Contrairement à ce que stipule le communiqué du département d’Etat américain, la Criet n’a fait l’objet d’aucune ingérence politique dans les condamnations de Joël Aïvo, et Reckya Madougou. D’ailleurs, vu l’instruction, les plaidoiries de la Défense et du Ministère public, on peut estimer que le droit a été dit.
« Le récent procès et la condamnation des opposants politiques Reckya Madougou et Joël Aïvo soulèvent de graves inquiétudes quant à l’ingérence politique dans le système de justice pénale du Bénin », a déclaré le porte-parole du département d’État américain, Ned Price le 13 décembre 2021.Revenant sur l’issue des deux procès, qui ont abouti à 20 ans de réclusion pour l’ancienne ministre, et à 15 ans pour le Professeur de droit constitutionnel, le porte-parole ajoute : « Nous sommes alarmés par la poursuite de l’érosion de l’espace pour la dissidence, l’augmentation globale des restrictions à l’autonomie participative et à la liberté d’expression, et le ciblage systématique des personnalités politiques de l’opposition. Démontrer aux citoyens du Bénin et aux partenaires internationaux que le système judiciaire ne sera pas utilisé à des fins politiques est essentiel pour restaurer l’ancienne réputation du Bénin en tant que leader régional de la gouvernance démocratique et de l’État de droit. ». Or, on voit mal comment la sphère politique pourrait influer sur le fonctionnement de la Criet. Celle-ci étant dirigée par un président permanent, nommé à l’issue d’une longue procédure, consistant en une enquête de moralité et de compétences. Sa commission d’instruction, distincte, est dirigée par un autre magistrat. La Criet est donc une institution juridique moderne fonctionnant avec des magistrats dont le travail est contrôlé par leurs pairs : une précaution qui est censée garantir l’impartialité et l’indépendance de l’institution. De fait, la Criet traite de centaines de dossiers chaque année et n’a donc de fait pas pour objet de réprimer l’opposition. Elle fait partie d’un vaste arsenal juridique destiné à lutter efficacement contre la corruption qui a longtemps gangréné le Bénin. Sauf donc à perpétuer la condescendance Neo-coloniale, on ne peut pas tout le temps reprocher à l’Afrique de ne pas respecter la Justice, et en même temps, remettre systématiquement en doute « l’impartialité » des institutions. Reckya Madougou a d’ailleurs joué une partition similaire lors de la campagne. Elle avait refusé le système de parrainage. Avant de présenter, sciemment, un dossier incomplet, en arguant qu’elle n’avait pas réussi à trouver suffisamment de parrainages d’élus à cause des pressions gouvernementales, sans pour autant présenter de preuves. Cette posture a semblé traduire une volonté de ne pas s’inscrire dans un processus légal et démocratique. On retrouve ce même paradoxe dans les élections présidentielles et la critique de la démocratie. Les oppositions utilisent trop souvent l’arme du boycott pour contester la légitimité du résultat d’un scrutin. Ce qui revient à prendre en otage les institutions. Pour autant, le temps juridique n’est pas le temps médiatique. Et le tempo, depuis mars, indique clairement que l’agenda n’est pas politique. Il importe donc de sortir du tribunal médiatique. Pour cela, il faut commencer par cesser de refuser à l’avance, et par opportunisme, le jugement qui sera émis par la Cour.
Wilfrid Noubadan