Malgré les efforts conséquents que le Bénin a déployés ces dernières années dans le secteur de la protection de l’enfant, il reste d’importants défis à relever.
Chaque enfant a le droit de survie et de développement, selon l’article 6 de la convention Internationale des droits de l’enfant. Comme tous les hommes, les enfants ont des droits notamment, le droit d’être protégé contre toute contrainte à leur développement physique et mental, en raison de leur vulnérabilité. En effet, l’enfant est un être en pleine croissance, un adulte en devenir, qui n’a pas les moyens de se protéger seul. C’est pourquoi la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’Enfant (Cde) lui confère des droits individuels et holistiques qui ne doivent pas être séparés les uns des autres, visant à répondre à son intérêt supérieur. La protection des enfants couvre un large éventail de problèmes ayant un impact sur leur vie : mariage des enfants, travail des enfants, violence, abus et négligence envers les enfants, enfants en conflit avec la loi et handicap des enfants… etc. La prise en charge de ces différents phénomènes qui perturbent la vie des enfants est assurée par différents départements ministériels et agences qui ont le mandat de garantir certains aspects de leur protection.
Au Bénin, la protection de l’enfant fait intervenir une approche systémique qui implique huit (08) ministères dont le principal acteur est celui des Affaires sociales et de la microfinance (Masm) doté d’une direction de la famille de l’Enfant et de l’adolescent (Dfea) et des centres de promotion sociale. Aussi, les ministères en charge de l’éducation (Memp et Mestfp), de la justice et de la législation (Mjl), de l’Intérieur et de la sécurité publique (Misp), de la santé (Ms), du travail et de la fonction publique (Mtfp), du numérique et de la digitalisation (Mnd) qui a en charge la communication interviennent dans différents domaines de la protection de l’enfant.
Malgré les efforts, la situation générale de la protection de l’enfant demeure préoccupante.
Pour garantir à chaque enfant ces droits et lui assurer la sécurité de développer tout son potentiel, il est primordial que le Bénin investisse davantage dans la protection de l’enfant.
Investir dans la protection de l’enfant
Cela n’est pas seulement une œuvre sociale ou une obligation légale et morale, mais aussi une stratégie de développement économique. Les enfants en bonne santé, bien nourris, en sécurité et protégés réussissent souvent mieux à l’école et sont plus susceptibles de contribuer au développement socio-économique de leurs pays.
Le rapport de la situation des enfants au Bénin stipule que les enfants sont soumis à des privations et des méfaits tels que les violences, les abus et la négligence, le travail, le mariage et les grossesses précoces des enfants, y compris les enfants handicapés et ceux en conflits avec la loi. Ces privations et méfaits auxquels les enfants sont soumis impactent négativement leur vie, le développement de la communauté et du pays dans son ensemble. Plusieurs études ont montré que les coûts économiques directs et indirects de la maltraitance des enfants dans les systèmes de santé, de protection sociale et de justice pénale sont importants. Le mariage des enfants, constitue non seulement une violation des droits humains qui nuit considérablement au bien-être des filles, mais engendre aussi de graves répercussions tant sur les économies des ménages que sur l’économie nationale. En effet, une étude de la Banque mondiale (2017) a relevé que les coûts cumulés du mariage des enfants entre 2014 et 2030 seraient supérieurs à cinq (5) billions de dollars à l’échelle mondiale. Les coûts économiques les plus importants concernant le mariage des enfants sont relatifs à la fécondité et la croissance démographique, la santé et la nutrition des enfants, l’éducation et les revenus. Les filles mariées avant l’âge adulte sont privées de leur enfance, plus exposées à des violences domestiques et sont moins susceptibles de poursuivre leur scolarisation. Leurs perspectives limitées les maintiennent dans des conditions de pauvreté et d’impuissance de génération en génération. Par son simple effet récessif sur la croissance démographique, la fin du mariage des enfants pourrait contribuer à des gains socioéconomiques. Investir pour mettre fin au mariage des enfants, réduirait la mortalité et les retards de croissance chez les enfants de moins de cinq ans nés de mères adolescentes ; ce qui pourrait contribuer à des gains en matière de fourniture des services de soins de santé de qualité.
