Au Bénin, la mesure d’interdiction de l’importation des poulets congelés est entrée en vigueur depuis le 1er janvier 2025. Pour s’imprégner des dispositions prises par les aviculteurs pour répondre favorablement à la forte demande locale, nous avons joint Gustave Gbaguidi, technicien agro-animal, installé au Houègbo, plus précisément, dans le village d’Agbotagon. A l’en croire, les éleveurs sont prêts même si quelques points dont les contrats de vente restent à finaliser. Ci-dessous, ses propos.
Le Matinal: Depuis quand êtes-vous dans l’aviculture ?
Gustave Gbaguidi: J’ai commencé par exercer l’aviculture depuis 1997. Le grand problème auquel on est confronté, c’est la production de chairs qui connaissait des marchés très difficiles. Ces difficultés étaient liées pratiquement aux importations. Raison pour laquelle nous faisons des poulets de chair quand on a le marché seulement. Quand on n’a pas le marché, on le fait mais c’est difficilement qu’on arrive à écouler. De ce fait, on ne rentre même pas dans le coût de production, parce que les chairs, c’est six semaines d’âge. Ce problème de marchés a fait que, dans notre organisation, appelée l’Union nationale des aviculteurs professionnels du Bénin, depuis quelques années, on a tenté de beaucoup coopérer avec les commerçants, ceux qui s’occupent de la distribution des poulets de chair, ceux qui font l’importation et l’exportation. On a beaucoup discuté avec eux pour avoir des contrats formels. Mais le problème, c’est que, quand on leur présente nos produits, ils disent qu’ils coûtent plus chers que ce qu’ils importent. Il est vrai, la qualité n’est pas la même. Ce que nous produisons localement n’a rien à avoir avec les poulets de chair qu’ils importent depuis le Brésil,…Nous essayons de les convaincre par rapport à la qualité, mais sur le marché, le prix de cession des poulets congelés est trop bas, et le consommateur lambda n’arrive pas à choisir la qualité; parce que les poulets se ressemblent, mais on sait que, du point de vue qualité, le poulet béninois est toujours mieux. C’est presque naturellement élevé ici. Alors que les autres, les poulets sont congelés depuis des mois et ça vient. Difficilement, c’est consommable, mais les gens consomment parce que c’est moins moins chère. Maintenant, avec ces luttes-là, nous avons essayé de joindre nos supérieurs à savoir l’Atda et la Direction de l’élevage. Cela a abouti à la décision prise par le gouvernement. Suite à l’annonce de la mesure, nous étions toujours les premiers à tirer chapeau au gouvernement. Maintenant, il reste la concrétisation. On nous a promis la fin de l’année 2024. Nous sommes au début de 2025 où la mesure doit être exécutée.
En tant qu’aviculteurs, comment êtes-vous préparés ?
Nous, en tant qu’éleveurs, d’une manière générale, les poulaillers sont là et on a été obligé de convertir même les poulaillers de chair en poulaillers de ponte. Donc, comme cette mesure-là est prise, nous sommes encore prêts pour reconvertir les poulaillers de ponte en poulaillers de chair. Même si ce n’est pas totalement tous les poulaillers que nous allons utiliser pour les chairs et garder un peu les poulets qui sont en ponte-là. On a déjà préparé les poulaillers qui sont au repos. Donc, les poulaillers sont prêts pour que la production puisse commencer. Le reste maintenant, c’est les moyens. Il faut les poussins et les aliments. Si tout ça est réuni, au bout de 6 à 7 semaines, on produit rapidement. On prend des contacts avec ceux qui ont des chambres froides. Ils vont garder les sujets produits. Après l’abatage, ils vont garder et commencer par vendre aux populations. Dans ce sillage, moi particulièrement, je suis secrétaire de la Coopérative des professionnels de l’aviculture du Bénin (Cpa). Nous avons eu la chance de nous constituer en Coopérative et ensemble, on a acheté un terrain à Hèvié. On a construit un grand abattoir qui fait 500 volailles l’heure. Avant, cet abattoir n’était pas doté de chambre froide. Mais on est allé en relation avec un autre partenaire appelé Afa, qui produit déjà des poulets de chair. Ce dernier a contracté avec nous et fait régulièrement l’abattage au niveau de notre abattoir. L’abattoir est ouvert aussi à tous les autres éleveurs qui ont produit les chairs et qui vont les amener pour les abattre. Donc, en matière d’abattage, il n’y a pas de problèmes. On a déjà l’outil principal, c’est un grand abattoir qui a une grande taille et qui est doté maintenant de chambre froide. Avec notre partenaire Afa, on a pu installer une chambre froide qui peut garder près de 10 tonnes de viande congelée. Donc, je vous dis qu’on s’est