L’accès au crédit reste un défi majeur pour les femmes en Afrique de l’Ouest. Seulement 5,1% des femmes ont accès dans cette région où moins de 37 % d’entre elles ont un compte bancaire selon le Fmi. Pour contourner les difficultés liées à l’accès au crédit dans les banques commerciales traditionnelles, les femmes font souvent recours aux microcrédits, pour des prêts, souvent d’un montant modeste, contractés à titre individuel ou par la voie de groupements spécifiquement constitués pour renforcer ou lancer leurs activités.
Au-delà de l’impact économique, les microcrédits jouent un rôle crucial dans l’autonomisation des femmes. L’accès aux ressources financières leur permet de gagner en indépendance et en pouvoir de décision, tant au niveau familial que social. Car en générant leurs propres revenus, les femmes se libèrent de plus en plus de leur dépendance économique et du joug de la pauvreté. C’est ce que nous explique l’agent de crédit Séverine K. « Le prêt facilite l’inclusion financière des femmes qui étaient jusque-là très limitée avec les banques classiques qui ne peuvent pas travailler avec des personnes aux activités informelles. Ainsi donc, les systèmes financiers décentralisés (Sfd) permettent aux femmes d’avoir accès aux financements bancaires en fonds de roulement pour une meilleure autonomisation », dit-elle. Les femmes interrogées ne disent pas le contraire. L’accès aux services financiers traditionnels demeure limité pour ces femmes qui doivent compter sur les institutions de microcrédit pour financer leurs activités.
Au Bénin, l’économie informelle regroupe une variété d’activités allant du commerce de rue à l’artisanat, en passant par l’agriculture. Elle emploie une large majorité de la population active, notamment des femmes et des jeunes qui trouvent dans ces activités des moyens de subsistance. Pourtant, ces acteurs rencontrent des difficultés à accéder aux financements traditionnels en raison de critères d’éligibilité stricts, d’un manque de garanties, ou encore d’une insuffisance de documentation administrative. C’est à ce niveau que les institutions de microfinance (Imf) jouent un rôle fondamental en offrant des services financiers adaptés aux petites structures, souvent exclues du système bancaire classique. Elles comblent une lacune et permettent à de nombreux entrepreneurs de développer leurs activités. « Nous sommes conscients du rôle que nous jouons dans l’autonomisation des petits commerçants et artisans béninois. Nos produits financiers sont conçus pour répondre à leurs besoins spécifiques », affirme Claude Honoré Gbeha, responsable d’une institution de microfinance basée à Cotonou. Au 30 avril 2024, le secteur de la microfinance comptait environ 106 institutions, allant des coopératives d’épargne aux associations de microcrédit, selon la liste fournie par l’Agence nationale de surveillance des systèmes financiers décentralisés (Anssfd). Ce sont ces institutions agréées qui accompagnent les citoyens là où les services financiers traditionnels mettent la barrière. « Le microcrédit a un effet multiplicateur dans l’économie informelle. Avec de petits prêts de 30 000 voire 500 000 et plus, les bénéficiaires peuvent lancer ou étendre leurs activités. Une couturière peut, par exemple, acheter du tissu en gros, tandis qu’un agriculteur pourra se procurer des semences ou de nouveaux outils », détaille Claude Honoré Gbeha. Ces investissements, bien que modestes, génèrent un impact durable. Les micro-entrepreneurs voient leurs revenus augmenter, ce qui leur permet non seulement de subvenir aux besoins de leur famille, mais aussi de réinjecter des fonds dans l’économie locale. « Avec le prêt que j’ai reçu récemment, j’ai pu acheter des équipements supplémentaires pour mon atelier de couture que j’ai d’ailleurs aménagé pour attirer les clients. J’envisage même embaucher deux autres personnes car seule, je n’arrive plus à satisfaire les clients », témoigne Francine Koko, responsable d’un salon de couture dans la commune d’Abomey-Calavi.
