Depuis 2019, le nord du Bénin est le théâtre d’actes terroristes. Plusieurs attaques ont déjà fait des morts et des blessés, aussi bien dans le rang des soldats de l’armée béninoise qu’au sein des populations civiles. Face à la situation qui met en péril la sérénité dans certains villages du Nord-Bénin, le gouvernement du Bénin a décidé de déployer les grands moyens pour endiguer le fléau. C’est ainsi qu’est née l’opération « Mirador » avec plus de 3000 hommes Forces de défense et sécurité déployées sur le terrain. Par ailleurs, des partenariats ont été noués avec la France, la Belgique, les Etats-Unis et certains pays africains.
L’armée béninoise est plus que jamais déterminée à faire face à la menace terroriste qui secoue le pays depuis plus de trois ans. Sur le terrain les efforts pour contrer les différentes attaques djihadistes débutées le 4 mai 2019, avec l’assassinat du guide touristique Fiacre Gbédji dans le parc de la Pendjari sont visibles. Selon les autorités béninoises, la présence des groupes terroristes au Bénin a pour objectif d’occuper les zones protégées, de créer une passerelle pour relier le Nigéria (Boko Haram) aux mouvements du Sahel, assurer leurs ravitaillements logistiques et faire du Bénin un pays de transit pour les divers trafics dont celui de l’or, des bétails, de la drogue et des armes. La menace se manifeste par l’intimidation des populations, les enlèvements et les assassinats, les attaques ciblées sur les positions isolées des Forces de défense et de sécurité et l’utilisation des engins explosifs improvisés et mines. Face à ce phénomène, le ministère de la défense nationale et l’État-major Général des Forces armées béninoises ont mis en place l’opération Mirador. Grâce à cette initiative militaire, près de 3000 hommes ont été déployés pour empêcher toute infiltration de terroristes, principalement en provenance du Burkina Faso et du Niger. Cette opération a été lancée en janvier 2022 après les premières attaques du 01 au 02 décembre 2021 avec pour objectif de sécuriser les frontières poreuses du pays, de maintenir l’ordre et de conquérir le terrain. Elle vise aussi à sécuriser les bases et les convois tout en détruisant les engins explosifs. L’opération a permis de neutraliser des dizaines d’ennemis de diverses nationalités avec des dégâts enregistrés aussi bien dans le camp des forces de défense et de sécurité que des civils.
Des centaines de terroristes neutralisés ; d’autres interpellés
La menace terroriste existait dans plusieurs villages au Nord du Bénin avant le début de l’opération Mirador. Cette dernière a permis à l’armée béninoise de gagner du terrain et de conquérir certaines localités autrefois prises par des individus armés non identifiés appartenant à des groupes terroristes. Parmi les zones critiques visitées, on note le point triple, une zone rouge située à la frontière avec le Burkina Faso et le Niger située dans les fuseaux Ouest et Nord. Les villages les plus concernés par le phénomène sont Batia, le parc de la Pendjari, Arly, Kouroukoualou Porga, le parc W, Alfakoara, et Banikoara plus précisément dans un village situé à quelques mètres du fleuve Mékrou qui a fait objet de la première scène d’attaque. Au dire du Colonel Faïzou Gomina, Commandant de l’opération Mirador, il n’y a pas encore de menace dans le Fuseau Est, néanmoins une veille est en cours pour prévenir le phénomène. Selon les chiffres des incidents impliquant des civils, le Groupement tactique d’inter arme du Nord et de l’Est ont respectivement enregistré quatre enlèvements et onze assassinats et six enlèvements et deux assassinats. Quant à celui de l’Ouest, dix-huit civils blessés, plus de 31 enlèvements et 43 assassinats ont été dénombrés. Dans le rang des ennemis, plus de 169 suspects ont été interpellés dont 91 dans le Gtia Nord et 61 dans l’Ouest pendant que 63 individus armés non identifiés ont été neutralisés avec 42 dans le Gtia Ouest qui a connu le plus grand nombre. Il est suivi du Gtia Nord où 20 terroristes ont été abattus. D’importants lots de matériaux pouvant servir à la fabrication des engins explosifs dont des batteries de motos et des fils conducteurs, des médicaments ont été saisis. Il en est de même pour des armes individuelles et semi-collectives, des centaines de munitions, une dizaine de motos appartenant à divers groupes terroristes à savoir Gsim et Ansaru et des moyens de communication à savoir des téléphones et des talkies-walkies. Depuis le début des attaques dans la nuit du 1er au 02 décembre 2021, 41 soldats béninois ont été blessés alors que 25 ont perdu la vie. Ces pertes en vies humaines enregistrées du côté de l’armée béninoise sont intervenues lors des attaques des positions stratégiques des Forces armées béninoises ou lors de l’explosion des engins explosifs improvisés ou des mines.