préparé. A partir de cette année 2025, on produit, on abat les sujets au niveau de notre abattoir. Et si c’est pour libérer les sujets abattus directement, les clients vont prendre et aller dans leurs chambres froides et vendre. Ou bien, les clients qui n’auront pas la possibilité de vite et déstocker, on les met dans la chambre froide pour eux et ils vont supporter les coûts. Et après, ils viendront les récupérer. Donc, c’est pour dire que sur la ligne, on s’est quand même préparé. Et au niveau de notre Coopérative, nous sommes une vingtaine d’aviculteurs. Tous ces éleveurs vont convoyer leurs poulets quand ils sont prêts au niveau de l’abattoir qui est à Hèvié et nous allons les abbattre. L’abattage, c’est à peine 200 francs par poulet. Soit ils vont prendre leurs sujets ou ils vont les stocker au niveau de la chambre froide. Et au moment venu, ils payent les frais et ils stockent pour aller vendre. Maintenant, en matière de contrat de vente, c’est cela qui reste. Les contrats obtenus ne sont pas encore totalement formels pour dire que tel client va nous prendre les poulets. Même avec les entretiens que nous avons eu avec nos responsables hierrarchiques, au niveau de l’Atda, de la Direction générale de l’élevage, ils nous ont dit que nous-mêmes, nous allons chercher nos marchés. Ce n’est pas à l’État de nous trouver les marchés. L’aide que l’État aura à nous apporter, c’est qu’ils va mettre à notre disposition des poussins de chair subventionnés. Actuellement, il y a quelques deux grands couvoirs locaux qui s’appellent couvoirs à la référence qui est à Calavi et le Cpab qui est appelé Centre pilote chinois, qui est à Sèmè. Ce sont ces deux couvoirs-là qui ont été subventionnés par l’État, protégés par l’État en matière de renforcement de capacités. Il y en a qui ont aménagé leurs couvoirs. Il y en a qui ont reçu des poules reproductrices, par exemple pour les oeufs. Mais pour les reproducteurs qui vont produire des oeufs, des poussins chairs, ils n’en ont pas encore eu. Mais l’État a promis de les aider dans ce sens. L’État a promis aussi de les aider dans le cadre des vaccins, pour protéger les poussins à venir, pour leur donner une certaine immunité, pour qu’au finish, les éleveurs puissent avoir des poussins de qualité. Mais l’État dit qu’en attendant, on va continuer avec les poussins importés, le temps de trouver le juste milieu, quand nos couvoirs locaux auront la capacité, ils vont couper. Ça, là, ce serait progressif. Mais ce qu’ils nous ont promis, c’est que le marché sera fermé par rapport à l’importation et si le marché est fermé par rapport à l’importation, du coup, les éleveurs, quand ils vont produire, ils vont les placer et cela va marcher.
Est-ce que vous avez tenu des séances récemment, avec soit l’Atda, la Direction de l’élevage ou même le ministère de tutelle ?
Nous avons tenu des séances au niveau de l’Atda, la maison mère qui est à Calavi; dans les démembrements des Atda, qui sont les Cellules communales. Par exemple, moi, je suis à Toffo. Il y a la Cellule communale Atda de Toffo. Notre responsable au niveau qui se charge de la production des chairs et des oeufs, s’est entretenu avec nous. Nous avons tenu des réunions sur les dispositions à prendre. C’est d’ailleurs eux qui nous ont dit de remplir certaines fiches concernant les quantités à produire pour que l’État puisse faire le récap, pour savoir les poussins à lancer en commande. Donc, on continue les lobbies jusqu’au démarrage de la mise en oeuvre de la décision. On a même déjà fait des propositions sur la quantité de production de chaque éleveur. En son temps, ils vont faire des pré-sélections et des sélections. Ils viendront même voir les poulaillers et les capcités, pour que les gens ne les trompent pas.
Vous rassurez donc que vous allez pouvoir desservir toutes les Communes de l’Atlantique, du Littoral et autres quand la mesure gouvernementale prendra effet ?
Nous sommes prêts. Ces départements regorgent 65 à 70% d’aviculteurs. Il n’y aura pas de problèmes dans l’Atlantique, le Littoral et même les départements qui sont aux alentours. Ce n’est qu’à partir du nord que les gens consomment moins, les poulets de chair en raison de la présence de gros bovins. Mais en ce qui concerne la moitié du sud et du centre, les aviculteurs qui sont concentrés dans ces zones pourront valablement produire et desservir. Le problème, c’est que l’élevage des poulets de chair ne dure pas. À six semaines, les animaux ont déjà le poids requis: à partir de 1,3 kg voire 1,5 kg. Il y en a qui, après avoir bien mangé font 1,7 kg pour être rapidement libérés.
Propos recueillis par Serge Adanlao