Michel Alokpo, secrétaire général du Cadre de concertation des confessions religieuses (Cccr) revient sur la démission du président Assifatou Ali Mohamed et le retrait de l’Union islamique du Bénin (Uib) du Cadre. Pour le président de l’Ong Jeunesse et ambition, il n’y a pas de différends qui puisse entraîner ces départs enregistrés. A en croire le pasteur, le politique est en train de vouloir diviser le Cccr et l’Uib. Il espère un retour à la normale de la situation avec la démarche menée vers le Bureau exécutif de l’Union islamique du Bénin. Lire ses propos.
Le Matinal: Retrait du président du Cadre de concertation des confessions religieuses (Cccr) et de l’Union islamique du Bénin (Uib) du Cccr. Qu’est-ce qui se passe au sein de votre creuset ?
Michel Alokpo: Je ne peux pas dire que rien ne se passe au sein du Cccr. Nous avions lancé une activité. Et comme nous le faisions d’habitude, à l’approche des élections et quand il y a souvent des rumeurs et menaces sur des élections, nous organisons des conférences de presse. On en avait organisé en 2021 chez le médiateur de la République, à l’approche de l’élection présidentielle. En présence de tous les membres, nous avions demandé au gouvernement en place, de faire en sorte que les élections soient libres, transparentes, équitables et inclusives mais nous n’avons pas été écoutés. Nous avons pris acte. Actuellement, sur le Code électoral qui divise les Béninois, nous ne sommes pas pour, nous ne sommes pas contre. Nous pensons que comme nous avions participé au Colloque organisé par le Clergé catholique et duquel en a sorti 8 recommandations, toute l’équipe du Cccr n’était pas au Colloque, il fallait examiner les recommandations. Moi, j’ai acheté les documents que j’ai distribués à tous les membres. Les 8 recommandations faites par le Clergé catholique ont été approuvées et nous avons convenu d’opiner et nous joindre au Clergé catholique pour voir la possibilité que ce Code soit relu. La déclaration et le plaidoyer ont été rédigés. Un hôtel a été choisi à Porto-Novo pour abriter l’activité et nous avions convié toutes les composantes du Cccr qui étaient présentes le 2 septembre 2024 où nous avons rendu publique la déclaration qui a été lue par le président du Cadre de concertation des confessions religieuses, l’Imam central de Porto-Novo, Ali Mohamed Assifatou. Le plaidoyer a été lu par moi-même en direction du gouvernement. A la fin, nous étions tous joyeux au regard des relais faits dans la presse C’est trois jours après que nous avons reçu une lettre de l’Uib nous informant de son retrait du Cccr suivie de la lettre de démission du président du Cccr. Nous n’avions eu aucun problème avec le président du Cccr. Nous avions travaillé en parfaite union. C’est un imam que tout le monde apprécie pour son humilité incroyable. Après la réception des correspondances de retrait, nous avons convoqué une réunion du Bureau exécutif du Cadre qui a eu lieu le jeudi 19 septembre 2024 à Sèmè-Podji. Le premier vice-président était là avec toutes les autres composantes sauf la composante islamique. A cette occasion, chacun a opiné pour comprendre les raisons qui ont amené l’Uib à se retirer du Cccr. Nous n’avons pas trouvé les raisons profondes. Nous avons donc décidé d’écrire au bureau exécutif de l’Uib pour demander une audience officielle afin qu’on nous explique ces raisons. Je voudrais préciser que l’Uib est membre fondatrice du Cccr depuis 2007. Nous avions co-organisé des activités. A deux reprises, nous avions défini le profil type du candidat idéal pour diriger le Bénin. Nous avions coopéré avec le régime passé pour réaliser un colloque sur les confessions religieuses et la laïcité. Nous avions aidé le pouvoir passé à réaliser la Liste électorale permanente informartisée (Lépi). Nous avions eu du financement pour cela. C’est ensemble avec le Ministère chargé des relations avec les institutions que nous avions organisé ces deux grandes activités. L’objectif principal du Cccr, c’est la paix en promouvant une cohabitation pacifique entre les différentes confessions religieuses afin qu’il y ait moins de problèmes entre les confessions religieuses et sauvegarder la paix au Bénin. Nous en sommes là et nous n’avons pas compris qu’un beau jour, on dise que l’Uib se retire du Cccr. Je ne peux donc pas fondamentalement vous dire les raisons des