Au Bénin, on retrouve les femmes dans l’agriculture où elles jouent un rôle clé, en dépit de certains facteurs qui pourraient retarder leur ascension. Dans la filière palmier à huile, leur contribution n’est plus à démontrer.
« 30,5 % des producteurs du Bénin sont des femmes, 46,9 % des actifs agricoles sont de sexe féminin», renseigne la direction de la statistique agricole dans son étude « Femmes et agriculture » publiée en avril 2023 au Bénin. On retrouve les femmes à toutes les échelles de la pyramide agricole. 46,9 % des agricultrices sont actives dans le secteur ; 27,9 % sont des femmes employées contractuelles sur les exploitations agricoles ; 15,7 % sont des femmes chefs de ménages agricoles. Les chiffres en ce qui concerne le revenu moyen annuel des exploitations agricoles dirigées par les femmes ne sont pas moindres. Il en est de même de l’indice de participation économique des femmes et de l’indice moyen de résilience au niveau des ménages dirigés par les femmes où des efforts substantiels sont de plus en plus fournis par la gent féminine. La filière palmier à huile est un levier clé dans le développement socio-économique de toute nation lorsqu’elle est mise en valeur. Le gouvernement, dans sa stratégie de relance de la filière palmier à huile, a mis un point d’honneur sur l’inclusion sociale et genre.
Le cadre légal béninois en matière d’inclusion sociale et genre est fait de deux instruments complémentaires que sont la politique nationale de promotion genre et la politique holistique de protection sociale. La protection sociale est l’ensemble des mécanismes de prévoyance collective qui permettent aux individus ou aux ménages de faire face financièrement aux conséquences des risques sociaux, c’est-à-dire aux situations pouvant provoquer une baisse des ressources ou une hausse des dépenses (vieillesse, maladie, invalidité…).
La politique nationale de promotion genre (Pnpg), élaboré en 2008, est inspirée d’un certain nombre de dispositions ou conventions internationales auxquelles le Bénin a adhéré. La plupart de ces instruments concourent à l’autonomisation de la femme, axe par lequel la communauté internationale entrevoit l’amélioration des conditions de vie des populations et la protection de la femme. La Pnpg a pour vision « à l’horizon 2025, le Bénin est un pays où l’égalité et l’équité favorisent la participation des hommes et des femmes aux prises de décision, l’accès et le contrôle des ressources productives en vue d’un développement humain durable ». La politique holistique de protection sociale (Phps), élaborée en 2014, est axée sur l’assurance, l’assistance, la promotion et la réglementation sociale à travers cinq orientations stratégiques : promotion des transferts sociaux, renforcement des services d’actions sociales, consolidation du cadre législatif et règlementaire, renforcement des régimes contributifs et extension de l’assurance maladie. Par une approche communautaire de ciblage des plus pauvres, cette politique vise l’équité et le bien-être social des populations, notamment les couches sociales les plus vulnérables/marginalisées. Un plan d’actions de ladite politique a d’ailleurs été élaboré et se veut un outil d’aide à la décision de l’action publique.
Les femmes et les couches défavorisées privilégiées
En matière de genre et inclusion sociale, les objectifs du plan national de développement de la filière palmier à huile (Pndf-Ph) se résument en « la promotion de l’inclusion sociale, de l’équité et de l’égalité de genre dans la mise en œuvre des activités ». Pour atteindre cet objectif, l’Agence territoriale de développement agricole (Atda) 6 s’emploiera à prioriser dans les critères de sélection des sous-projets qui prennent en compte les besoins spécifiques des femmes, des jeunes, des personnes handicapées et des ménages pauvres et dont les modèles de financement leur sont accessibles. A travers les quatre composantes techniques, le programme Pndf-ph va s’employer à offrir plus d’opportunités à l’entreprenariat féminin dans le secteur agricole afin de soutenir le développement durable de la filière. Ainsi, l’accent sera mis sur l’insertion dans les dossiers d’appel à projets des sous-projets éligibles au Fadec-agriculture et au fonds national de développement agricole (Fnda) des critères de sélection qui privilégient les femmes et les couches défavorisées. Ces mêmes catégories d’acteurs seront prises en compte dans toutes les activités de renforcement des capacités, de subvention, etc.
