Les changements climatiques affectent tous les secteurs de développement socioéconomiques du Bénin. Le secteur agricole n’y échappe pas. Les impacts du changement climatique sur l’agriculture sont bien réels. Entre perturbation du calendrier agricole, baisses de rendements agricoles et autres influences néfastes, les acteurs des différentes filières tiennent le coup avec le soutien indéfectible des autorités gouvernementales.
Base de l’économie béninoise, l’agriculture subit de plein fouet les effets néfastes des changements climatiques, qui affectent chaque jour les différents volets du secteur. Le Bénin doit mobiliser plus de 4 240 millions de dollars pour la mise en œuvre de son plan d’adaptation aux changements climatiques. A la table ronde sur le financement de l’action climatique tenue à Cotonou en 2024, les experts ont reconnu que le pays a été le premier à émettre des idées de financement pour s’adapter aux changements climatiques servant d’exemples à de nombreux pays. L’une des idées qui a séduit est la monétarisation du carbone pour le développement. Malgré les impacts, l’agriculture béninoise connait des avancées notables. Les chiffres définitifs de la campagne agricole 2023-2024 fournis par l’Instad indiquent que la campagne agricole 2023-2024 a été caractérisée par une importante production de céréales évaluée à 2 737 481 tonnes contre une moyenne sur les cinq dernières années de 2 219 312 tonnes et une production de 2 297 373 tonnes en 2022. Cette production est conséquente de l’augmentation des superficies, que des rendements qui ont globalement baissé au niveau de toutes les cultures céréalières.
Une approche « chaîne de valeur ajoutée »
La nouvelle politique agricole privilégie l’approche « chaîne de valeur ajoutée », faisant de la promotion des filières un axe majeur de croissance économique et de lutte contre la pauvreté. Dans ce sens, certaines structures comme l’Agence béninoise de sécurité sanitaire des aliments (Abssa) et le Laboratoire central de contrôle de la sécurité sanitaire des aliments (Lcssa), devront être renforcées car elles constituent des maillons importants de promotion des filières. Certifié ISO 17025, le Lcssa représente un des fleurons à consolider pour donner davantage de chance aux produits agricoles du Bénin d’affronter les exigences de la compétitivité des marchés internationaux.
La place prépondérante de la femme dans l’agriculture
Les statistiques le confirment. Les femmes occupent une place prépondérante dans le secteur agricole au Bénin, de par leur force productive : « 30,5 % des producteurs du Bénin sont des femmes, 46,9 % des actifs agricoles sont de sexe féminin. En outre, la considération des tranches d’âge permet de montrer que les femmes sont majoritaires parmi les actifs agricoles ayant entre 25 et 34 ans », renseigne la Direction de la statistique agricole. Dans son étude ‘’Femmes et agriculture’’ publiée en avril 2023 au Bénin, cette direction met davantage l’accent sur le poids féminin dans ce secteur. On retrouve les femmes à toutes les échelles de la pyramide agricole. 46,9 % des agricultrices sont actives dans le secteur ; 27,9 % sont des femmes employées contractuelles sur les exploitations agricoles ; 15,7% sont des femmes chefs de ménages agricoles. Les chiffres en ce qui concerne le revenu moyen annuel des exploitations agricoles dirigées par les femmes ne sont pas moindres. Il en est de même de l’indice de participation économique des femmes et de l’indice moyen de résilience au niveau des ménages dirigés par les femmes où des efforts substantiels sont de plus en plus fournis par la gent féminine. Aussi, les femmes rivalisent-elles avec les hommes sur le terrain de la répartition des actifs agricoles par tranche d’âge.
Si l’agriculture béninoise se conforte avec le concours inestimable des femmes, le secteur comprend tout de même des hommes, car les femmes peinent à se hisser. Les hommes représentent 80,6 % des employés à temps partiel tandis que les employés féminins à temps plein représentent 24,7 %. « La répartition des chefs de ménages agricoles selon le sexe indique que les chefs de ménages agricoles de sexe féminin représentent 15,7 % de l’ensemble des chefs de ménages agricoles. Ceci met en relief la prépondérance des chefs de ménages agricoles de sexe masculin », relève la Direction de la statistique agricole. La répartition des emplois sur les exploitations agricoles selon le sexe montre que 27,9 % des employés sur les exploitations agricoles sont des femmes tandis que 72,1 % sont des hommes.
