L’ex-ministre et professeur à l’Université d’Abomey-calavi, Roger Gbégnonvi n’est pas indifférent aux réformes en cours dans les universités publiques du Bénin. Dans cet entretien, il salue la connaissance par la ministre de l’Enseignement supérieur, Eléonore Yayi Ladékan du fléau que constitue le ‘’ harcèlement sexuel’’ dans les facultés et invite l’Etat à aller plus loin dans les réformes, notamment pour celui du choix des recteurs.
Le Matinal : une pile de réformes dans les secteurs, l’enseignement supérieur reçoit petitement sa dose, pourtant tout baigne à cette échelle du système éducatif.
Roger Gbégnonvi : Comment tout baigne à cette échelle du système éducatif ? Au niveau supérieur tout baigne, c’est votre sentiment ? Ah oui tout baigne parce que ça fait, je ne dirai pas une éternité, mais ça fait des décennies que l’université n’a pas été réformée. Aucun chef d’État, aucun ministre de l’enseignement supérieur n’a osé toucher à cette … J’ai étudié quand-même à l’université nationale du Bénin avant qu’elle ne devienne l’université d’Abomey-Calavi. C’est la première fois que le Bénin prend l’initiative de réformer son université, mais il était temps. Alors, si cette instance n’est pas constamment réformée, alors que la vie est en constant changement, alors il y a quelque chose qui cloche.
Voulez-vous dire que le Supérieur souffre de beaucoup de maux?
Écoutez, vous me faites rigoler et j’ai été à la fois triste, tout en me réjouissant, que pour la première fois une autorité académique du rang de madame la ministre de l’Enseignement supérieur ait dit que parmi les maux dont souffrent l’université d’Abomey Calavi, il y a le harcèlement sexuel. J’avais honte pour mon pays, j’avais honte pour le professeur d’université que je suis, mais il était temps que madame la ministre ait très bien de creuser verbalement le grand mal qui ronge l’Université. Il n’y a pas que ce mal, il y a plusieurs autres maux, mais je vous ai cité celui-là parce que pour la première fois ce mal a été reconnu.
Mais pourquoi trouvez-vous qu’après vous c’est le déluge à l’université ?
Non je n’ai jamais dit que c’était le déluge. Je suis parti parce qu’il y avait le déluge. Je suis parti délibérément de l’université aux grands dames de mes collègues parce que je croyais travailler dans une université alors que je travaillais dans un lycée de banlieue.
Un lycée de banlieue, c’est-à-dire ?
C’est à dire un lycée qui ne vaut pas un lycée de ville. Je vous jure tous les dieux que vous voulez, l’université d’Abomey- Calavi ne vaut pas, le lycée Descartes à Paris, ne vaut pas aucun autre à Paris.
Sans le professeur Roger Gbégnonvi rien ne peut prospérer.
Je ne vous ai jamais dit ça, ne déformez pas mes propos. Je vous ai dit que je suis parti de cette université où j’ai étudié et où j’ai enseigné, parce qu’elle ne ressemblait plus à une université. Alors quitte à enseigner, il vaut mieux que j’aille enseigner dans un lycée ou une université qui avait non pas toutes les qualités mais tous les défauts d’un lycée de banlieue et qui se prenait pour une université. J’aime bien que les mots disent bien ce qu’ils veulent dire et je ne veux pas passer mon temps à tromper les gens.
L’aspiranat est-il une bonne méthode dans les universités ?
Oui, c’est une bonne chose parce que je ne sais pas si le Conseil scientifique qui choisit les professeurs, qui étudie leurs dossiers et qui les acceptent ou n’acceptent pas ces dossiers est objectif. J’ai l’impression que non. Je peux me tromper. Peut-être qu’il y a aujourd’hui des agrégés d’histoires à l’université d’Abomey-Calavi, mais le seul agrégé d’histoire que j’ai connu n’a jamais été admis à enseigner dans notre université alors, qu’il a enseigné à l’université Reims en France où il a fait son agrégation. Mais justement parce qu’il était agrégé en histoire et que personne dans cette université n’a eu l’agrégation. Un doctorat c’est vite fait.
Le clientélisme était de mise
le clientélisme était de mise. Vous le dites à l’imparfait. J’aimerais que comme on le dit chez nous votre parole soit « vodoun », et que le clientélisme se conjugue désormais au passé à l’université d’Abomey-Calavi parce que la science n’est pas du clientélisme. C’est de la concurrence, c’est à qui fera la meilleure découverte, c’est à qui écrira le meilleur livre, c’est à qui écrira le meilleur article dans un domaine pointu.
Lorsqu’on vise la suppression de l’élection des recteurs, faut-il applaudir ?
Moi j’ai vécu dans un régime où les recteurs n’étaient pas élus par leurs pairs, ils étaient désignés par l’État, parce que nous sommes de toute façon dans une université de l’État. Les principales universités du Bénin jusqu’à récemment sont des universités d’État. On a commencé par avoir des universités privées il n’y a pas longtemps. Alors, moi je trouvais normal que l’État qui a créé son université nomme les recteurs. Entre temps, nous avons obtenu le droit que le recteur soit élu par ses pairs, ce qui est une très bonne chose et démocratique. Mais vous savez très bien comment tout ça se passe dans notre pays. Le recteur ne sera pas le meilleur, donc on élira un recteur, le meilleur magouilleur, or la science ce n’est quand même pas de la magouille. Diriger une université, ce n’est pas de la magouille.
