Dans le but d’inculquer les valeurs citoyennes à la jeune génération pour lutter contre la paresse, le gouvernement, en sa séance du 20 septembre 2023, a décidé d’introduire dans le programme au collège, des classes socio-éducatives. Cette initiative appréciée par les populations du Zou ne paraît pas comme la solution idéale pour parvenir aux résultats escomptés.
Les habitudes citoyennes ont déserté le forum au Bénin. Cet amer constat se traduit par le goût effréné du lucre des jeunes qui, aujourd’hui, aiment la facilité et les raccourcis pour réussir leur vie. Cette tendance s’explique par le phénomène de la cybercriminalité qui prend de l’ascendance au jour le jour. Malgré la traque et le nombre de personnes déjà interpellées par la justice, le mal ne recule guère. Face à cette résistance, le gouvernement a estimé qu’il faut attaquer le mal à racine. Le faire, c’est réorienter l’éducation citoyenne des Béninois depuis la base. Ce qui passe par l’introduction au programme, des classes socio-éducatives dans les collèges et lycées. Ce programme qui amorce sa phase pilote dès la rentrée scolaire 2023-2024 est exécuté dans les classes de 6ème dans une vingtaine de collèges ciblés au niveau des 12 départements du Bénin. Dans le Zou, l’initiative est très bien accueillie, sauf que les citoyens rencontrés restent dubitatifs quant à son efficacité à résoudre le problème pour lequel elle a été instituée. « A priori, c’est une bonne chose. Nous devons encourager tout ce qui concourt à la citoyenneté et à la promotion des libertés et des droits fondamentaux. Mais est-ce que c’est cela la solution ?», s’interroge Michel Klotoé, membre de la société civile à Bohicon. Il justifie son pessimisme par le bâillonnement des libertés, les violations flagrantes des droits de l’homme que l’on enregistre ces derniers mois. Dans un tel contexte caractérisé par le désespoir et la déception totale de bon nombre de citoyens, il émet des réserves quant à l’aboutissement heureux de ces classes socio-éducatives. Après son diagnostic, le mal est à deux niveaux comme étant les causes fondamentales de la dégénérescence des valeurs morales et citoyennes au Bénin. A en croire ses propos, il s’agit du cumul des frustrations et du manque d’emploi. « A voir la jeunesse et même certains adultes, la citoyenneté a déserté le forum parce que les gens ne trouvent plus leur compte », souligne le président de la Cellule de participation citoyenne (Cpc) de Bohicon. Dans les détails, il explique que certains ont contribué au développement au risque de leur vie et au bout du rouleau, ils n’ont pas eu le retour. Au sein de cette frange de la population, ça grogne au point où tout le monde se plaint. « Il faut faire un tour dans les marchés pour s’en convaincre ». Pour trouver la solution à la cause liée à l’emploi des jeunes, Michel Klotoé pense qu’il faut donner priorité à la formation plutôt qu’à l’éducation en redimensionnant le programme d’étude. « Si c’est lié à l’école et aux jeunes, il faut repenser le programme d’éducation qui ne cadre plus à nos réalités. Tel que cela fonctionne, nous avons assez de diplômés sans emploi. Ils ont étudié pendant des années espérant qu’à la fin, ils auront un travail. Et au finish, ils n’ont plus le job », caricature le président de la Cpc/Bohicon. Pour lui, un jeune confronté à un problème de chômage et de sous-emploi n’est plus vertueux, car, ventre affamé n’a point d’oreille. « C’est un problème de fond », insiste-t-il.
La mécanisation de l’agriculture, la solution idéale
Suite au diagnostic et aux analyses, Michel Klotoé pense que la thérapie adaptée au mal dont souffre la jeunesse est l’emploi. « Si le gouvernement doit faire quelque chose de durable, c’est de donner l’emploi aux jeunes », propose-t-il. Il poursuit en demandant à l’Etat de revoir par exemple sa politique agricole en mécanisant l’agriculture. Ce qui pourrait encourager les jeunes diplômés à retourner à la terre puisque le Bénin dispose d’assez de terres inexploitées alors que les parents sont encore à la daba. « Vous ne pouvez pas demander à un jeune qui a fini ses études de retourner à la daba, il ne va pas accepter. S’il y a un programme qui puisse permettre aux jeunes de retourner à la terre sans tenir la daba, cela pourrait intéresser beaucoup de personnes », plaide-t-il. Ainsi, on pourra freiner l’élan de la cybercriminalité, car personne n’aime qu’on apprivoise sa liberté. Autrement, les jeunes inoccupés sont tentés par les vices de la cybercriminalité, puisque dit-on souvent, qui ne risque rien n’a rien. En dehors de la modernisation de l’agriculture, il plaide aussi pour l’allègement de la fiscalité. D’après Michel Klotoé, trop d’impôts tuent l’impôt. C’est-à-dire que les taxes deviennent de plus en plus exorbitantes, ce qui ne favorise pas l’éclosion des initiatives privées à la base. « On sait que notre budget est essentiellement fiscal. Néanmoins, il faut des mesures d’accompagnement pour encourager des initiatives privées ». Il ajoute en indiquant que le secteur privé est pourvoyeur d’emplois. Malheureusement assujetti au paiement d’impôts trop élevés, il est contraint de fermer la baraque ce qui constitue un manque à gagner. « L’Etat doit alors réfléchir autrement », recommande le président de la Cpc/Bohicon. En encourageant les écoles à insister sur les leçons de morale et de civisme et en promouvant la coopérative scolaire, il a aussi convié les parents démissionnaires à reprendre en main l’éducation de leurs enfants. « Ils ont aussi leur part de responsabilité dans ce qui se passe aujourd’hui », dénonce-t-il. Pour Michel Klotoé, certains parents, sous le poids de la précarité ou carrément irresponsables, n’arrivent pas à assumer leurs devoirs. Conséquence, les enfants sont laissés à eux-mêmes et s’adonnent à des pratiques peu orthodoxes. « La cybercriminalité n’est pas une bonne chose. Personne ne peut l’encourager. Un jour, j’étais là quand mon garçon était rentré avec une moto neuve. Aussitôt, je l’ai interpellé par rapport à sa source de revenus. Après mes enquêtes, je lui ai retourné la clé que j’avais saisie après avoir compris, preuves à l’appui, qu’il avait fait un prêt. Moi, j’ai pu interpeller mon enfant parce qu’il ne pourra rien me reprocher concernant son éducation. Imaginons un parent qui n’assumait pas son devoir vis-à-vis de l’enfant. De peur d’être rabroué par ce dernier, il est obligé d’observer un silence complice », explique-t-il. En conclusion, il exhorte le gouvernement à mettre en place des programmes novateurs pour réduire le taux de chômage et promouvoir l’auto-emploi. Ainsi, il pourra faire œuvre utile.
Zéphirin Toasségnitché
(Br : Zou-Collines)