En tenant compte de la cartographie des cultures, on note une forte participation des femmes aux légumes principaux et légumineuses à graines. Pour ces catégories, souligne l’étude ‘’Femmes et agriculture’’, les producteurs de sexe féminin représentent environ 30 % de l’ensemble des producteurs. Ceci permet de mettre en exergue l’implication relativement accrue des femmes dans ces cultures. Elles sont bien représentées aussi dans la catégorie des céréales. Parmi les producteurs de maïs et riz, près de 30 % (plus précisément 27,4 % pour le maïs et 29,6 % pour le riz) sont des femmes.
Corriger les injustices
Pour l’émergence du secteur agricole au Bénin, il va falloir corriger deux injustices dans les rangs des femmes. La première concerne l’amélioration de la mécanisation agricole. S’il est admis que la production agricole utilise différentes méthodes, allant de l’utilisation d’engrais, des semences ou produits phytosanitaires, à la mécanisation des travaux du sol, c’est dans ces domaines que les femmes peinent à trouver leurs marques. Elles sont moins de 10 % à utiliser cet outil agricole moderne. Le deuxième fossé à combler porte sur l’obtention d’un titre de propriété aux productrices. On estime à 316 956 le nombre de producteurs des deux sexes utilisant un titre de propriété. La répartition par genre montre que l’effectif des hommes représente près de six fois celui des femmes et le ratio total des producteurs disposant d’un titre de propriété par rapport au nombre de producteurs est de 21,7 %. Les productrices ayant un titre de propriété représentent 3,2 % de l’ensemble des producteurs et 14,6 % des producteurs ayant un titre de propriété. Les productrices ayant un titre propriété représentent 10,4 % de l’ensemble des productrices. Par rapport aux producteurs, ce taux est de 26,7 %. La résilience est un autre défi que les agricultrices béninoises doivent relever au fil du temps sur l’étendue du territoire national.
L’indice moyen de résilience au niveau des ménages du Bénin est de 53,8. La direction de la Statistique agricole note que les ménages dirigés par les hommes (54,2) sont plus résilients que ceux dirigés par les femmes (51,0).
Campagne agricole 2025-2026
Placée sous le thème « Amélioration des productions végétales et animales dans le contexte des changements climatiques : quelle stratégie pour une gestion concertée des ressources naturelles ? », la campagne agricole 2025-2026 au Bénin s’inscrit dans la continuité des efforts engagés pour renforcer la résilience du secteur agricole face aux enjeux climatiques. Dans son discours, le ministre Dossouhoui a salué les résultats positifs des campagnes précédentes, obtenus grâce à une mobilisation collective, et a appelé à poursuivre sur cette dynamique avec la même énergie.
Il a également annoncé un ensemble de mesures en faveur des producteurs pour cette nouvelle campagne. Parmi les principales décisions figurent le recrutement de 223 agents contractuels de droit public de l’État pour appuyer la mise en œuvre des politiques agricoles et rapprocher les services des producteurs ; la mise à disposition de 180 000 tonnes d’engrais Npk, 115 000 tonnes d’urée 46 %, et 55 000 tonnes de Ssp, aux prix subventionnés de 17 000, 15 000 et 14 000 Fcfa respectivement par sac de 50 kg ; l’introduction de nouvelles variétés agricoles adaptées et un accompagnement technique renforcé ; le développement des chaînes de valeur des racines et tubercules (manioc, patate douce, igname), avec une attention particulière à la transformation, à la commercialisation, et à l’implication accrue du secteur privé ; et une meilleure valorisation des périmètres aménagés, à travers un accès élargi aux intrants et services de qualité afin d’accroître la productivité et la compétitivité des filières.
De son côté, Dieudonné Alladjodjo, Vice-président de la chambre nationale d’agriculture, a souligné les enjeux de cette campagne. Il a insisté sur la nécessité d’innover dans la gestion des ressources naturelles, en promouvant une gouvernance locale inclusive et participative, reposant sur des cadres juridiques clairs pour garantir une utilisation durable et équitable des ressources.
Sergino Lokossou