La Présidentielle au Sénégal avec en toile de fond, la victoire dès le premier tour, du candidat de l’ex-Pastef, Bassirou Diomaye Faye, déchaine les passions au sein d’une frange de la population béninoise avec une flopée de commentaires. Dans l’euphorie de cette victoire et sans aucune analyse objective, une certaine opinion nationale, table déjà sur une transposition du cas sénégalais, pour décréter, à brûle pourpoint, un échec cuisant du régime du Nouveau départ en 2026.
Le Sénégal est depuis quelques jours sous les projecteurs de l’actualité politique. Des lauriers pleuvent depuis l’organisation de la Présidentielle du 24 mars 2024, sur le pays du regretté Léopold Sédar Senghor qui vient de donner une leçon de démocratie et d’expression des libertés à l’Afrique et au monde. Beaucoup saluent la vitalité de la démocratie sénégalaise dont la tenue de ces élections a confirmé la résilience après les nombreux soubresauts ayant caractérisé le processus électoral. Le cas Sénégalais suscite admiration au-delà de Dakar. Dans la sous-région, démocrates convaincus même des laudateurs de coups d’Etat et de putschs s’émerveillent devant la leçon de démocratie que le Sénégal vient de donner au continent. Le Bénin n’a pas échappé à la nouvelle page que vient d’ouvrir le Sénégal et qui fait le chou gras de l’actualité africaine. Au pays en effet, le cas sénégalais aiguise les appétits de certains activistes et même des acteurs politiques qui tentent de déceler des similitudes avec la réalité locale. Le chef de l’Etat, Patrice Talon, qui essuie depuis quelques années, des critiques acerbes relativement à sa gestion politique, est mis en index. Accusé d’avoir mis à mal la démocratie et d’en avoir détruit les fondamentaux, l’homme est invité par ses détracteurs, à s’inspirer du cas sénégalais pour réunifier le pays que sa gouvernance « aurait contribué à diviser ». Beaucoup vont jusqu’à lui denier le droit de féliciter et d’adresser des mots d’encouragement au nouvel homme fort du Sénégal. Ceux-ci ont en effet poussé leur étroitesse d’esprit jusqu’à s’en prendre au message qu’il a laissé sur sa page Facebook pour féliciter le nouveau président sénégalais qui devient désormais son collègue de la sous-région ouest africaine.
Dépassionner le débat
Il serait impertinent de ne pas reconnaitre que ce qui vient de se passer au Sénégal ne mérite pas une pluie de lauriers. Cependant pour qui connait l’histoire de ce pays et le degré d’engagement de ses acteurs politiques, l’on ne doit nullement s’étonner de cette réécriture de l’histoire. Le Sénégal a en effet de véritables leaders pour qui la politique reste une vocation. Le cas du leader de l’ex-Pastef, Ousmane Sonko, est assez illustratif de la cohérence du combat politique et de la foi inébranlable qu’on peut avoir en ses convictions. Au Sénégal, l’opposition au pouvoir de Macky Sall, a été véritablement incarnée par un seul et unique leader. Il a nom Ousmane Sonko. A l’aune de son combat, l’homme a réussi à gagner l’estime populaire grâce à sa méthode, sa détermination, son courage, son esprit de détachement et sa combativité. Il a le mérite de ne pas s’illustrer dans une politique spectacle empreinte d’un discours creux qui cache mal un esprit de vengeance et de revanche. Il a le mérite de proposer une alternative à laquelle la majeure partie du peuple sénégalais, a adhéré. Il a réussi à impulser une dynamique à laquelle le désormais ex-pouvoir de Dakar, n’a pas résisté. Son combat contre la mal gouvernance et la justice au Sénégal n’ont d’égal que son sens de patriotisme élevé, détaché de tout intérêt personnel. Fin stratège et doté d’un sens aigu de sacrifice et d’humilité, Ousmane Sonko n’a pas fait de ses ambitions présidentielles, une question de vie ou de mort. Autrement, il ne ferait pas de Bassirou Diomaye Faye le candidat de son parti politique, le Pastef. C’est ce détachement et cette humilité légendaire qui viennent d’être récompensés à travers l’élection de son poulain. A la limite, l’on est tenté de dire que ce qu’a fait le jeune acteur politique sénégalais est surréaliste. A lui seul, Ousmane Sonko cumule des valeurs qui manquent cruellement à la classe politique béninoise dont certains acteurs rêvent, les yeux ouverts, de changer la donne dans un contexte où, tel un panier à crabes, chaque leader prêche pour sa paroisse. Mal organisation, hypocrisie, guerres de tranchées caractérisent la classe politique béninoise dont la plupart des acteurs sont atteints d’un narcissisme morbide. La théorie du « si ce n’est pas moi, personne d’autre » semble encore avoir de beaux jours devant elle, dans un contexte où sans grande conviction, certains crient à hue et à dia, à l’alternance en 2026. En passant au scanner l’analyse de cette lecture des choses, l’on est tenté de dire que les agitateurs sont dans une inconséquence criarde. Espérer une transposition du cas du Sénégal au Bénin à l’aune des joutes électorales de 2026 ne semble pas du tout pertinent. Les agitateurs de ce faux débat feraient mieux de travailler à reconfigurer le mécanisme d’animation de la vie politique.
Gabin Goubiyi