Le Bénin a fait des progrès notables en termes de représentativité des femmes à l’Assemblée nationale avec une augmentation de 18,4% par rapport à la Législature précédente. Au terme des élections législatives du 08 janvier 2023, on dénombre 28 femmes sur les 109 députés pour le compte de la 9ème Législature (2023-2026), soit un taux de 25,69%, contre 7, 23% des femmes élues pour la 8ème Législature (2019-2023).
Les femmes députées jouent-elles véritablement leur rôle au sein de l’institution de contre-pouvoir ? Qu’est-ce qui empêche leur participation dans des débats politiques au Parlement et dans les instances de prise de décisions? Ce sont autant de questions qui taraudent les esprits. De 7,23% de femmes lors de la 8ème Législature, le parlement du Bénin est, aujourd’hui, composé de 26,6% de femmes. Un bond inédit qui fait citer le Bénin en exemple parmi les grandes nations qui mettent la femme au cœur du développement. Même si l’égalité des genres au Bénin n’est pas encore parfaite, les avancées notables enregistrées depuis quelques années peuvent les amener à s’imposer et mériter la confiance à elles accordée. La révision constitutionnelle de 2019 qui a consacré une meilleure représentativité des femmes à l’Assemblée nationale est la plus récente des réformes saluée aussi bien par les féministes, les organisations de défense des droits de la femme, les acteurs de la société civile, les femmes elles-mêmes et même des hommes politiques. C’est une réforme qui a permis une amélioration du taux de candidature des femmes sur les listes électorales, passant de 10 % en 2019 à 27,98 % en 2022. Mais les femmes, méritent-elles leur place, jouent-elles convenablement leur rôle à l’Assemblée nationale ? Pourquoi sont-elles absentes dans l’animation des débats politiques ? Ce sont des questions qui hantent plusieurs esprits.
Pesanteurs sociologiques
Certains citoyens pensent que les femmes ne sont pas trop visibles dans l’animation des débats parlementaires. La raison de cette absence serait un manque de confiance en elles-mêmes et un complexe à prendre la parole. Les pesanteurs sociologiques semblent de l’avis de certains observateurs, dicter leur loi même au sein de l’Hémicycle. Il n’est plus un secret que la société béninoise à l’instar de la plupart des pays de l’Afrique, est régie par le patriarcat. Ceci a selon eux, pendant longtemps, réduit la contribution des femmes au développement en raison de leur marginalisation.
Manque d’engagement
Même si les préjugés ou des réserves liés au leadership féminin semblent ternir l’image des députées femmes à l’Assemblée nationale, certaines parlementaires à l’image de Chantal Ahyi, tentent de rétablir l’équilibre. La députée du parti bloc républicain estime que les femmes à l’Assemblée nationale exercent leur pouvoir de manière subtile mais efficace. Leur approche est plus nuancée et persuasive. Dans les débats très souvent, elles utilisent des compétences rationnelles et tactiques de communication pour atteindre leurs objectifs. C’est donc pour elles une stratégie efficace pour créer des changements positifs tout en évitant les conflits directs. « Ce n’est pas visible leur intervention en plénière parce que la partie où le débat est houleux passe déjà avant qu’on ne montre. Les hommes aussi qui interviennent et qui parlent ne sont pas plus de 10 et ceux-là aussi ont déjà la pratique parlementaire. Ce n’est donc pas une question de femme si non elles sont toutes très intelligentes », martèle-t-elle. Pour l’élue de la 16ème circonscription électorale, la femme ne peut pas intervenir à tort et à travers. « Pour des sujets dont nous devons débattre en plénière, le bureau décide d’organiser le temps de prise de parole. Sur une question, nous disposons de 60 min qui sont subdivisées. L’Union progressiste (Up) ayant 53 députés, prend 30 minutes pour intervenir. Le Bloc républicain (Br) prend 15 minutes et Les démocrates 15 minutes. Suivant ces temps de prise de parole, on choisit les présidents des bureaux du groupe parlementaire pour nous représenter », explique-t-elle. En dépit de toutes ces explications, le problème est toujours visible. « C’est vrai que si on a la possibilité de pouvoir intervenir dans une langue maternelle au niveau de l’assemblée pour dire ce qu’on pense vraiment, il y a d’autres qui seront à l’aise dans l’exercice mais on n’a pas encore légiféré en la matière. Si non elles sont très actives », a-t-elle fait savoir. Mais au-delà de leur représentation numérique, les femmes doivent voir leurs intérêts représentés de manière effective afin que les processus de gouvernance permettent de faire avancer la situation sociale, politique et économique des femmes. D’où l’urgence et la nécessité de revoir la stratégie de travail au niveau des femmes parlementaire pour des résultats probants même si des efforts sont en train d’être fournies.
Besoin de formation
Les femmes députées doivent jouer leur partition en redoublant d’effort dans le travail. Mais il urge aussi que les porteurs de responsabilités accélèrent le rythme d’investissement en faveur des femmes dans le secteur des technologies et le domaine de l’intelligence artificielle. Ce sont les domaines dans lesquels les hommes sont au moins deux fois plus mures que les femmes du fait de plusieurs décennies de patriarcat, d’inégalités et de stéréotypes néfastes. Face à cette situation, les autorités gouvernementales doivent, dans l’optique d’atteindre la pleine égalité des genres, résolument intensifier les investissements et renforcer les mesures de protection des droits des femmes parlementaires pour encourager les autres femmes qui voudraient leur emboiter les pas.
Estelle Vodounnou (Coll)