La stabilité de l’équipe gouvernementale est un élément important à mettre à l’actif de l’actuel locataire de la Marina. Après 8 ans de gestion au sommet de l’Etat, les remaniements intervenus au sein de l’équipe gouvernementale se comptent au bout des doigts. Une option diversement appréciée par ceux qui soutiennent les actions du président Patrice Talon qui ne manquent pas d’exposer, de temps à autre, une certaine frustration.
«Le bilan politique du président Talon ne doit pas se réduire de manière caricaturale à la réforme du système partisan », réfute d’emblée un observateur averti de la sociopolitique béninoise. Si ce dernier admet qu’il faut faire des retouches au niveau du Code électoral adopté le 5 mars 2024 au Parlement, il salue tout de même la stabilité de l’équipe gouvernementale ou certains ministres sont en place depuis 2016. « Moi, je ne l’ai pas envisagé. On ne change pas une équipe qui gagne. Donc, jusqu’à nouvel ordre, les principaux chevaliers de notre dynamique pour moi, resteront en place parce qu’ils me donnent satisfaction… Je n’ai pas envisagé de remercier qui que ce soit d’entre eux. Je n’ai pas non plus envisagé de faire venir d’autres. C’est dommage pour ceux qui attendent mais, c’est ainsi ». Dans ces propos tenus par le président Talon le 13 mars 2023 à la faveur de la conférence de presse conjointe tenue lors de la visite de l’ex-président nigérien Mohamed Bazoum à Cotonou, émerge une réalité : même s’il y a eu des remaniements techniques, certains analystes politiques estiment qu’il n’y aura pas ou peut-être plus jamais avant la fin de son mandat en 2026 un remaniement en bonne et due forme. Certains acteurs de la classe politique qui nourrissaient des rêves d’entrée au gouvernement devront se raviser. La récompense systématique des laudateurs et autres politiciens qui n’ont que pour seul mérite de jouer au griot et de s’affubler les titres de grands électeurs, n’est visiblement pas le souci du président Talon.
Le marchandage politique, un disque rayé sous Talon
Après 8 ans de gouvernance, on peut faire le constat que les acteurs politiques n’ont pas bénéficié de la même attention et des mêmes avantages que sous le régime Yayi. Si, par le passé, le marchandage politique avait libre cours, l’actuel locataire de la Marina par sa gouvernance démontre à suffisance qu’il est possible de gérer les affaires de l’Etat sans être l’otage de la classe politique. « Quand on parle des remaniements gouvernementaux, la stabilité de l’équipe gouvernementale a été un élément positif », a fait savoir Joël Atayi-Guèdègbé, acteur de la société civile et expert en gouvernance lors d’une récente intervention médiatique. Il va ajouter plus loin que ceux qui accompagnent les actions du président Talon peuvent être frustrés parce que tout le monde n’a pas été partie prenante. Selon l’acteur expérimenté de la société civile, le chef de l’Etat l’a reconnu lui-même avec l’avènement des ministres-conseillers, un projet qui tarde à être concrétisé. A en croire le juriste Landry Angelo Adélakoun, spécialiste des droits humains et de la démocratie, il faut analyser cette logique du président Talon sur deux aspects en estimant que c’est un élément positif, parce que c’est un peu rare d’observer cela. Au plan technique, les ministres sont bien assis, ils maîtrisent bien les dossiers ; ce qui favorise la continuité dans le traitement et la mise en œuvre des différents projets et programmes. Sur le second aspect de la chose, l’homme de droit soutient que quand on va en politique pour soutenir un chef d’Etat ou une équipe, il faudrait que le personnel politique en retour puisse aussi avoir accès aux instances de prise de décisions dont notamment le gouvernement. « Cette dynamique du président Talon n’est pas de nature à encourager le militantisme. Il faut de temps en temps changer l’équipe pour permettre aux autres aussi de pouvoir participer, parce que dans le camp de ceux qui soutiennent les actions, il y a toujours des techniciens qui ont le même parcours et qui peuvent faire valablement le travail », confie Landry Angelo Adélakoun qui a fait remarquer que le chef de l’Etat semble avoir compris en prenant le décret n°2024-006 du 09 janvier 2024 portant création, attributions, organisation et fonctionnement du Collège des ministres-conseillers à la Présidence. Un décret attaqué devant la Cour constitutionnelle en février dernier par un certain nombre de juristes sur le principe de l’égalité de tous devant la loi. Il y a une illégalité dans ce qui est fait. Selon les requérants, en créant le collège des ministres-conseillers, le président Talon crée une discrimination fondée sur l’appartenance politique. «Ainsi, les règles ne sont plus les mêmes pour les citoyens et la participation à la gestion des affaires publiques devient une question de coloration politique de chacun», font-ils observer. Pour ces juristes,« la participation à la gestion des affaires publiques ne doit souffrir d’aucune inégalité ni discrimination».
Par ailleurs, cette logique du président Talon devrait être gardée par son successeur car la politique qui voudrait que les postes ministériels soient partagés comme des gâteaux a longtemps desservi le développement du Bénin. Et quand le président Talon démontre que rien n’empêche un élu de la Nation de faire ce qu’il juge utile que de vouloir contenter des partisans au détriment de la compétence, il ne reste qu’à encourager son futur successeur à pérenniser la logique.
Sergino Lokossou (Coll)