Depuis le 1er janvier 2024, le Bénin dispose d’une nouvelle loi de finances pour l’année 2024. Dans un entretien exclusif accordé à votre journal, le directeur général des impôts Nicolas Yènoussi, a levé un coin de voile sur les innovations contenues dans cette loi de finances et la compréhension qu’il faut avoir de l’élargissement de l’assiette fiscale. Selon le patron de l’administration des impôts, élargir l’assiette fiscale signifie qu’il faut augmenter le nombre de contributeurs. Lisez plutôt.
Le Matinal : Depuis le 1er janvier, la loi de finances 2024 est en vigueur. Que peut-on retenir de façon ramassée des innovations de ladite loi ?
Nicolas Yènoussi : Il faut dire que la loi qui vient d’être votée, a prévu plusieurs mesures. Il s’agit des mesures qui existaient, qui ont été reconduites et également de nouvelles mesures. Au nombre des mesures reconduites, nous avons des exonérations en faveur des ménages et des entreprises telles que les exonérations sur les matériels de gaz domestique, les exonérations au profit des entreprises qui souhaitent installer des stations-services et les stations-trottoirs surtout avec le drame qui a eu lieu à Sèmè-Kraké, il faut encourager l’installation des mini-stations. Les dispositions sont prises en matière fiscale pour accompagner cela. Il y a également les mesures concernant les avantages fiscaux accordés aux personnes qui achètent les voitures neuves. Pour les voitures neuves, il y a un abattement de 90% de la valeur pour calculer les droits de douanes et il y a une exonération totale de la Tva. Ce qui est une bonne chose et nous avons constaté en la matière après deux années d’application, que les chiffres d’affaires des concessionnaires de véhicules ont grimpé et il est visible de voir dans Cotonou, beaucoup de voitures neuves circuler dans la ville. Donc, cette mesure a été reconduite. Au niveau des petites industries, et des petites et moyennes entreprises, il y a également des mesures concernant les exonérations portant sur les équipements pour installer les unités de production ou de transformation. Donc, si vous avez votre petite unité de production, vous pouvez importer les équipements sans payer les droits de douanes et la Tva. Cela va au-delà des unités de transformation. Toutes les Petites et moyennes entreprises peuvent bénéficier de cette mesure dans le cas où ces entreprises n’ont pas les avantages du Code des investissements. Même si vous êtes une coiffeuse et que vous voulez équiper votre salon, vous avez un pressing ou une pâtisserie, vous voulez acheter des équipements, ces équipements vont être importés en franchise d’impôts. Sur les nouvelles mesures, comme je parlais tantôt des voitures neuves, il y a également un clin d’œil qui est fait aux voitures d’occasion. L’année dernière, nous avons engagé des discussions avec les acteurs à savoir les importateurs et les revendeurs de véhicules d’occasion, qui ont souhaité que l’Impôt minimum que ces personnes payent soit définitif et libératoire, c’est-à-dire quand elles payent cet impôt, qu’elles ne payent plus d’autres. Cette doléance des acteurs de la filière de vente des véhicules d’occasion a été prise en compte et est contenue dans la loi de finances. En définitive, les personnes fortunées peuvent avoir des voitures neuves, les personnes moins fortunées peuvent aller vers les voitures d’occasion sans être imposées. Ces mesures-là vont impacter forcément le prix et cela va être plus accessible aux populations. Au nombre de mesures nouvelles, nous avons également une mesure pour les restaurateurs du secteur de la restauration. En général, cela va être les petits restaurants qui éprouvent quelques difficultés dans la facturation de la Tva. Avec l’avènement des factures normalisées, ils estiment que leur marge a pris un coup et donc, la loi a prévu la possibilité pour ces personnes de calculer la Tva sur la marge au lieu de calculer la Tva sur le prix directement. On définit une marge qui va servir de base au calcul de la Tva, ce qui va agir forcément sur le prix pratiqué dans ces petits restaurants pour toujours les rendre accessibles aux populations. Nous avons par ailleurs la suppression de la taxe sur la ferraille parce que désormais, il y a deux sidérurgies qui se sont implantées dans le pays pour donner de la matière nécessaire. Globalement, ces mesures vont dans le sens de l’accompagnement entreprises. Au niveau des ménages aussi, il y a la mesure sur la dispense de pénalités pour les propriétaires fonciers, qui payent leurs impôts fonciers, qui ont des arriérés. Ils peuvent solder leurs impôts sans payer les majorations.
Egalement, au niveau du secteur informel, on a prévu des mesures d’accompagnement pour ceux qui sont dans l’informel et qui veulent reprendre leurs activités de faire le passage en douce sans pouvoir sentir. Toutes ces mesures sont réelles. Je puis dire qu’il n’y a pas eu augmentation des taux des impôts qui existent, ni création de nouveaux impôts.