L’Armée béninoise face à la menace terroriste
Avec l’appui financier, technique et stratégique du gouvernement, l’État-major Général des Forces armées béninoises à travers l’opération Mirador, a entrepris d’installer des Groupements tactiques inter armes (Gtia). Ils ont pour mission de participer au contrôle de zone sous sa compétence et d’instaurer un climat de sérénité propice à la libre circulation des personnes et des biens. Pour ce faire, ils mettent en œuvre plusieurs méthodes de travail dont les missions de patrouilles diurnes et nocturnes motorisés ou pédestres dans les zones à risque. Ces patrouilles sont un moyen de dissuader les activités illégales et de maintenir la sécurité de cette région riche en biodiversité. Les Gtia procèdent aussi à la dépollution, aux embuscades, à l’escorte des autorités et la fourniture des renseignements. Dans les parcs Pendjari et W, l’armée bénéficie du soutien des Rangers. Afin d’empêcher les traversées illégales, les autorités ont bloqué les accès à certains points tels que des ponts proches de la frontière burkinabè. De plus, de nouvelles fortifications sont en cours de construction, comme la base opérationnelle avancée de Malanville, de Batia et de Porga et les postes avancés fortifiés des Loges et de Arly. Ces bases et postes, une fois achevés, serviront à une nette amélioration des conditions de travail des soldats au front. Ils auront l’occasion de décamper pour quelques jours après des semaines de garde sur des positions stratégiques occupées par l’armée. Des séances de sensibilisation ont été aussi entreprises avec les populations, les autorités locales, les leaders des religions, les chefs traditionnels et les associations des jeunes sur la menace terroriste et ses corollaires. Une batterie de mesures couplée aux actions civilo-militaires qui permettent de faire reculer progressivement et considérablement le terrorisme.
Des infrastructures de types modernes construites
Dans le but d’offrir les meilleures conditions de vie et de travail aux soldats déployés sur le théâtre de l’opération Mirador, les autorités béninoises ont lancé la construction des Bases opérationnelles avancées et des postes avancés fortifiés. Ces infrastructures qui sont érigées en matériaux définitifs comportent des commodités et sont presque achevées au grand bonheur des Forces de défense et de sécurité. Néanmoins, le gouvernement est toujours attendu sur d’autres chantiers. Selon les explications de Raoufou Assouma, Commandant du Groupement tactique d’inter armes Gtia Fuseau Ouest, la construction des bases opérationnelles avancées et des postes avancés fortifiés entre en ligne de compte de la volonté du gouvernement de mettre les soldats dans les conditions optimales afin qu’ils soient toujours opérationnels. C’est le cas de la Base de Batia lancée en octobre 2022 suite aux tentatives d’attaques terroristes survenues dans le parc Pendjari. Cette base dont la construction est entièrement financée par le gouvernement, permettra aux Forces de défense et de sécurité détachées dans la zone d’opérer dans les meilleures conditions de vie. « La nécessité d’avoir du personnel déployé pour le maillage du territoire s’avère indispensable. Les Forces de défense et de sécurité travaillent dans les conditions un peu difficiles. Ils ne peuvent pas manœuvrer durant six mois dans ces conditions. A certains moments, il faut qu’ils se retirent du front et venir se reconditionner dans les endroits qui offrent de meilleures commodités », a expliqué le numéro du Gtia Fuseau Ouest. Ces bases constituent en quelque sorte des mini-camps pour une compagnie renforcée de 200 hommes comprennent un poste de police, un parking, une place d’armes, un magasin d’armements et de munitions, un champ photovoltaïque, des chambres, des toilettes. En dehors de Batia, une autre base opérationnelle se trouve à Porga avec le même niveau d’avancement. Par ailleurs, des Postes avancés fortifiés ont été aussi mis en place et rattachés aux bases opérationnelles.
