(L’interdiction d’alliance de partis toujours en vigueur)
Depuis la modification du Code électoral, une confusion s’entretient au sein de l’opinion relativement à la possibilité d’accord de gouvernance prévue dans le nouveau texte. Une lecture approfondie de cette innovation amène à conclure qu’elle n’est nullement en déphasage avec la Charte des partis politiques qui interdit toute alliance à l’occasion des élections.
Les récentes modifications apportées au Code électoral ont généré dans le vocabulaire politique béninois, de nouvelles notions notamment « accord de gouvernance » et « accord de coalition parlementaire ». En effet, dans l’article 132 nouveau de la loi 2024-13 modifiant et complétant la loi 2019-43 du 15 novembre 2019 portant Code électoral en République du Bénin, relativement au parrainage il est stipulé entre autres, que nul ne peut être candidat aux fonctions de président de la République s’il « …n’est dûment parrainé par un nombre de députés ou de maires correspondant à au moins 15% de l’ensemble des députés et des maires et provenant d’au moins 3/5ème des circonscriptions électorales législatives. Un député ou un maire ne peut parrainer qu’un candidat membre ou désigné du parti sur la liste duquel il a été élu. ». A l’alinéa suivant de préciser : « Toutefois, en cas d’accord de gouvernance conclu avant le dépôt des candidatures à l’élection présidentielle et déposé à la Céna, le député ou le maire peut parrainer un candidat membre de l’un ou l’autre des partis signataires de l’accord ». Plus loin, précisément dans l’article 146 nouveau relatif au suffrage requis pour l’attribution de sièges, la loi dispose : « Seules seront éligibles à l’attribution des sièges, les listes ayant recueilli au moins 20% des suffrages valablement exprimés dans chacune des circonscriptions électorales législatives. Toutefois, pour les partis politiques ayant conclu et déposé à la Céna, préalablement à la tenue du scrutin, un accord de coalition parlementaire, il sera procédé pour le calcul du seuil prévu à l’alinéa précédent, à la somme des suffrages de ceux ayant recueilli au moins 10% des suffrages exprimés au plan national. » Ces deux notions, suscitent assez de commentaires au sein de l’opinion. Beaucoup se demandent notamment si l’introduction des possibilités d’accords de gouvernance dans le Code électoral ou de coalition législative n’ouvre pas droit à la possibilité de faire des alliances ou des coalitions pour aller aux élections. A la lecture du Code électoral, l’on peut se rendre compte que cette disposition ne remet nullement en cause celle de la Charte des partis politiques qui interdit les alliances et qui donc reste toujours en vigueur. Beaucoup d’acteurs politiques notamment le député Natondé Aké ont d’ailleurs soutenu cela en argumentant que l’accord de gouvernance n’est rien d’autre qu’un mécanisme qui vise à permettre aux partis politiques allant à une élection, de maximiser leurs chances pour ces élections. Son collègue Augustin Ahouanvoèbla, auteur de cet amendement approuvé en plénière, explique que l’accord de gouvernance est un mécanisme qui permet aux partis politiques de travailler individuellement pour atteindre le seuil d’éligibilité. Gérard Gbénonchi, plus précis, va pour sa part indiquer qu’il y a une nette différence entre accord de gouvernance et alliance. Selon ses explications, l’alliance se fait au départ, avant même d’aller à la conquête des électeurs, tandis que l’accord de gouvernance et l’accord de coalition parlementaire veulent que les partis soient individuellement forts, aient chacun une assise nationale pour pouvoir aller à la conquête du suffrage des populations. Si on le permet (alliance ndlr), poursuit-il, « on aura des micro-partis qui vont s’entêter et demeurer ainsi et à l’approche d’une élection, se mettre ensemble…C’est ça que nous avons refusé à travers la Charte des partis qui interdit les alliances ». Des explications qui rejoignent celles du porte-parole du gouvernement, pour qui « Ce Code maintient l’interdiction de coalition ou d’alliance pour aller aux élections. Ce qui veut dire que deux ou trois partis de même obédience politique, n’ont plus la possibilité de faire une liste unique pour aller aux élections. » Sur la question de savoir si le Code en vigueur remet en cause la possibilité de faire des alliances ou des coalitions pour aller aux élections, la réponse est clairement non à en croire le porte-parole. « L’interdiction de coalition pour aller aux alliances est maintenue dans le nouveau Code électoral. Donc, il n’y a pas de confusion possible, il n’y a pas d’amalgame à faire. Il n’y a plus de possibilité chez nous pour les partis politiques de faire des alliances ou des coalitions pour aller aux élections avec une liste unique. », a tranché Wilfried Léandre Houngbédji.
Les subtilités de l’accord de gouvernance
Il est à préciser que l’accord de gouvernance ou la coalition de législature intervient une fois que chaque parti désireux de nouer un tel accord présente sa liste. Ainsi, il n’est plus possible pour les partis, même s’ils sont de même bord, de présenter une liste commune de candidats aux élections. En d’autres termes, l’interdiction de présenter une liste commune demeure. Le point commun entre les deux dispositions à savoir l’accord de gouvernance et l’accord de législature est que dans l’un ou l’autre des cas, il faudra formaliser l’accord à la Céna avant le dépôt des dossiers de candidatures. Cet accord permet d’avoir de grands groupes parlementaires et favorise la cohérence des courants politiques. Par ce mécanisme, les partis existent par eux-mêmes et sont suffisamment forts en étant présents partout dans le pays, dans toutes les circonscriptions pour devenir de véritables partis nationaux, ayant une envergure couvrant le territoire national et toutes les circonscriptions électorales.
Gabin Goubiyi