La présence des Forces armées françaises dans le rang de l’Armée béninoise, la Police républicaine et les Douanes béninoises suscite de vives interrogations dans le rang des populations et des curieux. Dans une interview accordée à notre rédaction, le coopérant militaire au sein de la Direction des écoles et des sports, Baptiste Aubier donne plus d’explications.
Le Matinal : Qu’est-ce qui explique votre présence dans l’effectif des Forces armées béninoises?
Baptiste Aubier : Un plan de coopération militaire entre le Bénin et la France a été signé en 1975, qui définit le statut des Français qui sont mis, de par leur expertise, au service des Forces armées béninoises. Il faut savoir qu’il y a également des coopérants qui existent dans d’autres domaines. Je pense à la police, je pense aux douanes. Le but, c’est d’apporter une expertise pour structurer un projet au profit de l’armée béninoise.
Quel est votre statut ?
Notre statut est simple. Nous dépendons du ministère des Affaires étrangères français. Nous sommes détachés de l’armée. Tout comme l’ensemble des personnels qui appartiennent au ministère des Affaires étrangères français, nous devons être acceptés, accrédités par l’autorité béninoise. Donc, il y a un échange de notes verbales qui spécifie qui nous sommes, pourquoi nous venons, pour quelle durée. Et nous sommes approuvés par l’autorité béninoise, tout comme l’ensemble des ambassadeurs en réalité. Le statut que nous avons en revanche, c’est que nous ne sommes pas des diplomates. Nous travaillons au profit d’une structure et nous sommes insérés dans la structure pour pouvoir travailler correctement. Vous avez un coopérant qui travaille au niveau de l’armée de terre, à la marine nationale, à l’état-major général des armées, dans les écoles nationales à vocation régionale, l’académie logistique de Ouidah, le Cpadd. Quant à moi, je travaille au profit de la Direction des écoles et des sports, c’est-à-dire l’organisme interarmé qui chapote l’ensemble de la formation des militaires béninois depuis les gens qui sont en lycée militaire, jusqu’aux gens qui sont en école nationale des officiers et sous-officiers pour la formation initiale, puis l’école nationale supérieure des armées à Porto-Novo et pour finir, les personnels qui suivent le cursus de l’école de guerre à l’étranger.
De façon spécifique, quel est votre rôle ?
Mon rôle consiste à appuyer la Direction des écoles et du sport sur l’ensemble des projets qu’elle veut mettre en œuvre. Par exemple, quand la direction des écoles et des sports souhaite envoyer des stagiaires béninois se former en France sur tel aspect, ça passe par moi qui fait le lien avec la direction de la coopération de sécurité de défense, mon employeur, au ministère des affaires étrangères français. Elle réserve les places, trouve les billets d’avion et supervise cette formation. Tout ça s’inscrit dans un dialogue, il y a un plan de coopération qui permet d’être validé sur un an, deux ans, trois ans qui permet d’avoir des expertises communes qui se montent. Mon domaine de spécialité, c’est la formation. Au même moment, d’autres vont travailler sur d’autres domaines, dans le domaine de l’armée de terre, dans le domaine des douanes, dans le domaine de l’académie des frontières par exemple. En fait, c’est un partenariat gagnant-gagnant. La France, elle, y voit un intérêt, bien évidemment, puisqu’elle forme des béninois et elle permet d’avoir des béninois qui connaissent les contraintes françaises. Donc, c’est notre intérêt de travailler dans ce domaine-là. Le Bénin voit son intérêt puisqu’il peut envoyer des soldats se faire former ou parfois recevoir des formateurs de France pour une formation spécifique. Je vais vous prendre un exemple qui est très facile à comprendre. Le coopérant, qui travaille pour les douanes, aide les douanes Béninoises à se structurer, notamment pour lutter contre le trafic de stupéfiants. Cela aide le Bénin à lutter contre ce fléau. La France aussi en tire profit, car tous les stupéfiants interceptés qui arrivent du Golfe de Guinée sont des stupéfiants qu’on ne retrouve pas en France. C’est en ça que c’est un partenariat gagnant-gagnant.
Qu’est-ce qui vous a permis d’occuper ce poste?
J’ai servi dans les écoles de formation françaises, donc j’ai une expertise en la matière, et je la mets au service de l’armée béninoise selon les ordres qui me sont donnés par le Chef d’État-major général.
Est-ce à dire que vous donnez la formation?
Oui, mais je ne fais pas l’instruction moi-même. Je ne me substitue pas aux instructeurs des Forces armées béninoises. Je peux donner un appui sur un cours, sur une formation, mais quand je parlais de projet, mon projet, c’est de monter des structures qui permettent aux formateurs béninois d’être totalement autonomes en la matière.
Vous êtes là pour une durée indéterminée ?
Je suis là pour une durée de deux à trois ans. Toutefois, si le projet est jugé viable et si la partie béninoise est toujours intéressée par le projet, je serai remplacé, mais chaque année, ce projet peut être revu. Si demain le Bénin décide que ce projet n’est plus intéressant, la France va me rapatrier. Je ne suis pas un personnel diplomatique, mais de ce point de vue-là, je travaille comme un personnel diplomatique, c’est-à-dire que je suis au Bénin tant que le Bénin m’accepte.
On constate que vous êtes en uniforme béninois. Êtes-vous payés par le Bénin ?
Je suis payé par la France. C’est la France qui me met à disposition du Bénin, mais je suis toujours payé par la France. C’est une expertise. Le coût pour le Bénin, c’est simplement m’accorder un visa diplomatique pour que je puisse venir travailler ici. Mais ma solde, mon déménagement, puisque je viens avec ma famille, est payé par la partie française.
Quel est l’intérêt de porter l’uniforme ? Pourquoi vous n’êtes pas en uniforme française ?
Parce que je ne suis pas ici en tant que membre des forces armées françaises. Je suis mis pour emploi aux ordres des forces armées béninoises. Même si je conserve un lien hiérarchique avec mon attaché de défense, parce que c’est normal, ça reste mon autorité nationale de tutelle. Dans le travail de tous les jours, les ordres, je les reçois de la partie béninoise. Je les reçois du général chef d’état-major des armées et du colonel directeur des écoles et des sports. C’est eux qui me disent « je voudrais que tu fasses ci, je voudrais que tu ne fasses pas ça ». Donc il faut que je sois en uniforme béninois pour pouvoir suivre ses consignes et ses ordres.
Si les soldats béninois doivent aller sur le terrain, par exemple pour des opérations militaires au Nord, ils doivent passer par votre cabinet ?
Pas du tout. Je ne travaille pas dans la coopération opérationnelle. Nous travaillons sur la coopération structurelle. La distinction est importante. Nous ne faisons pas partie des opérations. Moi, j’ai même une interdiction diplomatique de participer à des opérations militaires. Nous avons des accords franco-béninois diplomatiques qui sont très clairs sur le statut des coopérants. Je ne porte pas d’armes. Je ne suis pas là pour faire la guerre. Je n’ai pas vocation à faire la guerre. Et si demain le Bénin me dit « va faire la guerre au nord », là il y aura un refus exprimé par la diplomatie française.
Propos recueillis par Mohamed Yasser Amoussa (Coll)