Le projet de décret portant d’exonération des droits et taxes de douane sur les intrants composant les kits de dialyse, est globalement bien perçu au sein de l’opinion. Si une frange de la population voit en cette annonce, la volonté du gouvernement de soulager les personnes souffrant d’insuffisance rénale, une autre estime que l’exécutif pourrait aller plus loin en décrétant la gratuité de la dialyse. Lire les avis partagés de David Camille Biokou, député de la huitième législature qui a beaucoup plaidé pour que l’Etat accorde un regard bienveillant aux personnes souffrant de dialyse et Judicaël Janvier Gbaguidi, un journaliste béninois souffrant de l’insuffisance rénale depuis plus de deux ans.
David Camille Biokou, ancien député : « Talon est très préoccupé du bien-être de ses compatriotes »
« Je suis heureux et je veux le faire savoir à tout le monde. J’ai appris la décision issue du conseil hebdomadaire des ministres concernant les dialysés du Bénin et je me posais la question de savoir si c’était réel ou si j’étais sur une plateforme qui me donnait une vraie information. Mais à ma grande surprise, tard dans la nuit, avant même que je me rende dans les structures appropriées pour m’assurer de la nouvelle, j’ai eu la confirmation de la véracité de cette information. Ma joie était grande en ce sens que cette couche de Béninois malades ou sujets de dialyse, éprouve d’énormes difficultés pour faire face aux frais liés aux séances hebdomadaires parce qu’ils ont au minimum 4 séances par mois, et à chaque séance, il faut débourser au moins 280 mille francs Cfa. Combien de Béninois sommes-nous à pouvoir sortir cet argent calculé sur un mois? Ils sont très peu. Donc, cette situation pour moi était un grand souci. Du coup, j’ai fait mes enquêtes quand j’étais député et j’ai compris qu’il y avait une décision qui était tranchée par rapport à ces derniers. Mais je me dis que le gouvernement du président Patrice Talon est un gouvernement d’ordre, de méthodes, de vision et je l’ai toujours rappelé à mes compatriotes. Le président Patrice Talon est quelqu’un qui veut et qui est très préoccupé du bien-être de ses compatriotes et il vient de le démontrer à travers cette décision salutaire qui va soulager les dialysés du Bénin. »
Judicaël Janvier Gbaguidi, souffrant de l’insuffisance rénale : « On ne sait pas de quoi il s’agit concrètement »
« Comme nous l’avons tous entendu mercredi dernier au sortir du Conseil des ministres, le gouvernement est en train d’annoncer l’exonération du coût des intrants de la dialyse. La population étant déjà très impatiente de ce que le gouvernement prenne en charge enfin les fils et filles qui sont en train de crier leur haro depuis. Depuis l’annonce de cette décision, il se ventille partout que le gouvernement a soulagé la peine des dialysés. Evidemment, c’est un soulagement et nous ne pouvons que dire merci parce que ce n’est que ce que nous attendons. Nous attendons que le gouvernement prenne enfin en charge nous qui sommes malades de cette pathologie qui coûte les yeux de la tête et ce n’est pas une solution approximative qui pourra vraiment nous soulager. Nous avons comme l’impression que la charrue est mise devant les bœufs. Nous ne saurons ne pas dire merci au gouvernement. Merci déjà de penser à nous, c’est très important. Mais ça semble être de la charrue qui est mise avant les bœufs. Vous ne pouvez pas savoir le nombre de messages de félicitations que j’ai reçus des gens qui m’aident d’hier à aujourd’hui. Moi je crois quand même que l’acte devrait être posé d’abord avant que cela ne soit ventilé parce que là, ça émousse l’ardeur des personnes de bonne volonté qui nous viennent en aide. Les petites aides que nous avons et qui nous permettent de faire une séance au moins sur deux dans la semaine, dès que ceux-là, qui avaient de difficultés à subvenir à leurs besoins, arrivent à nous donner aussi difficilement un peu entendent cela, ils se disent qu’enfin le soulagement est là. Mais en réalité, il n’y a aucun soulagement. D’abord, la décision n’est même pas encore claire. On a parlé d’une exonération, on va exonérer d’accord, mais sur quelle base ? Nous savons tous combien coûte uniquement le kit de la dialyse. C’est 70.000 Fcfa au Cnhu. Les corollaires, tous les médicaments qu’on mettra dedans, c’est ça qui amène le coût à 100.000 Fcfa ou au-delà. C’est sur ça qu’on va mettre 18%, qu’on va enlever les 1.18. Qu’est-ce que ça va devenir pour le malade ? Est-ce qu’au lieu de 70.000 aujourd’hui, on est en train de nous dire qu’on paiera désormais 50.000 Fcfa? Cela semble impossible encore pour nous les dialysés. Même si on dit gratuitement, des gens qui étaient déjà dans la gratuité totale n’arrivent pas des fois à payer le déplacement pour venir aux séances parce qu’ayant de difficultés, n’ayant pas de famille à la maison, n’ayant pas d’activités pour leur permettre d’avoir de l’argent. Par exemple quelqu’un qui quitte Ouidah pour venir à la dialyse chaque fois, s’il n’avait pas les moyens d’assurer son transport et manger pendant les cinq heures de temps d’une dialyse, il est évident qu’il ne sentira pas les effets de cette mesure. Les médicaments coûtent les yeux de la tête. Finalement, on a exonéré quoi ? Sur quel montant ? Combien coûtera désormais la dialyse au Bénin ? Quels sont les moyens mis en œuvre pour contraindre les différents centres où nous allons nous soigner ? Les coûts ne sont même pas harmonisés. Le gouvernement, a-t-il déjà mis en place une politique pour faire cela ? On ne sait pas de quoi il s’agit concrètement. Peut-être que les jours à venir nous édifieront davantage. On ne peut que dire merci, mais nous avons nos mains tendues et nos yeux hagards».
Propos recueillis par Gabin Goubiyi