L’ancien président charismatique du Parti du renouveau démocratique (Prd), Adrien Houngbédji, fait de nouveau l’objet d’attention dans la sphère politique nationale. À plus de 80 ans, celui dont le parcours politique suscite autant d’admiration que de controverses semble désormais dans le collimateur de l’opposition, et ce, à la suite de déclarations critiques à l’égard du régime en place.
Lors de son intervention remarquée au Forum national de la jeunesse, Adrien Houngbédji a pris position sur des questions sensibles, dénonçant notamment l’exclusion politique persistante ainsi que certaines détentions jugées arbitraires. Il a ainsi déclaré : « Aujourd’hui encore, certains de nos concitoyens vivent l’exil politique ou croupissent en prison pour leurs opinions. Le Bénin ne peut progresser dans de telles conditions. » Appelant à une réconciliation nationale, il a plaidé pour la libération des détenus politiques, le retour des exilés et une réforme en profondeur du Code électoral, qu’il considère comme un instrument de marginalisation politique. L’ancien président de l’Assemblée nationale a également mis en garde contre les dérives autoritaires, soulignant les principes fondamentaux d’une démocratie véritable : « La démocratie, ce n’est pas éliminer ses adversaires en modifiant les règles du jeu. Ce n’est pas décider qui peut participer et qui doit être écarté. La démocratie consiste à garantir à toutes les forces politiques le droit de concourir librement. » Par cette critique à peine voilée, il oppose la gouvernance actuelle à celle qu’il a connue durant ses nombreuses années au Parlement : « J’ai présidé l’Assemblée nationale sous plusieurs chefs d’État, et nous avons toujours su privilégier le consensus. Mais depuis 2016, une autre logique semble s’être imposée… », a-t-il regretté. Ces propos, en totale résonance avec les revendications portées depuis longtemps par le parti Les Démocrates, semblent offrir à ce dernier, un appui inattendu. La nouvelle posture de M. Houngbédji, désormais perçue comme une voix dissidente au sein du paysage politique, représente un renfort symbolique que l’opposition pourrait être tentée d’exploiter dans la perspective des prochaines échéances électorales.
Attention à la rouerie politicienne
À l’approche des prochaines consultations électorales, le changement de ton de Houngbédji ne manque pas de susciter des interrogations. Certains observateurs se demandent quelle urgence le pousse à s’exprimer aujourd’hui sur des sujets qu’il a longtemps tus. Pour d’aucuns, il s’agirait là d’une stratégie de surenchère, voire de chantage politique, destinée à négocier un retour sur la scène, fidèle à un style politique bien connu. Comment expliquer, en effet, cet intérêt soudain pour les conditions des opposants emprisonnés ou exilés ? Pourquoi cette prise de position maintenant, et non auparavant ? Adrien Houngbédji a-t-il concerté les anciens cadres de son parti avant d’émettre de telles critiques à l’égard du régime en place ? Ces interrogations alimentent le débat, et devraient interpeller tout autant les dirigeants du parti Les Démocrates. Dans ce contexte, la prudence s’impose. Les responsables de l’opposition seraient bien avisés de faire preuve de discernement avant d’ériger en allié stratégique un acteur politique dont la constance n’a jamais été la qualité première. Ce regain d’activité pourrait n’être qu’un subterfuge destiné à se repositionner dans l’arène politique, à l’aune des élections à venir.
- T.