Il faut opter alors pour une meilleure politique
L’État a eu certainement des raisons, mais il y en a pas plus espion que l’État. Si c’est à court de magouille, si c’est à coup de démagogie, nous n’avons plus qu’à laisser la responsabilité de la magouille et de la démagogie à l’État.
Que recommandez-vous aux acteurs du comité entrant ?
Je ne connais pas les détails des réformes en cours, je vous répète, notre université a besoin des réformes pour répondre enfin des aspects d’université parce que quand moi j’ai étudié dans cette université, s’en était une. Mais si on m’interrogeait je dirais madame la ministre des enseignements supérieur, vous avez bien fait de dénoncer le harcèlement sexuel entre autres, qui fait rage dans une université. C’est très bien, ce harcèlement sexuel existe partout. Il ne faut pas que ça existe au Bénin, il ne faut que ça existe dans notre université.
Les statuts de l’enseignement et de l’étudiant pour vous, doit être vu ?
Oui, puisque j’ai été étudiant dans cette université et que j’ai été pendant 27ans professeur. Il faut que les étudiants et les étudiantes puissent évoluer objectivement. Maintenant pour l’évaluation scientifique des professeurs eux-mêmes ils en ont besoin. Mes jeunes collègues, je les ai vu, je les ai connu et parler avec eux. Ils en ont besoin, mais qui va les aider, c’est ça je ne sais pas.
Propos recueillis par Bienvenue Agbassagan
Régime d’assistant-probatoire dans les universités publiques
Un filtre pour la détection d’enseignants qualifiés
Dans le corps des enseignants figure une catégorie intermédiaire qui détermine l’étoffe du docteur qui a franchi l’étape préliminaire de l’aspiranat : l’assistant-probatoire. Zoom sur Une réforme universitaire qui séduit plus d’un dans sa forme, et dans sa mise œuvre.
Un filtre ou un scanner pour jauger l’aptitude professionnelle du docteur mais aussi pour mettre à l’épreuve sa vocation d’enseigner. Sur une période de 6ans globalement séquencée en deux contrats, l’assistant probatoire est à observer par ses aînés. Il est soumis à une notation à la fin de chaque année universitaire par le département auquel il appartient et par le chef d’établissement. Les éléments de comportement professionnel à prendre en compte pour la notation l’assistant sont : le respect de l’éthique professionnelle, les connaissances professionnelles, la culture générale, l’assiduité et la régularité dans l’exécution des tâches d’enseignement et de recherches. Outre cette exigence, il se doit de monter en grade. A cet effet, il est tenu de se soumettre aux évaluations du Cames pour son inscription sur la liste d’aptitude au grade de Maître-assistant. Lorsqu’à l’expiration du renouvellement de son contrat, il n’a pas pu accéder au corps des Maîtres-assistants, ou de chargé de recherches, il est sorti des effectifs du personnel enseignant des universités publiques du Bénin et mis à disposition du ministère en charge de la Fonction publique avec le bénéfice d’une ancienneté de six (6) ans. L’assistant ayant qualité « d’agent contractuel » de l’Etat car mis en fonction par nomination dans le grade d’assistant, a droit, en dehors de sa rémunération, à une prime de qualification mensuelle non soumise à retenir sur pension et non imposable égale à 30% du salaire indiciaire .
L’assistant est chargé d’encadrer les travaux dirigés, les travaux pratiques et les stages sous la direction des maîtres-assistants, des maîtres de conférences ou des professeurs titulaires; de collaborer avec certains enseignants. En aucun cas, il ne peut dispenser de cours magistraux, ou pour défaut d’enseignants de rang supérieur disponibles. Le cas échéant, l’assistant est placé sous les contrôles du chef de département concerné et du chef d’établissement. Il a au moins 70% des tâches du maître-assistant qui est chargé d’organiser les travaux dirigés, les travaux pratiques et les stages pour la direction des Maîtres de Conférence et de professeurs titulaires ; de dispenser des enseignements magistraux sous le contrôle des maîtres de conférences et des professeurs titulaires ; de diriger un laboratoire en l’absence d’un Maître de Conférence ; de participer à l’encadrement et à la promotion scientifique et académique des assistants.
L’assistant-probatoire n’a pas de poste de responsabilité
En dehors des Maîtres de conférences et Professeurs titulaires, seul le maître- assistant peut être élu ou nommé à un poste de responsabilité au sein d’une université, d’un établissement de formation et de recherche, d’un laboratoire, d’un institut ou centre de recherche, dans le respect des textes en vigueurs. La nomination dans le corps de Maîtres-assistants donne droit à une prime de qualification mensuelle non soumise à retenir pour pension et non imposable égale à 40% de salaire indiciaire. Elle donne droit aussi à une indemnité mensuelle d’expertise pour des tâches d’encadrement pédagogique et scientifique non soumise à retenu pour pension ou non imposable. Le taux et les modalités d’attribution de cette indemnité sont fixés par arrêté interministériel pris par les ministres chargés de l’Enseignement supérieur, de la Fonction publique et des Finances.
B. A