démissions. C’est quand nous serons reçus par le Bureau exécutif de l’Uib, qu’ils nous diront les raisons cachées de ce retrait. Ils ont évoqué des raisons de commodité et de vocation mais non! Il y a quelque chose derrière. Nous ne voulons jamais que le pouvoir politique nous divise. Et c’est ce que nous sommes en train de percevoir malheureusement. S’il n’y a pas une main politique derrière, ce qui s’est passé suite aux retraits, moi je ne veux pas confirmer, le Cccr poursuivra son chemin sans ou avec l’Uib; mais nous aurions souhaité que ce que nous avions commencé ensemble depuis 2007, que nous puissions le parachever. Nul n’est indispensable dans une société. Après l’élection de 2022 du nouveau Bureau exécutif du Cccr, tous les membres ont reçu un mandat électif. La communauté islamique était à l’Assemblée générale en 2022 et a positionné deux autres personnalités au sein du Bureau exécutif du Cccr. C’était l’Imam Mana Rufaï et El Hadj Gbadamassi qui sont membres du nouveau Bureau. L’Uib le sait mais n’a jamais réagi pour nous dire que ces personnalités que nous avions envoyées il y a un moment sont encore membres du Cccr. Cela fait déjà deux années que ce bureau existe. Si c’est le nouveau président de l’Uib qui doit être le représentant de l’Uib, qu’on le dise clairement. Il est encore possible de corriger. Pour rappel, les statuts ont été amendés et votés et c’est le Ministère de l’intérieur qui nous l’avait demandé.
Que disent les nouveaux statuts relativement au représentant de l’Uib pour assurer la présidence du Cccr ?
Nous avons la lettre de l’Uib qui a désigné expressément deux représentants au sein du Cccr. Ils n’ont pas précisé pour combien de mandats les deux représentants de l’Uib doivent rester avec le Cccr. Les textes du Cccr disent que l’élection du président se fera par rotation pour un mandat renouvelable une seule fois. Actuellement, le premier vice-président, l’Eminence Couchoro Balogoun assure l’intérim. Il est issu des religions endogènes et c’est d’ailleurs lui qui a signé la demande d’audience adressée aux membres de l’Uib. C’est cela qui voulait nous diviser au départ. A une Assemblée générale tenue chez le médiateur en 2021, il y a eu beaucoup de bruits. Un groupe endogène a dit que c’est son tour de prendre la tête. Nous avons repris en 2022 les textes qui ont été soumis au vote et approuvés à l’unanimité. Par la suite, nous avons élu le nouveau président et les autres membres du Cccr. Suite à cela, un groupe de religions endogènes est parti et l’autre est resté.
Nous pensons que les démissions et retraits doivent être une question d’incompréhensions entre le bureau de l’Uib et le Cccr.
Le Cccr a-t-il reçu des plaintes de l’Uib par rapport à ses représentants au sein du Cccr ?
Quand il y a incompréhensions, on les exprime pour des clarifications ou on saisit le Cadre pour nous dire que c’est le nouveau président de l’Uib qui doit désigner les nouveaux membres. Si c’était fait, on allait corriger mais pas de si tôt parce qu’il faudra convoquer une autre Assemblée générale.
Le Cccr a-t-il eu vent que c’est parce que le nouveau président de l’Uib n’a pas désigné les représentants de l’Union que la porte a été claquée?
Nous avons eu un tract avec le logo de l’Uib qui donne les deux raisons fondamentales pour lesquelles l’Uib s’est retirée. Il est mentionné que ce n’est pas l’ex-président qui doit être le président du Cccr et que c’est le nouveau président. Or, l’élection du nouveau président a eu lieu trois mois après l’élection du Bureau exécutif du Cccr. Il doit avoir un problème entre le président du Cccr et sa communauté.
Ecartez-vous donc la thèse pécuniaire avancée par certaines personnes comme étant à la base du retrait de l’Uib?
On n’a pas eu un problème d’argent au sein du Cadre. Le Cccr était soutenu par le gouvernement dans le passé (régime Yayi Boni Ndlr). Ce régime appuyait les confessions religieuses pour leurs activités. L’actuel régime a supprimé l’accompagnement. En 2016, nous avions organisé des activités au niveau national. Pour la circonstance, nous avions sollicité un homme d’affaires: Sébastien Ajavon. Comme lui, beaucoup d’autres personnes avaient été sollicitées. Vu que le régime Talon ne nous appuie plus, nous faisons appel à des hommes d’affaires pour nous soutenir. Nous avons souffert durant des années pour défaut de moyens.