Les actions civilo-militaires au profit des populations
Le Bénin, dans sa croisade contre le terrorisme, met en place toutes les stratégies afin d’asseoir les bases de la sécurité grâce à une symbiose entre populations et Forces de défense et de sécurité. Ainsi, certains personnels de l’opération Mirador ont bénéficié, du 20 juin au 20 juillet 2023, d’une formation sur des actions civilo-militaires. Initié en collaboration avec la coopération militaire américaine, ce programme a permis, pendant 30 jours, non seulement de renforcer les capacités opérationnelles de certains spécialistes de santé de l’armée, mais aussi et surtout de mettre à la disposition des Forces armées béninoises confrontées à la menace terroriste, de nouvelles techniques beaucoup plus pratiques de rapprochement et de communication plus aisée avec les populations civiles sur le terrain en vue d’une coproduction de la sécurité. Pendant cette période, les participants ont été outillés en sauvetage au combat, en technique d’engagement civil ou de collecte d’informations, détection de réseaux humains et autres. Des soins de santé préventifs et curatifs ont été dispensés aux populations. Concrètement, plus de 600 patients venus de différentes localités du Zou et atteints de pathologies allant du paludisme et des infections bactériennes aux infections parasitaires, ont été traités et ont reçu gratuitement des médicaments. D’après l’Ambassadeur des États-Unis, Brian Shukan, ce programme a démontré l’engagement commun à préserver le bien-être des citoyens et à favoriser la paix et la stabilité dans la région. Pour le Général Fructueux Gbaguidi, Chef d’État-Major des Forces armées béninoises, les actions civilo-militaires sont des occasions de sensibilisation des populations sur les attitudes à tenir. « Aujourd’hui je peux vous assurer qu’elles contribuent énormément à la gestion sécuritaire. Il y en a qui parviennent même à identifier les engins explosifs improvisés placés et nous alerter », a confié le numéro 1 des Fab. Dans les villages et zones concernés par les opérations militaires, des forages ont été réalisées au profit des populations. Des vaccins sont faits aux animaux dont les bovins et les caprins. D’autres projets sont en cours et qui seront implémentés dans les prochains jours.
Le chef de l’État, Patrice Talon résolument engagé dans la lutte
Lors de son traditionnel discours sur l’État de la Nation devant les députés le mercredi 29 décembre 2021 au Palais des Gouverneurs de Porto-Novo, le Président de la République du Bénin, Patrice Talon, a déclaré que le peuple Béninois a été à plusieurs reprises éprouvé ces derniers temps. « Le Gouvernement prend déjà des mesures fortes et poursuivra les investissements nécessaires pour que notre dispositif soit renforcé en moyens tant humains, logistiques que technologiques, afin que ce genre d’incursion sur notre territoire ne puisse continuer », a-t-il martelé lors de son intervention devant la représentation nationale. Le chef de l’État a réaffirmé son engagement de renforcer considérablement les capacités opérationnelles des Forces de défense et de sécurité. Il en sera de même pour les moyens qui leur seront donnés à suffisance pour leur permettre d’assurer la protection optimale du pays tout entier, de sorte que, même dans leurs propres rangs, il n’y ait pas d’autres victimes. Joignant l’acte à la parole, quelques mois, l’armée béninoise a été renforcée en effectif et en équipements dans le cadre du plan de riposte contre le terrorisme. Un recrutement militaire spécial de 5000 hommes au profit de l’armée a été lancé. Profitant de sa participation au sommet de la Cedeao, le président de la République est revenu sur le sujet invitant ainsi tous les pays à une union sacrée autour de l’épineuse question du terrorisme. L’arsenal diplomatique du pays a été déployé pour bénéficier des coopérations sur le plan militaire afin d’appuyer l’armée béninoise de façon stratégique et technique.