Les mesures sont-elles déjà effectives ?
A partir du 1er janvier 2024, la Loi de finances produit ses effets. Une fois que le chef de l’Etat l’a déjà promulguée et qu’elle est publiée au journal officiel, c’est terminé. Toutes ses mesures sont en vigueur même si de façon pratique, ce vendredi 5 janvier, la Direction générale du budget va procéder au lancement officiel de l’exécution du Budget général de l’Etat, exercice 2024.
Sur la radio nationale, le mercredi 3 janvier 2024, vous avez parlé de l’élargissement de l’assiette fiscale. Que comprendre par ce vocable ?
Effectivement, j’ai parlé de l’élargissement de l’assiette de l’impôt parlant de ce que la loi n’a pas prévu de nouveaux impôts ni d’augmentation des taux existants, comment on fait pour atteindre les objectifs budgétaires ? Ce que je voudrais dire par-là, c’est que nous avons encore de la marge, c’est-à-dire que le nombre de contributeurs, c’est-à-dire ceux qui payent les impôts est très faible comparativement à la norme communautaire. Mais en réalité, depuis 2017, beaucoup de Béninois ont compris la nécessité de payer les impôts et chaque année, on essaie d’augmenter le nombre de contributeurs. Donc, toutes les actions que nous menons en matière de digitalisation, d’éducation et de formation des populations dont la finalité est l’augmentation du nombre de contributeurs, c’est tout cela qui est mis sous le vocable de l’élargissement de l’assiette fiscale. En termes clairs, élargir l’assiette fiscale par rapport à ce contexte où on n’a pas créé de nouveaux impôts ni augmenté les taux qui existaient, signifie qu’il faut augmenter le nombre de contributeurs. Si on était 100, notre souhait, c’est qu’on passe à 200, 300 voire plus. Si on est nombreux à payer les impôts, le fardeau sera allégé pour chacun de nous.
Vous rassurez qu’il ne s’agit pas d’augmentation encore moins de création de nouveaux impôts ?
Bien sûr ! Je confirme qu’il n’y a pas de nouvelles taxes à créer. Il n’y en a pas eu dans la loi de finances. Quand je prends la dernière mesure qui consiste à coupler le paiement de la Tvm avec la visite technique, il y a certaines personnes qui n’ont jamais payé la Tvm. Certains ont payé une seule fois en 2017 et n’ont plus jamais payé et ont juré de ne même plus payer. Le fait de coupler cela avec la visite technique par exemple, va élargir l’assiette fiscale en faisant augmenter le nombre de payeurs. Il s’agit d’un impôt qui existait mais le nombre de payeurs va augmenter et donc on élargit ainsi l’assiette fiscale.
Un mot à ceux qui, jusque-là, ne perçoivent pas l’utilité du paiement de leurs impôts
On ne peut plus dire aujourd’hui que nous ne percevons pas ou que nous ne connaissons pas l’usage qui est fait des impôts collectés. Notre environnement change et beaucoup de choses sont faites. Sur le plan fiscal, beaucoup de pays viennent par exemple voir ce qui est fait au Bénin. Il en est de même des infrastructures, du secteur du tourisme et d’autres domaines dans lesquels notre pays est cité en exemple. Donc, ce sont les impôts qui permettent de réaliser ces performances. Le chef de l’Etat a annoncé l’accroissement de la cagnotte destinée au Microcrédit aux plus pauvres. Mais où trouve-t-on les ressources pour le faire ? Ce sont les impôts. On doit continuer le paiement des bourses des étudiants et construire de nouvelles routes avec les impôts même si on a la capacité de lever des fonds sur le marché financier, il faudra rembourser. Pour le faire, c’est avec les impôts collectés. Pour faire fonctionner les hôpitaux, les cantines scolaires et payer les policiers qui sont recrutés et assurent notre sécurité en étant posters au niveau de presque tous les carrefours, c’est les impôts. Donc, je crois que ce qui est fait avec les impôts collectionnés est visible. Pour finir, ce que je voudrais demander à nos compatriotes, c’est de ne plus avoir peur. Soyons des amis. S’ils viennent, et qu’ils ont des difficultés, on va discuter et trouver des solutions pour qu’ils s’en sortent. S’ils ont des arriérés, on va faire un plan de règlement, les comprendre et les accompagner. Il ne faut pas que les gens restent loin et disent qu’ils ont peur des impôts. Il faut qu’ils viennent pour qu’on échange. Les services des impôts sont assez sensibilisés pour accueillir tous ceux qui ont des difficultés. La loi a prévu plusieurs possibilités. S’ils viennent à nous, on va le leur expliquer et nous devons pouvoir nous entendre.
Propos recueillis par Serge Adanlao