Entrepreneur bon teint, Max Kpatchou est le responsable de « Clinique chaussures », une maison de fabrication des chaussures hommes et dames sur mesure à Cotonou. Dans l’après-midi du lundi 6 mars 2023, sous un soleil de plomb, il a accepté volontiers de nous recevoir dans ses locaux sis au quartier Vodjè. Au détour d’un entretien d’une trentaine de minutes, il nous a plongé dans la genèse de son entreprise et décliné ses ambitions actuelles et futures pour le développement local. Ci-dessous, l’intégralité de l’entrevue réalisée après une visite guidée de son atelier-école qui forme des jeunes à la cordonnerie en vue de les rendre autonomes.
Le Matinal : Où sommes-nous ?
Max Kpatchou : Vous êtes dans l’entreprise « Clinique chaussures » qui a un volet fabrication et vente de chaussures (fermées, tapettes, babouches) et ceintures et une école de fabrication de chaussures, l’Ecole professionnelle de fabrication des chaussures modernes.
A quand remonte la création de « Clinique chaussures » ?
L’entreprise a été créée il y a 6 ans, plus précisément en 2018.
D’où êtes-vous parti pour créer l’entreprise ?
Je suis titulaire d’un diplôme de Master en Finances, comptabilité publique et audit. A la base, j’ai été formé par mon géniteur qui est cordonnier. Cela n’a pas été facile, mais j’ai tout mis en œuvre pour y arriver. En plus des notions reçues de mon père, j’ai suivi d’autres formations à l’extérieur notamment au Ghana pour me perfectionner.
La formation au Ghana a duré combien de temps et elle s’est soldée par quel diplôme ?
La formation a duré 6 mois au Ghana. Je m’y suis rendu pour avoir les techniques supplémentaires de fabrication des chaussures après 10 années d’apprentissage dans une école de cordonnerie au Bénin. Le séjour au Ghana a été sanctionné par un diplôme.
Quelle est votre clientèle ?
Ici au Bénin, nous avons travaillé à la base pour avoir notre clientèle. J’ai parcouru différentes résidences via le porte-à-porte avec mes collaborateurs. Ce travail de fond a permis d’avoir un large éventail de clients béninois. Mes produits sont portés par toutes les couches du Bénin. Nous avons également des partenaires à l’extérieur notamment dans les pays comme le Niger, le Burkina Faso, le Mali, le Gabon et le Congo.
Y-a-t-il eu d’évolution dans les commandes depuis le début jusqu’à ce jour ?
Au début, j’étais seul et je concevais au moins deux chaussures par jour. Je n’arrivais pas à satisfaire la demande. Mais au fur et à mesure, j’ai constitué mon équipe et je peux vous avouer qu’aujourd’hui, nous livrons au moins 30 paires de chaussures en une journée.
Comment les produits sortis de votre entreprise sont-ils fabriqués ? A la main ou vous disposez des machines ?
Nous travaillons de façon artisanale à la base, mais nous disposons des machines de finition qui permettent de polir les chaussures à la fin.
Quelles sont vos ambitions à court, moyen et long termes ?
La demande est croissante chaque jour. Il faut penser à augmenter la capacité de production pour satisfaire la clientèle. Dans ce cadre, j’ai lancé actuellement la commande de machines qui seront livrées bientôt là. Mon ambition, c’est que tout Béninois porte des chaussures Made in Benin et fabriquées à la maison « Clinique chaussures ». Pour y arriver, je compte être proche de la clientèle en m’installant dans toutes les régions du Bénin. Je suis déjà présent à Cotonou à travers au moins trois boutiques. L’objectif à moyen terme, c’est d’avoir des représentations dans tout le Bénin. En attendant que nous ne nous installions dans tout le pays, nous livrons ponctuellement dans plusieurs villes comme Porto-Novo, Parakou et Bohicon.
Vos clients sont-ils satisfaits de vos produits ?
Pour le moment, la satisfaction de la clientèle est notre force de frappe. Nous tenons rigueur au délai de livraison et à la qualité des objets commandés. Relativement à la qualité, la maison « Clinique chaussures », c’est rien que du cuir que je propose à mes clients. Toutefois, nous adaptons les chaussures et autres produits aux demandes des clients. Nous chaussons plusieurs personnalités du pays qui nous font confiance.
