Par un communiqué de presse du département d’Etat américain en date du 13 décembre 2021, dûment signé de son porte-parole Ned Price, les Etats-Unis ont indiqué être préoccupés de la situation politique au Bénin relativement aux procès ayant abouti à la condamnation de Joël Aïvo et Reckya Madougou. Le communiqué dénonce, entre autres, ‘’le ciblage systématique des personnalités politiques de l’opposition’’, une lecture des choses qui est totalement à l’antipode de la réalité.
C’est une deuxième alerte du département d’Etat américain, après celle du 23 avril 2021. Dans ce communiqué rendu public quelques jours après l’élection présidentielle du 11 avril 2021, « Les États-Unis notent avec inquiétude les nombreuses arrestations de dirigeants politiques de l’opposition liées aux élections présidentielles du 11 avril. Parmi les principes démocratiques que partagent nos deux pays figure la présomption d’innocence jusqu’à ce que la culpabilité soit prouvée par un processus de justice pénale rapide, équitable, transparent et apolitique. Ce principe, ainsi que la liberté d’expression et de réunion, est inscrit dans les constitutions du Bénin et des États-Unis. ». Cette alerte, a, en son temps, suscité la réaction du gouvernement béninois à travers son porte-parole, Alain Orounla. « Nous ne pouvons pas empêcher nos partenaires de porter une appréciation sur notre processus électoral », avait laissé entendre l’ancien ministre de la communication et de la poste. Pour lui, l’appréciation des amis et partenaires du Bénin ne doit pas empêcher le gouvernement de faire ce qu’il estime bien, nécessaire et utile pour le pays, pour son développement et pour l’épanouissement de ses populations. Cette dénonciation de la plus vieille démocratie au monde a été exprimée quelques seulement semaines après l’arrestation des opposants Reckya Madougou et Joël Aïvo. Fort curieusement, c’est au lendemain de la condamnation de ces deux candidats recalés à l’élection présidentielle que les mêmes inquiétudes sont exprimées. Tout laisse croire à que les Etats-Unis manifestent un intérêt particulier pour ces deux dossiers. Ce qui n’est pas sans susciter des questionnements chez l’observateur averti de l’actualité politique nationale qui est en droit de se demander de quoi retournent réellement les accusations gratuites portées contre les autorités béninoises dans ces deux dossiers. Pour qui suit véritablement le combat mené contre l’impunité sous la Rupture, la «prétendu ciblage des personnalités politiques de l’opposition» dont on accable le Bénin, ressemble bien à une affirmation gratuite.
Une mauvaise lecture
A moins de faire le choix d’être à l’antipode de la réalité, arguer que les opposants au régime de la rupture sont les seuls à être inquiétés devant la justice, s’apparente à de la magie. Des exemples patents de personnalités proches du régime qui sont épinglées par la justice dans plusieurs dossiers battent totalement en brèche ce faux procès que le département d’Etat des Usa fait au Bénin. A titre illustratif, on peut citer les cas Modeste Toboula, ancien préfet du Littoral, qui a fait l’objet d’une interpellation ayant abouti à un procès régulier à l’issue de laquelle, il a été condamné. Pareil pour la horde d’élus communaux d’Abomey-Calavi qui pourtant membres de partis politiques soutenant les actions du chef de l’Etat, ont été poursuivis et condamnés à de lourdes peines dans l’affaire » bradage de 39 hectares de domaine public ». Il y a également l’affaire » corruption au Port de Cotonou » dans laquelle Frédéric Béhanzin, Jean-Baptiste Hounguè, et Rodrigue Glèlè Kakaï ont écopé de 5 ans d’emprisonnement. A ceux-ci, on peut ajouter les dossiers de détournement de fonds à l’Agence nationale de transports terrestres (Anatt) où l’ancien directeur de ladite agence Thomas Agbéva et Cie continuent de limer leurs dents contre les barres métalliques de la maison d’arrêt, l’affaire des 145 kilogrammes de cocaïne dans laquelle l’opérateur économique Théophile Yèto, Pdg de Sonimex et un bras financier de l’Union progressiste, ont été interpellés et continuent de séjourner en prison en attendant la programmation de leur audience. Ces différents cas évoqués permettent de remettre en cause la pertinence et la neutralité de l’analyse faite par le département d’Etat américain.
Abdourhamane Touré