Le Bénin étend sa coopération à la lutte contre le terrorisme
Dans son combat de mettre définitivement fin aux attaques terroristes, le Bénin a déployé son arsenal diplomatique. La France, les Etats-Unis, la Belgique, le Rwanda sont ainsi mis à contribution. Profitant du point de presse lors de la visite de son homologue français, Emmanuel Macron au Bénin en juillet 2022, le chef de l’État béninois, Patrice Talon a sollicité l’appui de la France. Une requête qui a reçu un écho favorable de la part du président de la République Française qui a promis d’accompagner le Bénin, notamment en matière d’équipements armés. Cet appui militaire aux forces armée béninoises a été acté par l’octroi aux Fab d’importants lots de matériels pour faire face au terrorisme. Il s’agit entre autres d’aéronefs, des drones, des équipements de protection individuels et collectifs, des véhicules légers et des engins blindés. Quinze véhicules blindés ont été remis aux forces armées béninoises. Il s’agit en réalité de véhicules blindés équipés d’armes d’appui et de moyens de vision nocturne. Ils offrent un transport sécurisé des troupes sur les théâtres, et les protège contre les armes utilisées par les terroristes et leurs mines artisanales. Le 25 novembre, 20 véhicules tout-terrains ont été remis aux Forces armées béninoises. Par ailleurs, trois hélicoptères de marque Puma et deux autres de type Airbus ont été offerts à l’armée béninoise avec l’appui de la France. L’acquisition de ces deux hélicoptères d’attaque entre en droit ligne de l’effort du gouvernement pour renforcer son dispositif militaire afin de faire face efficacement aux menaces terroristes qui pèse sur le terrain. Il en est de même pour les matériels de transmissions et de détection du génie, des postes radio, des détecteurs de métaux et des gilets pare-balles qui ont servi à renforcer le plateau technique des Fab. Quant aux Etats-Unis d’Amérique, ils ont porté assistance au Bénin dans l’acquisition des lunettes balistiques, d’effets vestimentaires et de matériels de communication. Par ce don, le département américain de la défense se met aux cotés de l’armée béninoise et donne la possibilité aux Fab de mieux s’apprêter pour faire face aux attaques des grands bandits dans le nord du pays. Ce geste intervient suite à la réception au Palais de la Marina le 11 mars 2021 par le président de la République, Patrice Talon du Major-Général Dagvin Anderson, Commandant des Forces spéciales au Commandement des Etats-Unis d’Amérique pour l’Afrique. Ce mois de décembre a été marqué par les visites successives des Chefs d’État-Major des armées de la France, Général Thierry Burkhard le samedi 09 et celui de la Belgique, l’amiral Michel Hofman quelques heures après. Toute chose qui confirme la parfaite marche de la diplomatie béninoise dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Le ministre des Affaires étrangères béninois, Shègun Adjadi Bakari a expliqué au cours d’une de ses récents entretiens dans un journal, que le Bénin ne s’interdit aucun partenariat pour garantir l’intégrité de son territoire. Une porte est donc ouverte à d’autres pays pour une coopération sur le plan militaire en vue de la lutte contre le terrorisme.
Kigali, un potentiel partenaire
Le chef de l’État Patrice Talon veut renforcer la coopération militaire avec Kigali pour combattre le terrorisme. Lors d’une conférence de presse conjointe au cours de la visite de travail de son homologue rwandais Paul Kagame, le numéro 1 béninois a indiqué qu’il est prêt à porter, « le plus loin possible », la coopération militaire avec Kigali. Il a souligné que l’armée rwandaise a de l’expérience et est aguerrie pour faire face à la menace terroriste vu que les troupes rwandaises ont déjà démontré leur compétence au Mozambique et en République centrafricaine. Selon le président de la République du Bénin, il ne fixe aucune limite à la coopération militaire avec le Rwanda. « Pour commencer, elle peut aller dans l’encadrement, dans le coaching, dans l’expertise, dans la formation jusqu’à, si le besoin s’impose, dans le déploiement conjoint », a-t-il exprimé. Pour Paul Kagamé le président rwandais, son pays est heureux de partager son expertise et sa capacité afin que la coopération soit bénéfique dans les deux sens. Pour rappel, le porte-parole du gouvernement béninois, Wilfried Léandre Houngbédji, avait déclaré que les deux présidents étaient en discussion pour que Kigali apporte un appui logistique à Cotonou dans la défense du territoire.
Mohamed Yasser Amoussa (Coll)