Selon le rapport de faisabilité détaillé du programme national de développement de la filière palmier à huile au Bénin, la prise en compte de la dimension genre et de l’inclusion sociale, les composantes et activités prévues doivent contribuer prioritairement à l’amélioration de l’accès aux facteurs de production pour les femmes et les hommes et des personnes vulnérables (jeunes, personnes vivant avec un handicap, personnes et ménages pauvres ou indigentes, ménages dirigées par des femmes) des zones d’intervention du programme. Il en est de même de l’augmentation des revenus, des opportunités d’emploi et de création d’entreprise pour les femmes, les personnes vulnérables et le développement des entreprises de ces dernières à travers les sous-projets financés par le programme, l’amélioration de la qualité des services sociaux fournis aux populations vulnérables particulièrement aux femmes aux jeunes et aux personnes vivant avec un handicap grâce à la mise en œuvre des activités du plan national de développement de la filière palmier à huile. Pour mesurer les changements induits par la mise en œuvre du PNDF-PH en matière de genre et inclusion sociale, il est impératif de considérer le caractère à la fois transversal et spécifique des actions et stratégies à mettre en place pour leur intégration. Ainsi, la définition et la mesure des résultats et l’impact en matière de genre et d’inclusion sociale passent par la désagrégation systématique par sexe et catégorie de vulnérabilité (jeune, personnes handicapées, ménages pauvres) de l’ensemble des indicateurs du cadre logique du programme. Ceci permettra d’apprécier l’impact différencié du programme sur les bénéficiaires finaux, hommes et femmes et populations vulnérables/marginalisés, l’intégration des indicateurs spécifiques d’inclusion sociale et de genre dans le plan de suivi du programme et pour mesurer l’impact des sous-projets sélectionnés sur la vie et le bien être des femmes, des hommes et des populations vulnérables marginalisés.
Ces indicateurs d’impact permettront d’apprécier l’amélioration des conditions de vie, le développement des entreprises, l’augmentation de revenu, le degré d’autonomisation de la population et, plus particulièrement, des femmes et les groupes marginalisés et pauvres.
Le rôle des femmes menacé mais…
La production d’huile de palme est séculaire au Bénin et elle s’est toujours faite, surtout par des méthodes artisanales. Ce sont précisément les femmes qui fabriquent l’huile de palme pour la consommation locale. Or, au nom de la « modernisation de la production », le rôle des femmes se voit un peu aujourd’hui menacé. Bien que l’État s’est doté d’une politique nationale de développement de la filière avec un système de grandes plantations de palmiers et de grandes unités d’industrialisation, le fait est que l’artisanat s’est imposé comme moyen de production prédominant tout au long du siècle. Il a réussi à s’adapter à un contexte en constante évolution, du côté de l’offre (augmentation de la quantité de matière première), comme du côté de la demande (diversification des débouchés). Il faut faire remarquer que jusqu’à aujourd’hui, la production artisanale d’huile de palme est largement assurée par des femmes, individuellement ou éventuellement aidées par une main-d’œuvre familiale. Ces artisanes emploient des techniques entièrement manuelles.
Complémentarité entre les hommes et les femmes
Il y a une forte complémentarité entre les hommes et les femmes, et entre les vieux et les jeunes dans le secteur agricole, ce qui est valable pour la filière palmier à huile. Les acteurs de la filière palmier à huile indiquent que moins de 25% des propriétaires de plantations sont des femmes, même si ces dernières jouent des rôles importants dans les activités de production du palmier. Cet état de chose peut se comprendre dans la mesure où la mise en place des plantations demande d’avoir le droit de propriété sur les terres utilisées alors que dans plusieurs communautés du Sud Bénin la femme hérite peu de terres. Les femmes, les hommes, aussi bien jeunes comme âgés interviennent tous dans les différentes tâches relatives à la production de noix de palme. Mais les femmes interviennent plus dans les opérations d’épandage d’engrais, de sarclage, de récolte de noix de palme, de ramassage des régimes de palme, d’essouchage des régimes, et de tri de noix.
Les femmes plus actives dans la transformation
La transformation dans la filière palmier à huile porte sur trois produits de base à savoir la noix de palme, la noix palmiste (qui s’obtient à partir de la noix de palme), et le vin de palme qui donnent respectivement l’huile de palme, l’huile palmiste et l’alcool de vin de palme. Dans la transformation, l’approche genre est respectée. Aussi bien les hommes que les femmes sont opérationnels dans la transformation des produits de palmiers à huile. Mais les femmes sont plus actives dans la transformation de noix de palme et de noix palmiste que dans la transformation de vin de palme en alcool. Le maillon de la transformation mobilise un grand nombre de femmes qui traitent de faibles quantités en utilisant majoritairement des procédés entièrement manuels. La transformation de noix de palme se fait surtout par des acteurs de façon individuelle, mais aussi par des coopératives. Quant à la transformation du vin de palme en alcool, c’est l’apanage des hommes. Les femmes assurent toutes les tâches dans la transformation artisanale et motorisée des noix de palme pour obtenir l’huile de palme. Il s’agit des tâches telles que le décorticage et le tri des noix de palme, la préparation/cuisson des noix, la séparation des noix des fibres, la préparation de l’huile. Les activités non abordées par les femmes sont les chargements, la manipulation de la presse et du moule. Les jeunes sont utilisés pour la recherche de bois de chauffe, pour couper les régimes de palme et les ramasser. Ils accompagnent également dans la séparation des noix des fibres, des amandes des fibres, et l’égrappage.
Sergino Lokossou