La réforme structurelle du secteur de la décentralisation a résolument pris ses marques au Bénin depuis le 1er avril 2022. Conscients des enjeux et des objectifs à eux assignés, les nouveaux responsables et cadres techniques déployés au niveau des mairies, s’emploient à impulser une nouvelle dynamique aux communes, lesquelles ont stagné pendant plus de deux décennies.
L’opportunité et la pertinence d’une réforme au niveau de la décentralisation ne sont plus à démontrer. La question a été agitée pendant plusieurs années sans que les décideurs politiques n’aient cru devoir prendre leurs responsabilités pour changer de paradigme et imprimer un nouveau mode de gouvernance au niveau des Communes. L’état des lieux après 20 années de pratique et d’expérimention de la décentralisation laisse à désirer. La plupart des Communes sinon la grande majorité, n’ont pas bougé d’un iota, parce qu’en proie à une navigation à vue et manque criard de vision et de management des maires élus, lesquels faisaient prévaloir leurs intérêts personnels au détriment des questions de développement local. Homme de réforme et d’ambition, le chef de l’Etat Patrice Talon a décidé de faire bouger les lignes de ce côté. Il a d’ailleurs fait de cette ambition, un slogan de campagne. C’est ainsi que quelques semaines seulement après l’amorce de son second mandat, il a démarré le 02 juin 2021, la réforme structurelle du secteur de la décentralisation qui ambitionne d’améliorer la gouvernance communale afin de créer une dynamique de valorisation des potentialités locales. Cette réforme ambitieuse vise spécifiquement à assurer l’efficacité du pilotage et de la gestion de l’administration communale, réduire les interférences politiques dans la gestion administrative et des ressources communales et enfin donner plus de visibilité aux actions publiques de développement dans les communes.
Séparation des fonctions politiques de celles techniques, le cœur de la réforme
Du diagnostic fait par les experts commis à cette réforme, il est apparu que la concentration des fonctions politiques et celles à caractère technique entre les mains du maire, a souvent plombé les ambitions de développement et déteint sur l’efficacité attendue des autorités communales. Pour pallier cet état de chose, il est créé au niveau communal dans le cadre de la nouvelle réforme, en plus du Conseil communal, deux nouveaux organes, l’un sur le plan stratégique (le conseil de supervision, présidé par le maire) et l’autre, responsable de la coordination de la gestion opérationnelle (le Secrétaire exécutif de mairie). Cette innovation vient non seulement renforcer le rôle du politique dans son pouvoir décisionnel et de contrôle mais aussi séparer les fonctions politiques de celles à caractère administratif et technique relevant plus de l’exécution. Du coup, chacun est appelé à rester dans son couloir pour éviter les interférences nuisibles au développement local. Si le maire est désormais dépouillé de la prérogative d’ordonnateur du budget communal, il détient cependant un droit de regard sur la gestion qu’en fait le Secrétaire exécutif. Autrement dit, ce dernier est astreint à certaines obligations vis-à-vis du maire. Il pourra être interpellé et même inquiété si sa gestion s’écarte de l’intérêt général et compromet le développement local. Le profil du Se et des autres cadres techniques des mairies, la rigueur du processus de leur recrutement et le caractère aléatoire de leur affectation constituent déjà un gage de succès et d’optimisme sur le nouveau soleil qui s’éveille au niveau des communes.
Un cadre législatif fourni
Afin de faciliter la mise en œuvre de la réforme, une brochette de textes d’application du Code de l’administration territoriale ont été déjà pris. A ce jour, on dénombre au total, 11 décrets adoptés en Conseil des ministres. Il s’agit de du décret n°2022-111 du 16 février 2022 portant attributions du préfet, organisation et fonctionnement des départements; du décret n°2022-112 du 16 février 2022 portant attributions, organisation et fonctionnement de la Conférence administrative départementale, du décret n°2022-113 du 16 février 2022 portant attributions, organisation et fonctionnement du Conseil départemental de concertation et de coordination ; du décret n° 2022-190 du 16 mars 2022 fixant les rémunérations et les avantages des maires, des adjoints au maire, des secrétaires exécutifs, des présidents de commission, des chefs d’arrondissement, des conseillers communaux, des chefs de village ou de quartier de ville ; du décret n° 2022-191 du 16 mars 2022 portant mise en place du fichier national des principales Fonctions administratives et techniques des mairies ; du décret n°2022-303 du 25 mai 2022 portant création, attributions, organisation et fonctionnement de la Cellule de suivi et de contrôle de la gestion des communes ; du décret n°2022-305 du 25 mai 2022 fixant les modalités de contribution de l’État à la rémunération des hauts responsables administratifs et techniques des mairies et le cadre desdites rémunérations ; du décret n°2022-319 du 1er juin 2022 fixant les critères de catégorisation des communes en République du Bénin ; du décret n°2022-320 du 1er juin 2022 portant catégorisation des communes en République du Bénin ; du décret n°2022-321 du 1er juin 2022 fixant le cadre général des règlements intérieurs des conseils communaux et enfin du décret n°2022-322 du 1er juin 2022 fixant les conditions et modalités de délégation de pouvoirs et de signature du Maire et du Secrétaire exécutif.
Des perspectives
Au titre des perspectives de la réforme, il est actuellement en cours de finalisation, les organigrammes types par catégorie de Communes et les manuels de procédures dont la mise en œuvre est sujette à l’avis favorable de l’Association nationale des Communes du Bénin. En effet, la déclinaison de certains objectifs assignés à la réforme et l’atteinte des objectifs appellent une approche participative et inclusive. C’est d’ailleurs en bonne intelligence et parfaite symbiose avec l’Association nationale des Commune du Bénin que le processus s’est déroulé jusqu’à ce jour. Aussi, des réflexions sont-elles en cours, sur la base des dispositions du protocole d’accord de partenariat Gouvernement-Communes, pour la transformation du Fonds d’appui au développement des Communes (Fadec) en Fonds d’investissement communal (Fic). Ce Fonds sera une passerelle visant à permettre aux Communes d’accéder à des financements plus innovants.
Gabin Goubiyi