Quel est le rapport qualité-prix à « Clinique chaussures » ?
Ce n’est pas parce que nous chaussons des personnalités que nous sommes chers. Ce sont les mêmes prix pour tout le monde. Ils sont à la portée de tout le monde.
Parlant du prix, combien doit-on prévoir pour s’offrir une chaussure chez vous ?
Cela dépend. Pour une véritable tapette, il faut prévoir 15 000 FCfa. Une fermée, c’est à partir de 40 000 FCfa.
A combien peut-on estimer l’équipe de « Clinique chaussures » ?
Nous sommes au nombre de 32 y compris moi-même.
Comment arrivez-vous à écouler vos produits ?
Un client satisfait, c’est 10 clients gagnés. Il faut s’appliquer au niveau du travail et c’est ce que nous faisons. Lorsqu’un client est satisfait, de bouche à oreille, l’information passe. Nous avons également notre application mobile qui est téléchargeable sur Play store. Il est dénommé « Bénin cordonnerie ». Avec ladite application, de n’importe où au monde, les clients peuvent lancer des commandes et être satisfaits. Il suffit juste de préciser dès que vous accédez à l’application, votre situation géographique, le nom et prénom, la maison de résidence et le tour est joué. Dès que le produit commandé est prêt, les livreurs de l’entreprise se déplacent avec des motos à l’effigie de « Clinique chaussures » pour remettre les objets commandés. Nous disposons de commerciaux qui sont aussi dotés de moyens roulants pour leur faciliter le déplacement et assurer l’écoulement des produits. Nous participons régulièrement à des foires. Chaque deux mois, il y a au moins une foire dans la sous-région. Nous venons de finir deux foires actuellement (le Salon international des artisans de Ouagadougou et le Fespaco Ndlr). Mes agents vont bientôt rentrer. A Niamey, il y aura bientôt la foire du Ramadan à laquelle je participe régulièrement. Nous avons aussi pris part à la Foire internationale de Parakou et Lomé Togo 2000.
Peut-on dire sans se tromper que vous gagnez votre vie grâce à la cordonnerie ?
La cordonnerie est un métier noble qui est souvent dénigré voire délaissé. Elle peut vous nourrir, vous aider à tout réaliser dans votre vie. Tout est une question d’organisation.
Quel est votre secret ?
(Sourire). Mon vrai secret, c’est la satisfaction de la clientèle.
En dehors de la fabrication des chaussures, que faites-vous d’autre ?
Nous faisons aussi de l’abonnement à court et à long termes, selon le choix opéré par le client. Cela consiste à entretenir les chaussures des clients qui nous paient en retour. Au cours de l’entretien, nous rendons les chaussures propres en leur redonnant de l’éclat. C’est différent du ressemelage et du changement de quelque chose sur la chaussure. Si la chaussure est décollée par exemple ou bien le talon doit être renforcé, on la répare.
Avez-vous besoin de soutiens pour agrandir vos locaux et mieux satisfaire votre clientèle ?
J’ai besoin de l’accompagnement aussi bien du gouvernement que des institutions et partenaires internationaux. Au niveau des machines par exemple, nous sommes en manque. Il en est de même pour la formation des apprenants. Tout ce qui est fait au niveau de l’Ecole, l’est sur fonds propres vu que c’est une formation pour aider la jeunesse, pour qu’elle s’auto-emploie. En agissant de la sorte, je pense que nous sommes en train d’aider notre pays, le Bénin. A travers la formation qu’ils reçoivent, les jeunes issus de mon centre ne pourront plus aller voler ou s’adonner à des pratiques malsaines. J’invite donc le gouvernement et les partenaires internationaux à venir à nous accompagner.
L’entreprise « Clinique chaussures » est située où à Cotonou ?
Nous sommes situés au quartier Vodjè à Cotonou dans le 5ème arrondissement. En quittant le carrefour Agontinkon pour l’Etoile rouge, « Clinique chaussures » est situé dans la 6ème rue à droite. Pour nous contacter, nous sommes 00 229 96 29 91 70 ou le 00 229 99 25 80 71.
Votre mot de fin
Je voudrais inviter la jeunesse béninoise et tous ceux qui veulent entreprendre, à faire chemin dans la cordonnerie.
Propos recueillis par Serge Adanlao