Estimé à cinq (05) milliards de Francs Cfa, le développement de la filière palmier à huile est l’un des projets du volet agriculture du Programme d’actions du gouvernement (Pag) 2021-2026. Il a pour but d’améliorer la performance de la filière palmier à huile avec l’aménagement d’au moins vingt-cinq mille (25 000) nouveaux hectares. Le projet vise également l’amélioration d’au moins 20% du rendement moyen en 2025.
Plusieurs opportunités existent pour l’écoulement des différents produits du palmier à huile, notamment les demandes en huiles largement insatisfaites sur le marché national et celui sous-régional. Il y a aussi du potentiel de création de valeurs ajoutées complémentaires par le développement d’un deuxième niveau de transformation des huiles issues du palmier à huile, à travers la fabrication de savon et le raffinage de l’huile de palme pour les besoins alimentaires. Le programme national de développement de la filière palmier à huile au Bénin envisage à terme d’impulser une dynamique globale d’émergence des différents maillons et produits de la filière. Ainsi, sa vision est formulée comme suit : « D’ici 2030, le niveau de vente de l’huile de palme, de l’huile palmiste et des savons dérivés produits selon les normes de durabilité au Bénin s’est accru de 50% sur le marché national et dans la sous-région ouest- africaine ».
Produits et sous-produits du palmier à huile
La production de palmier à huile au Bénin permet de développer plusieurs chaînes de valeurs ajoutées. En effet, plusieurs produits finis et sous-produits sont obtenus et vendus dans cette filière au Bénin. Au titre de ces produits, on peut citer la noix de palme, l’huile de palme encore appelée huile rouge qui a deux variantes (simple et « zomi »), la noix palmiste, l’huile palmiste, le vin de palme, l‘alcool de vin de palme communément appelé au Bénin « Sodabi » (nom originaire de la langue fon). Les sous-produits sont aussi nombreux. Il s’agit du tourteau de l’huile palmiste, du tourteau de l’huile de palme, de la coque de l’amande de palmistes, des branches et feuilles utilisées pour fabriquer des balais, des paniers, etc. Aussi, le bois de palmier est-il utilisé dans certaines communautés pour la construction. Lorsqu’on considère les chaînes de transformation en aval, la filière permet la fabrication de savons locaux dérivés du palmier tels que le savon appelé en langue local fon « Koto », le savon Palmida, etc. Cependant, ces dérivés fabriqués en aval n’ont pas été souvent pris en compte dans les chaînes à prioriser. Il faut noter qu’à l’instar de la demande de l’huile de palme et de l’huile palmiste, le vin de palme et la liqueur / alcool de vin de palme (sodabi) sont assez demandés pour la consommation nationale. Très consommé lors des rituels et cérémonies, l’alcool de vin de palme est l’une des boissons les plus partagées au Bénin. D’après les résultats d’enquête contenus dans le tableau 4, il ressort que les produits et sous-produits de la filière palmier à huile au Bénin sont écoulés essentiellement dans le pays et vers les pays voisins que sont le Togo et le Nigéria. L’alcool de vin de palme quant à lui va au-delà. Au regard de l’importance du potentiel de développement de chacune des chaînes de valeurs ajoutées de la filière palmier à huile au Bénin, des travaux antérieurs de priorisation sur la base d’analyse pro pauvre et du potentiel de croissance pour l’économie ont permis aux acteurs de la filière de retenir les cinq Cva les plus importantes à savoir huile de palme pour le marché national, huile de palme pour le marché régional, huile de palmiste pour le marché régional, Amande de noix de palme pour le marché international et l’alcool de vin de palme (sodabi) pour le marché national. De toutes ces Cva, celle de l’huile de palme pour le marché régional est considérée par les acteurs comme prioritaire devant celles de l’huile de palmiste pour le marché régional et de l’amande de noix de palme pour le marché international. Dans l’ensemble, le marché national pour l’un ou l’autre des produits de la filière ne semble pas présenter un enjeu majeur. La Cva de l’alcool de vin de palme est assez orpheline. Elle ne bénéficie quasiment pas d’accompagnement. Cependant, ce produit est commercialisé aussi bien sur le territoire national que dans différents pays africains dont particulièrement le Togo, le Nigéria, la Côte d’Ivoire et le Gabon. Des unités semi-industrielles de distillation existent avec des noms de marque. Les prix sur les différents marchés sont dictés par la loi de l’offre et de la demande et selon certaines personnes ressources, ils sont plus influencés par les acheteurs que les offreurs des différents produits.


Enjeux des chaînes de valeurs
Les enjeux majeurs de la filière sont d’ordre technique, organisationnel, et financier. Malgré l’offre par la filière palmier à huile d’une multitude de produits et sous-produits pour divers marchés, quatre produits à savoir l’huile de palme, l’huile palmiste, les savons, et un produit nouveau au Bénin à savoir l’huile de palme raffinée retiennent l’attention. Selon le rapport détaillé du programme national de développement de la filière palmier à huile au Bénin, l’effort sera concentré sur ces produits pour le marché national et le marché de la sous-région ouest-africaine avec un accent particulier sur le marché du Nigéria pour l’huile rouge et l’huile palmiste qui sont fortement sollicitées par les unités de transformation de ce pays voisin au Bénin.
Impacts socioéconomiques des Cva de la filière
Les acteurs de la filière s’accordent à reconnaître la forte diversité des produits valorisables dans la filière palmier à huile. Le palmier à huile joue aussi un rôle socioéconomique important dans les ménages. En effet, il est la base, à travers l’huile de palme, l’huile palmiste, et le Sodabi, d’une accumulation de revenus et de capital social (différenciation socioéconomique, influence sur le statut des exploitants et sur la structure interne des ménages). Elle contribue aussi bien à la sécurité alimentaire et nutritionnelle des populations, mais aussi à la réduction de la vulnérabilité économique des acteurs. C’est pourquoi plusieurs acteurs l’identifient comme « la banque la plus sûre ». Au plan social, plusieurs faits permettent de confirmer la viabilité de la filière palmier à huile au Bénin. La filière occupe des hommes et des femmes, des jeunes et des vieux qui jouent tous des rôles importants dans la production, la transformation et la commercialisation. En dehors des produits sur lesquels sont construites les chaînes de valeurs de la filière, les nombreux sous-produits qu’offrent la filière et les usages qui en sont faits constituent des avantages pratiques socioéconomiques pour les communautés. Par exemple, les feuilles vertes de palmier à huile sont utilisées pour nourrir des caprins en claustration dans le Sud Bénin. Les feuilles sont utilisées aussi pour faire des palissades ou clôtures des habitations, pour fabriquer des balais locaux, etc. De même, les branches séchées sont utilisées comme source d’énergie en servant à faire le feu de cuisson en zone de production de palmier à huile. Les fibres, tourteau et coques issus de la transformation servent à faire le feu et sont utilisés de façon continue et au quotidien en zone de transformation de palmier à huile, mais aussi dans des villes. Les rafles de palmier à huile servent dans la fabrication artisanale de savon au niveau local et aussi dans d’autres systèmes de production tels que la production de champignon comestible. Par ailleurs, la plantation de palmier à huile, dans certaines communautés, est un signe de richesse et sert de garantie aux détenteurs pour beaucoup de prestige en milieu rural. Globalement, il y a beaucoup d’enjeux autour de la filière pour les acteurs directs opérationnels sur les différents maillons, mais surtout pour les propriétaires de plantations de palmiers à huile.
Sergino Lokossou