L’information a circulé sur la toile en milieu de semaine dernière avant de laisser entrevoir des signes avant-coureurs le samedi 06 août 2022, à l’occasion d’un échange tenu à Porto-Novo au domicile du président Adrien Houngbédji entre la Direction exécutive nationale du Parti du renouveau Démocratique (Prd) et ceux de l’Union progressiste (Up). En plus de certains faits du passé, les commentaires au sein de l’opinion publique et les avis de certains militants des deux partis, il y a d’autres signes qui laissent douter de l’aboutissement heureux de ce projet. En tout cas, le ballon d’essai, si c’en était un, semble n’avoir pas pris.
Possible mariage ; mais difficile cohabitation ! Le projet de cohabitation en cours de négociation entre les partis Union progressiste et le Parti du renouveau démocratique, bien qu’il ne soit pas mauvais, présente des risques au regard de leur histoire et de celui de leurs responsables.
Premier fait. « Nous sommes des gens intelligents. Nous ne sommes pas bêtes. Comment est-ce que nous allons souffrir trente (30) ans durant, affrontant monts et vallées ; avec tous les sacrifices financiers et matériels ; et on vient nous dire de laisser dissoudre notre parti ? De le faire disparaître ? Non ! Mes chers amis, notre parti ne pourra, ni dissoudre, ni disparaître ». Ces propos ont été tenus par Maître Adrien Houngbédji à Avrankou, en octobre 2018, au moment où le président Patrice Talon avait demandé à ses soutiens de fondre leurs partis d’origine en de grands ensembles.
C’était aussi dans la même période que des discussions ont été enclenchées pour que les actuels responsables du Bloc républicain forment un grand ensemble avec les ténors du Prd. Les mêmes exigences qui se lisent sur la toile depuis quelques jours à savoir : le maintien de l’identité du Prd, notamment son logo et sa dénomination ; le maintien de ses fiefs traditionnels et aussi de ses organes avaient été la pomme de discorde. Le Prd voulait respecter ses textes. Sauf qu’en l’état, on parlerait d’une alliance de partis, contrairement à la Charte des partis politiques au Bénin. On se rappelle aussi que c’est l’échec de ces discussions qui avaient amené Augustin Ahouanvoébla et d’autres membres du Prd à quitter le parti arc-en-ciel pour rejoindre les blocs de la mouvance présidentielle. Conséquences : les deux élections majeures qui s’en ont suivi n’ont pas profité au Prd. D’abord, le parti n’avait pas pu prendre part aux élections législatives de 2019 pour n’avoir pas pu constituer une liste acceptable par la Commission électorale nationale autonome. Ensuite, il n’avait pas pu obtenir le taux de 10 % exigé par le Code électoral pour avoir des sièges, lors des élections communales de 2020. Depuis ce temps donc, le Prd est resté sans élus, en dehors de ceux locaux dont les élections n’ont pas été organisées à ce jour. Le contrôle de la plupart des Communes de l’Ouémé dont le Prd avait le monopôle est perdu.
Deuxième fait. Lors de son récent congrès ordinaire (5è) tenu le 19 décembre 2021, le Prd avait annoncé la révision de ses textes et de ses instances dirigeantes. Beaucoup s’attendaient, à défaut de l’annonce de sa dissolution pour faire rallier les militants à l’un des grands partis de la mouvance ou alors, créer un nouveau bloc avec un autre parti pour devenir plus grand, à voir le président Adrien Houngbédji céder sa place à la jeunesse. Mais ce ne fut pas le cas. Il a annoncé une « remontada » pour faire mal lors des prochaines consultations électorales. Le parti avait aussi étoffé ses organes. Depuis janvier, il a multiplié des activités dans ses fiefs traditionnels avec de fortes actions de communication.
Au niveau de l’Union progressiste, pas de tolérance envers le Prd et ses militants. Le parti a pris le contrôle de la ville capitale et de ses environs et dirige vraiment. On sent que c’est fini définitivement pour le parti arc-en-ciel dans ses fiefs traditionnels. Même la remontada clamé et chanté haut et fort par le Prd semble ne pas inquiéter les ténors du baobab ensoleillé.
Aucun intérêt pour les partis à se mettre ensemble
Tenant compte des textes en vigueur au Bénin, il n’y a aucune magie possible pour que les deux partis se mettent ensemble. La loi interdit clairement les alliances de partis politiques pour aller aux élections. Ce qui signifie que si les deux devraient se mettre ensemble comme ils tentent de vouloir le faire, un d’entre eux doit disparaître pour se fondre dans l’autre.
Soit, l’Up est dissoute avec tous ses organes; le Prd aussi, et un nouveau parti est créé. Mais là, les ténors Up de l’Ouémé et du Plateau, habituels fiefs du Prd seront mis en difficulté. Au niveau national, qui dirigera le nouveau parti à créer ? Houngbédji ou Djogbénou? Qui va gérer l’Ouémé et le Plateau ? Que deviendront Vlavonou ; Ahouanvoébla et consorts ? Les militants actuels de l’Up et même du Prd devront-ils donc reprendre le processus d’adhésion afin de se faire établir de nouvelles cartes de membre ?
L’Union progressiste est aujourd’hui, le plus grand parti politique. Aucun débat autour. Que cherche alors Djogbénou à vouloir, coûte que coûte s’allier au Prd ? L’Up a déjà conquis les fiefs du Prd et il n’y a même pas de doute que le contraire se reproduise lors des prochaines élections.
« Quand le Prd est dans votre camps, vous perdez » !
Cette affirmation se fait souvent au sein de l’opinion publique. Des gens se plaisent à faire cette blague pour taquiner les responsables du Prd. Et cette impression s’est amplifiée surtout après l’échec de l’Union fait la Nation en 2011 face à Yayi à l’occasion de la Présidentielle de l’époque au Bénin. Après ça, il y a eu la perte d’une alliance formée par le Prd, la Rb et la Fcbe autour de Lionel Zinsou en 2016 face à Patrice Talon et la Rupture. Cette blague, de mauvais goût, peut-être, est-elle à prendre au sérieux, au regard du remous au sein des militants des deux partis politiques depuis cette annonce ? Difficile d’y répondre. La suite des évènements et les prochaines élections nous édifieront.
Abdourhamane Touré