Inclusion financière pour les femmes
Selon une étude de la Banque mondiale, environ 70 % des bénéficiaires de microcrédits au Bénin sont des femmes. Le microcrédit a également joué un rôle déterminant dans l’inclusion financière, surtout pour ces femmes. Celles-ci, longtemps exclues des circuits bancaires, trouvent dans les prêts une opportunité d’accéder à l’autonomie économique. Ainsi, plusieurs programmes gouvernementaux sont venus renforcer le système ces dernières années avec des initiatives de renforcement des capacités des femmes entrepreneures grâce au microcrédit, leur offrant non seulement des prêts mais aussi des formations en gestion, marketing et comptabilité. L’apothéose reste le programme ‘’Microcrédit alafia’’ qui vise à donner aux femmes les outils nécessaires pour réussir sur le long terme, pas seulement à leur offrir un prêt. « Le microcrédit constitue un levier fondamental pour l’autonomisation des femmes, en leur donnant les moyens financiers de lancer et de développer des activités génératrices de revenus. Cela permet à beaucoup d’entre elles de sortir de la précarité et de renforcer leur rôle dans la société », explique Véronique Tognifodé, ministre des Affaires sociales et de la Microfinance lors d’une tournée de reddition de compte aux populations. Grâce au microcrédit, des milliers de femmes à travers le Bénin accèdent à des opportunités économiques qu’elles n’auraient jamais pu envisager auparavant. Ce soutien financier leur permet non seulement d’améliorer leur quotidien, mais aussi de contribuer de manière significative au développement de l’économie locale. Les institutions de microfinance permettent ainsi de soutenir les initiatives féminines, renforçant leur pouvoir d’achat et leur influence au sein de leurs communautés. «Le gouvernement s’engage à renforcer les programmes de microcrédit pour les femmes, car leur émancipation économique est essentielle à l’atteinte de nos objectifs de développement durable. En soutenant ces femmes, nous soutenons leurs familles et leurs communautés », confie la ministre.
Les microcrédits, une opportunité pour les femmes
Le microcrédit, bien qu’il apporte un soutien indéniable à l’économie informelle, pourrait également être un levier pour encourager la formalisation de ce secteur. En facilitant l’accès au crédit, les institutions de microcrédit incitent ainsi de plus en plus d’entrepreneurs à régulariser leur situation juridique, à déclarer leurs activités et à s’inscrire dans un cadre fiscal. Ce qui leur permettra de décrocher de gros prêts pour renforcer leurs activités et bénéficier d’autres services intéressants qu’offre l’État. « Formaliser vos activités est une étape cruciale pour accéder à de plus grandes opportunités. En structurant vos entreprises, vous pouvez non seulement bénéficier de soutiens supplémentaires, mais aussi contribuer pleinement à l’économie nationale », exhorte le ministre Véronique Tognifodé. Cette démarche permettra également aux bénéficiaires de mieux protéger leurs revenus et de sécuriser leurs investissements. « La formalisation de vos activités vous ouvrira les portes de nouveaux marchés et d’un soutien institutionnel renforcé. C’est un gage de pérennité et de croissance pour vos entreprises, et c’est ainsi que vous pourrez transformer votre succès individuel en impact collectif », souligne la ministre qui encourage les femmes bénéficiaires de microcrédit à passer à l’étape suivante pour la croissance durable de leurs activités. Le microcrédit s’impose aujourd’hui comme un outil incontournable pour dynamiser l’économie informelle malgré les nombreux défis qui se posent au secteur, notamment en matière de remboursement et de régulation, même s’il faut reconnaître que l’État fait un grand effort dans ce sens. L’outil a déjà démontré son potentiel pour soutenir la croissance inclusive et durable du Bénin et il va falloir relever rapidement les défis pour éviter que les emprunteurs ne sombrent dans une spirale d’endettement qui fera écrouler le système. Autrement, les prêts contribuent de manière générale à l’autonomisation économique des femmes, à la réduction de la pauvreté et à la croissance économique. Mais pour maximiser leur impact, il est nécessaire de prendre les précautions pour ne pas tomber dans le cycle de l’endettement, et risquer de compromettre son activité génératrice de revenus.
Sergino Lokossou