Le débat relatif à une probable révision de la Constitution béninoise, est sans nul doute l’actualité qui défraie la chronique en ce début d’année 2024. Un des sachant de la question, le constitutionnaliste Théodore Holo, a réagi au débat qui polarise nombre d’attentions et y a versé ses propositions. C’est au travers d’une émission spéciale dont il était l’invité sur Esae Tv le weekend dernier.
Professeur agrégé de droit public et de science politique, membre et ancien président de la Cour constitutionnelle, ancien ministre, titulaire de la Chaire Unesco des droits de l’Homme et de la démocratie, Théodore Holo est avec ce profil non exhaustif, l’une des figures de l’élite béninoise les plus respectées. Ses prises de position, quoique rares, sont très prises au sérieux en raison de la pertinence des idées qui y sont développées et de l’impartialité de l’homme sur des sujets qui déchainent des passions. Il est incontestablement l’une des voix les mieux indiquées pour parler de l’opportunité d’une révision de la Constitution dans un contexte marqué par des suspicions de part et d’autre et où les récents propos du président de l’Assemblée nationale, Louis Vlavonou, lors de la rencontre des présidents d’institutions, sont considérés comme un pavé jeté dans la marre. Face aux différentes tournures que prend ce débat, il fallait l’avis d’un expert, d’un scientifique de la matière pour prendre de la hauteur et apprécier sans langue de bois, la pertinence de cette option envisagée à quelques encablures des élections générales de 2026. Pour l’agrégé des facultés de droit, « La Constitution n’est pas figée. Elle doit s’adapter aux aspirations des peuples parce qu’elle est l’expression du vivre ensemble des peuples d’un pays malgré leurs contradictions ». La révision de la Constitution n’est donc pas en soi un problème si les modalités de forme et de fond prévues d’ailleurs par la loi fondamentale sont respectées avant sa retouche. Quoique ne pouvant être considérée comme parfaite, Théodore Holo reconnait à la Constitution béninoise, le mérite d’avoir établi certains principes fondamentaux qui ont permis depuis l’historique conférence nationale des forces vives de février 1990, d’organiser l’alternance au sommet de l’Etat dans un contexte sous-régional marqué par des coups d’Etat militaire ou institutionnel, gages d’instabilité et de remise en cause de l’alternance au sommet de l’Etat. Même s’il admet qu’une révision de la Constitution peut intervenir, Théodore Holo estime que ce serait une grave erreur de remettre en cause la limitation des mandats. Cela y va, poursuit-il, de la préservation de la paix et de la stabilité du pays.
Renforcer les pouvoirs du vice-président
Soutien de première heure de l’avènement d’un poste de vice-présidence à l’instar des Etats-Unis, Théodore Holo regrette cependant que le vice-président soit confiné juste dans un rôle de représentation à l’extérieur, officie en qualité de grand chancelier et ne participe pas aux séances du Conseil des ministres alors qu’il est appelé à remplacer le président de la République et donc assurer la stabilité du mandat présidentiel. Il s’agit selon le constitutionnaliste, d’une incohérence puisque ce faisant, le vice-président ne participe ni à la vie gouvernementale, ni à la vie politique alors qu’il est appelé à succéder au chef de l’Etat. « Il doit donc être au courant de l’esprit dans lequel les décisions ont été prises et par conséquent, garantir la continuité du mandat.», soutient le professeur Théodore Holo qui trouve que c’est un élément qui a manqué dans l’instauration du poste de vice-président. Il s’agit pour Théodore Holo, d’une faille qui nécessite d’être corrigée afin de faire du vice-président, un acteur politique majeur du pouvoir exécutif.
Redonner à la Cour constitutionnelle le pouvoir de statuer sur les lois organiques
Sur un autre volet, le professeur Holo estime que le peuple a des aspirations qui ne sont pas prises en compte dans la Constitution. Pour lui, la Cour doit statuer obligatoirement sur les lois organiques et les lois ordinaires avant leur promulgation. Le fait d’avoir arraché à la Cour, le contrôle de constitutionnalité des lois ordinaires avant leur promulgation, à la faveur de la révision constitutionnelle intervenue en novembre 2019, est, selon le professeur, une erreur. A ce propos, il a rappelé des cas de décisions salutaires rendues par la Cour constitutionnelle pour contrecarrer les velléités d’exclusion de candidats malicieusement insérées dans des lois par le passé. D’où son appel à rétrocéder à la Cour, par le biais d’une révision constitutionnelle, le pouvoir de contrôle de constitutionnalité des lois ordinaires avant leur promulgation pour éviter des abus.
La question du parrainage
Sur la question du parrainage, bien que reconnaissant qu’il permet d’éviter des candidatures fantaisistes, Théodore Holo martèle qu’il ne doit pas être un mécanisme d’exclusion des candidats à l’élection. « Si le parrainage vise à garantir la crédibilité des candidats, tant mieux. Si le parrainage est une exclusion, ce serait contraire à l’esprit démocratique qui est l’aspiration de notre Constitution », a indiqué l’ancien président de la Cour constitutionnelle pour qui la Constitution doit être un élément de consensus qui permet notre vivre ensemble en harmonie pour la paix.
Gabin Goubiyi