La perspective des élections législatives du 8 janvier 2023 donne l’insomnie à certains partis politiques. Hantés par l’ambition de siéger au sein de la prochaine Législature, ces partis plaident pour un allègement de la règle des 10% de suffrages prévus par le Code électoral pour concourir à l’attribution des sièges. Une proposition noble qui pourrait cependant faire s’écrouler, tel un château de cartes, toute la réforme du système partisan.
Même si elle semble noyée par la cherté de la vie, corollaire de la pandémie du Covid-19 et de la guerre russo-ukrainienne, les élections Législatives du 8 janvier prochain, restent sans nul doute, l’actualité politique majeure qui foisonnera les débats au sein de l’opinion les jours, semaines et mois à venir. Annonçant déjà les couleurs, les acteurs politiques n’entendent pour rien au monde, rater ce rendez-vous électoral crucial qui sonne comme un avant match de l’élection présidentielle de 2026. L’opposition joue donc son va-tout avec ce scrutin, elle qui peine à retrouver ses repères depuis l’avènement du régime du Nouveau départ. Même si elle dit en position de faiblesse dans les rapports de force, l’opposition devra trouver la formule pour remonter la pente et renverser la tendance. C’est d’ailleurs, l’un des défis qu’elle est appelée à relever. La proposition à cor et à cri d’une relecture de la règle des 10% faite par plusieurs partis de l’opposition à la faveur des récents échanges avec le médiateur de la République, semble être, à tout point de vue une sorte de politiques de fuite en avant. Pour certains partis politique il faudra, dans un souci de pluralité de la composition de la prochaine Assemblée nationale retoucher l’article 146 alinéa 1er, de la loi n°2019-43 du 15 novembre 2019 portant Code électoral en République du Bénin qui dispose que « Seules les listes ayant recueilli au moins 10% des suffrages exprimés au plan national, sont éligibles à l’attribution des sièges ». Relativement aux allègements, deux courants de proposition se croisent. Pour les uns, il faudra ramener ce pourcentage à la baisse. Pour d’autres, il faudra juste trouver le mécanisme de repêcher les formations politiques qui viendraient après celles qui auraient obtenu les 10% des suffrages exprimés. L’un dans l’autre, ces propositions manquent de pertinence au regard de leur caractère subjectif.
Le risque d’une déstructuration de la réforme du système partisan
Retoucher le Code électoral parait pour une frange de la classe politique, l’une des portes de sortie vers un scrutin apaisé en 2023. Entre autres propositions, les partis auteurs de cette modification, suggèrent des aménagements ou atténuations à la règle des 10%, à défaut de sa suppression pure et simple dans le Code électoral. Mais la question que beaucoup se posent à l’analyse de cette recommandation est de savoir s’il n’y a pas une autre formule pour ces partis qui se disent minoritaires, de contourner la difficulté ou la relative impossibilité pour eux, de réunir les 10% de suffrages requis pour prétendre à l’attribution de sièges. Pour certains analystes, cette difficulté pourrait être contournée par le jeu des fusions si ce n’est l’égo des partis en question qui handicaperait cette option. L’autre segment d’analyse qui pourrait susciter de légitimes réticences vis-à-vis de cette proposition est qu’elle risque de remettre en cause la philosophie même de la réforme du système partisan. Même si elle se justifie par le souci de l’hétérogénéité de la 9ème Législature, cette proposition sonne comme un recul par rapport à la dynamique de clarification du paysage politique, un des principaux leviers de la réforme du système partisan. Par ailleurs, sauter le verrou des 10% ou y apporter des atténuations pourrait s’avérer fatal pour les deux chapelles politiques proches du pouvoir. L’Union progressiste (Up) et le Bloc républicain (Br) vont dès lors, se retrouver en face de challengers sérieux qui risquent de contrebalancer le rapport de force à l’issue des prochaines joutes électorales.
Et pourtant, l’opposition a le remède à son mal
Aux termes des dispositions de la loi n°90-32 du 11 décembre 1990 portant Constitution de la République du Bénin, « Les partis politiques concourent à l’expression du suffrage. Ils se forment et exercent librement leurs activités dans les conditions déterminées par la Charte des partis politiques. Ils doivent respecter les principes de la souveraineté nationale, de la démocratie, de l’intégrité et de la laïcité de l’Etat ». Ce texte dont la clarté est indéniable, donne un aperçu du rôle d’un parti politique au sein de la République. Il est clair que le parti politique est appelé non seulement à animer la vie politique mais aussi et surtout à œuvrer pour conquérir et exercer le pouvoir d’Etat. Dès lors, la barrière des 10% ne saurait être un prétexte pour un parti politique pour se débiner à l’exigence constitutionnelle de concours au suffrage. Une formation politique qui a réussi à passer l’étape de la réforme de la réforme du système partisan et qui n’est pas capable de réunir 10% à une élection, doit simplement comprendre qu’il lui reste du travail à faire. Retoucher cette disposition pourrait favoriser l’émergence de nouveaux partis, ce qui va dénaturer toute la philosophie de la réforme du système partisan à savoir réduire le nombre de partis politiques et favoriser les grands regroupements. On n’a pas besoin de sortir de Jupiter pour appréhender cette évidence. A moins de verser dans la diversion ou de jouer au serpent qui se mord la queue, les partis politiques qui militent pour la révision de l’article 146 devraient simplement comprendre que la solution à leur problème est entre leurs mains : se fondre dans un grand regroupement comme ont su le faire, les deux partis proches du pouvoir, l’Up et le Br.
Gabin Goubiyi