanon, à part les contraintes familiales et religieuses, l’inhumation d’une personne ne devrait pas poser problème.
Les innovations du décret et plaidoyers
Selon Désiré Dégbo, Chef de l’arrondissement de Détohou, ce décret est une innovation qui intègre le combat du Conseil communal d’Abomey, celui d’encourager les inhumations au cimetière municipal. «Enterrer à domicile était un plaisir. Mais aujourd’hui, cette pratique n’est plus recommandée. Elle est rétrograde et il faut la combattre étant donné qu’elle bloque le développement. Même l’idée qui la sous-tendait, celle d’empêcher le bradage de l’héritage par les enfants, est révolue », laisse-t-il entendre. Bien avant l’avènement de cette réforme, le conseil communal n’autorise plus les inhumations à domicile à l’exception des têtes couronnées. Le décret a conforté le conseil communal dans sa position sans pour autant spécifier le cas des garants de la tradition. «A Abomey, imposer l’enterrement d’une tête couronnée au cimetière ne sera pas accepté aussi facilement », prévient le Ca Détohou. Il pense que la mayonnaise pourra prendre, mais après une longue période de sensibilisation. Il salue également la professionnalisation du métier exigée par la loi. A en croire ses propos, n’importe qui ne devrait pas manipuler le corps d’un mort au regard des risques qui pourraient en découler. La gestion des déchets, des cimetières et autres sont autant d’innovations du décret. Le reste des aspects qui ne figurent pas dans les dispositions actuelles va se révéler à l’application et pourra être pris en compte ultérieurement. Pour Boris Goudja, le décret n°2024-99 a permis de renforcer l’économie du pays parce qu’il permettra de réduire les dépenses exorbitantes liées aux enterrements. Toutefois, il est resté muet par rapport au cadrage desdites dépenses. « C’est normal que la loi ne fixe pas une fourchette par rapport au budget des enterrements parce que l’Etat ne pourra pas faire ce contrôle. Mais déjà qu’un délai est défini pour les inhumations, qu’on le veuille ou non, les dépenses ne s’effectueront plus comme avant. C’est une ouverture qui est laissée pour permettre à chacun d’organiser les funérailles de ses parents en fonction de ses moyens et de son rang social sans pour autant verser dans l’exagération», éclaire Dah Agbatchia Gnidjazounnon. Au sujet du type de véhicule qui devrait transporter le corps, Maurice Azonon pense que l’Etat doit assouplir les conditions à ce niveau ou les accompagner à avoir des véhicules aux normes à travers des prêts au taux préférentiel. Dah Zodjinon Baba Hountchokan fait le même plaidoyer au sujet des 30 jours accordés pour l’inhumation des corps. Il suggère que ce délai soit prorogé de deux à trois mois.
Zéphirin Toasségnintché (Br Zou-Collines)