Est-ce à dire que pour la conférence de presse du 2 septembre 2024, le Cccr a bénéficié de l’appui de personnes extérieures au Cadre?
Nous avions nous-mêmes faits des cotisations pour certaines activités sous l’actuel président du Cccr. Moi-même, je sors beaucoup d’argent pour que le Cccr puisse survivre. Nous avons également des amis qui nous appuient. Nous ne pouvons pas dire que nous avons reçu des milliards de quelqu’un pour organiser cette activité. Si au niveau des membres du Cadre de concertation il y a eu de problèmes d’argent, j’ai la liste, vous allez les interviewer et ils vous le diront. Vous pouvez également interviewer le président Assifatou, Rufaï Mana et Gbadamassi de l’Uib, ils pourront vous dire si c’est l’argent qui nous a divisé. L’argument d’argent est un faux problème. Que ceux qui avancent cet argument en apportent la preuve. Il n’y a aucun homme politique qui nous a soutenus. Si la personne nous apporte un soutien, ce n’est pas seulement pour cette activité. Nous avons d’autres activités à organiser. Nous sommes une union et nous sommes très soudés. Vous pouvez interviewer d’autres personnes parmi celles sus-citées. Elles vous diront ce qui s’est réellement passé. S’il y a un problème d’argent, elles vous le diront. L’argent divise mais il ne s’agit pas d’un problème d’argent. Moi, je dis que c’est un problème politique parce que nous avons compris que le politique est en train de vouloir nous diviser.
Le Cccr est-il disposé à accepter le retour du président Assifatou Ali Mohamed et de l’Uib à la faveur d’une éventuelle initiative du médiateur de la République ?
C’est ce que prévoient nos textes. Le règlement intérieur du Cccr dit expressément que tout différend du Cccr doit être réglé à l’interne. Raison pour laquelle, nous avons demandé à rencontrer le Bureau exécutif de l’Uib à travers la lettre déposée le vendredi dernier. Le règlement dit que si nous n’arrivons pas à trouver un compromis entre les membres, on saisit le médiateur de la République. Il appartiendra à l’Uib d’accepter ou pas la main tendue du médiateur de la République. S’il y a un problème entre deux personnes, c’est le dialogue qui permet de le régler. Si le bureau de l’Uib est ouvert, la tension va s’apaiser. Sinon, il n’y a rien qui démontre que le Cccr est en crise avec l’Uib. Nous sommes en parfaite union.
Après un éventuel échec de la médiation du médiateur, que va-t-il se passer?
Ce qui va se passer, c’est ce qui se passe aujourd’hui: le Cccr avance. Le premier vice-président conduit la barque. Il va finir le mandat du président Assifatou qui prend fin dans un an.
Quid de l’atteinte du quorum pour prendre les décisions?
Nous sommes cinq confessions religieuses actuellement membres du Cccr. Une est partie, il reste quatre. Avec les quatre, on peut avancer mais nous ne souhaitons pas avancer sans l’Uib. On va prendre date dans l’histoire et vous devez savoir que l’Eglise protestante méthodiste a été plusieurs fois président du Cccr. A un moment donné, l’Eglise a envoyé une lettre de retrait momentané du Cccr. On avisera plus tard sans avancer aucune raison. Le cas Gbèdiga qui a démissionné, on a avancé sans lui. S’il reste trois, on va toujours demeurer Cadre. Nous allons continuer à mobiliser d’autres personnes à intégrer notre Cadre. Les endogènes sont de multiples groupes dans le pays. L’actuel premier vice-président qui conduit la barque fera appel à d’autres de ses collègues à nous rejoindre au niveau du Cadre parce que c’est cela qu’ils voulaient.
Ne pensez-vous pas que le Cccr se fragilise ainsi de plus en plus ?
Pas du tout alors! Nous avons trois blocs au sein du Cadre. Il y a l’Uib, les endogènes et les christianistes célestes. Nous avons aussi les chérubins séraphins et les orthodoxes qui sont nombreux. Il y a mon Ong, Jeunesse en mission, qui fait partie du Cadre. Nous allons faire appel à d’autres membres pour constituer le Cadre. On n’a pas besoin d’être des centaines ou des milliers.
Un mot pour conclure
On va prier pour que l’Uib revienne à de meilleurs sentiments et que nous puissions avancer ensemble. Que le Seigneur apporte la paix et la compréhension entre les confessions religieuses au Bénin.
Propos recueillis par Serge Adanlao