Au Bénin, « Si le mariage des enfants et la procréation précoce avaient pris fin en 2015, les gains annuels immédiats pourraient être équivalents à 23 millions de dollars (Ppa), passant à 541 millions de dollars (298 milliards de Fcfa) d’ici 2030 ». L’estimation est basée sur la réduction de la croissance démographique qui résulterait de l’élimination du mariage des enfants et des grossesses précoces, et l’augmentation du Pib par habitant qui en résulterait. Concernant le travail des enfants, il demeure un problème persistant au Bénin pour diverses causes dont notamment, le niveau de pauvreté dans certaines localités. Une récente étude (2017-2018) informe que la participation des enfants dans le travail est plus élevée en milieu rural (40 %) qu’en milieu urbain (23 %). Au Bénin, « 44 % des enfants qui ne vont pas à l’école travaillent contre 30 % de ceux qui fréquentent l’école ». Ils sont vulnérables et sont exposés à de multiples formes de violences sur leur lieu de travail. En somme, le travail des enfants constitue une barrière contre le développement économique et social des communautés auxquelles ils appartiennent et celui de leur pays tout entier. Il urge d’investir pour lutter contre ce fléau en opposition à l’atteinte des objectifs de développement durable. Les violences en général et les violences sexuelles en particulier traumatisent les enfants sur plusieurs années et affectent la qualité de leur vie. Aussi de récents résultats de recherche établissent-elles que « la maltraitance envers les enfants a des impacts dévastateurs à long terme et les coûts sont généralement élevés pour la société. Les enfants maltraités sont aussi plus susceptibles de développer des problèmes de toxicomanie. En outre, plus de 50 % d’entre eux éprouvent des difficultés à l’école et environ 25 % ont besoin de services d’éducation spécialisée. » Ces résultats témoignent de la nécessité d’investir pour protéger les enfants contre ces fléaux et sauvegarder la dignité humaine.
Stratégies nationales de protection de l’enfant
Face aux différents problèmes qui impactent la vie des enfants, le Bénin a ratifié en 1990 la convention relative aux droits de l’enfant (Cde) et adopté le code de l’enfant en 2015. L’Etat s’est doté de la Politique nationale de protection de l’Enfant Pnpe (2015-2025) qui prévoit qu’à l’horizon 2025, les enfants au Bénin vivront « dans un cadre familial, communautaire et institutionnel exempt de toutes formes de violence, abus, exploitation à leur égard et où tous les acteurs sont mobilisés et participent à leur protection dans une approche intégrée ». Les axes stratégiques 1 et 2 de la Pnpe, placent respectivement l’information et la formation des enfants au cœur du dispositif et la mobilisation sociale des communautés et des parents comme pilier de la prévention et de la protection des enfants. Les troisième, quatrième et cinquième axes annoncent la mise en place de mécanismes institutionnels de services de prévention, de détection et de signalement des enfants victimes et à risques ainsi que leur prise en charge. De plus, le document met l’accent sur la nécessité de réprimer les auteurs de violences et de mettre un terme à l’impunité.
Enfin, le dernier axe recommande la mobilisation de moyens supplémentaires pour sa mise en œuvre pour laquelle un plan d’actions a été élaboré. Le Bénin s’est aussi engagé à réaliser les objectifs du développement durable (Odd) et en a priorisé quarante-neuf (49) cibles parmi lesquels, six (6) sont relatifs à la protection de l’enfant. Il s’agit, entre autres de : l’Odd 1 pas de pauvreté, Odd 2 faim zéro, Odd 3 bonne santé et bien-être, Odd 4 éducation de qualité, Odd 5 égalité des sexes et Odd 16 Paix, justice et Institutions efficaces.
Par ailleurs, le Bénin a adopté en 2018 son Plan de développement national dont certains axes stratégiques contribuent à la promotion de la protection de l’enfant. Au nombre de ceux-ci, nous pouvons citer : la promotion de la scolarisation et du maintien des filles et des garçons à l’école jusqu’en 3ème au moins, le renforcement de l’offre de services de santé de qualité et de nutrition en faveur de la santé de la mère, du nouveau-né, de l’enfant, de l’adolescent et du jeune, la mise en place d’une approche éducative inclusive et holistique qui prend en compte tous les sous- secteurs du système éducatif en même temps qu’elle donne la chance à tous les enfants d’y entrer et d’y rester, y compris les enfants à besoins spécifiques, l’adaptation des systèmes de santé et de soins de qualité et de longue durée aux enfants et aux personnes du troisième âge et le renforcement du système de prise en charge et d’accompagnement social des enfants en situation difficile (enfants en danger, enfants en conflits avec la loi, enfants victimes et enfants témoins).
Le Bénin s’est aussi doté d’une politique et stratégie nationales de développement du secteur de la justice (2015-2025) et d’un programme national de développement du secteur de la justice (2016-2021). Cette politique a opté pour six orientations stratégiques dont l’une est d’assurer la protection de l’enfant et de l’adolescence à travers le renforcement des systèmes et mécanismes de protection judiciaire des mineurs en danger dont les mineurs en conflit avec la loi, victime et/ou témoin, l’accroissement de l’accès à la protection judiciaire aux enfants en danger moral, dont ceux en conflit avec la loi, la dynamisation et le renforcement des cellules de protection de l’enfant existant à l’échelle des communes.
Au profit des personnes à handicap, le gouvernement béninois a adopté la politique nationale de promotion et d’intégration des personnes handicapées (2012-2021) fondée sur sept axes stratégiques à savoir la valorisation du statut juridique et social des personnes handicapées, la promotion de l’éducation et de la formation professionnelle des personnes handicapées, le renforcement de la prise en charge socio-sanitaire des personnes handicapées, la promotion de l’autonomie économique des personnes handicapées, la promotion de l’accès des personnes handicapées aux édifices, le développement des activités artistiques, culturelles, sportives et de loisir des personnes handicapées, et le renforcement de l’accès des personnes handicapées à l’information et à la communication.
Sergino Lokossou