Les Violences basées sur le genre deviennent très récurrentes au Bénin. C’est un phénomène dont les chiffres laissent perplexe et montrent que le phénomène a évolué tant dans son ampleur que dans ses manifestations. Pour réduire ses affres, les gouvernants et les acteurs intervenant dans la lutte contre ce mal qui a la peau dure ont adopté la formule : sensibiliser, dénoncer et sanctionner.
D’après le livret sur les indicateurs de genre au Bénin 2015 à 2020 de la direction des statistiques démographiques et sociales, la violence basée sur le genre est définie comme une menace ou l’utilisation intentionnelle de la force physique ou du pouvoir contre soi-même, contre autrui qui entraîne ou risque fortement d’entraîner un traumatisme, un décès, des dommages psychologiques, un mal développement ou des privations. Les Violences basées sur le genre (Vbg) ont été reconnues comme un phénomène traduisant des rapports de force historiquement inégaux entre hommes et femmes, aboutissant à la domination et à une discrimination exercée souvent, par les premiers sur les secondes. Ces violences freinent particulièrement la promotion des femmes et portent atteintes à leurs libertés fondamentales. Elles empêchent partiellement ou totalement, les femmes et filles, qui en sont victimes et qui ne sont pas suffisamment protégées, de jouir de leurs droits.
Au Bénin des raisons socio-démographiques et socioculturelles pourraient justifier les violences basées sur le genre. Selon l’avis de plusieurs consultants l’âge, le niveau d’instruction, l’appartenance ethnique, la religion, le milieu de résidence, le département et le statut dans le ménage ont chacun, un effet propre dans les risques de Vbg chez les enfants âgés de 3 ans ou plus au Bénin. Les adolescents et jeunes (10-24 ans), les personnes sans instruction, les adeptes de la religion, les épouses, époux des chefs de ménage, les enfants du chef de ménage et dans une certaine mesure les parents du chef de ménage et les autres membres du ménage courent plus de risque de connaître les violences basées sur le genre. Les risques de Vbg sont aussi plus élevés en milieu rural, notamment dans les départements de l’Alibori, l’Atacora, la Donga et dans le Zou ».
Les violences sous diverses formes
Selon le socio-anthropologue Hyacinthe Dètondé qui rapporte les résultats d’une récente étude note que dans certaines communes des cas de violences relatives à l’exploitation ou traite des femmes et des enfants. C’est le cas des communes de Kandi, de Dassa-Zoumè et d’Aplahoué où les femmes sont exploitées pour des activités champêtres. En plus des femmes, ce sont les enfants qui sont exploités dans les champs par les parents à Dassa-Zoumé. Ces derniers font l’objet de traite à Tchaourou et à Cotonou. A Djidja, les enfants sont à la disposition quasi permanente des parents qui les exploitent pour les activités champêtres. Les femmes sont entièrement soumises aux hommes qui les exploitent pour avoir les revenus nécessaires aux cérémonies fétichistes. Dans les zones rurales où l’agriculture est pratiquée telles que Kandi, Dassa-Zoumè, Tchaourou et Djidja, les femmes et les enfants sont utilisés dans les champs comme main-d’œuvre par les chefs de ménage qui empochent la totalité de leur revenu agricole. Les enfants sont enrôlés dans des activités champêtres au détriment de l’école. A Cotonou, les enfants sont exploités comme aides domestiques ou aides économiques et victimes de sévices corporelles à longueur de journée. Ils ne font l’objet d’aucun soin de la part de leurs « propriétaires » qui ne pensent qu’à tirer profit d’eux.
Pratiques traditionnelles néfastes
En ce qui concerne les pratiques traditionnelles néfastes, le cas de Djidja à en croire l’expert est singulier. En effet, dans cette commune, la quasi-totalité des filles et des femmes sont systématiquement adeptes des fétiches. Ces dernières passent des moments relativement longs allant jusqu’à six mois dans les couvents dans des conditions hygiéniques qui laissent à désirer. Pendant leur séjour dans les couvents, elles n’auraient pas le droit de faire quelque toilette que ce soit. « La jeune fille, pendant sa mise au couvent, qui dure six (6) mois au moins, ne doit pas se laver ni faire la lessive. Si éventuellement il lui plaisait de se laver, ce n’est qu’avec du sable et jamais avec de l’eau. Cette dernière ne porte durant toute la période qu’un petit tissu qui la couvre de la hanche jusqu’au genou, le torse nu.
Pour sa sortie du couvent, elle subit le rite « du lavage public » qui impose à l’adepte de se mettre nue, à l’intérieur d’un cercle de spectateurs et sous l’égide des chefs féticheurs. Ce n’est qu’après cette cérémonie qu’elle est autorisée à porter une tenue ordinaire ». Il faut y ajouter, toujours pour le compte de la commune de Djidja, le mariage forcé, les pratiques de charlatanisme et de sorcellerie et l’organisation périodique de cérémonies ruineuses qui les dépouillent de leurs biens économiques.
Freins à la lutte contre les violences faites aux femmes
Il y a de nombreux freins. Il s’agit notamment des normes sociales et culturelles conservatrices qui sont basées sur des conceptions patriarcales et sexistes qui confèrent une légitimation à la violence afin d’assurer la domination et la supériorité des hommes. À titre d’exemple, il y a le principe culturel qui place la famille sous l’autorité masculine. Les freins à la lutte contre les violences faites aux femmes sont essentiellement liés au complexe de supériorité des hommes, au non-respect des engagements, à la réticence des maris à la participation des femmes aux activités génératrices de revenus dans certains milieux, au complexe d’infériorité des femmes par rapport aux hommes, à la résistance des époux, à l’analphabétisme, aux conflits de rôles, à la lenteur administrative et parfois à la non implication des dignitaires, la divergence des religions et aux conditions difficiles de la plupart des femmes. Si les hommes ne trouvent pas leur intérêt, ils constituent des entraves à la lutte contre les violences basées sur le genre. En dehors de tout ceci, il y a également des faiblesses du système judiciaire qui fait face à des défis importants dans la lutte contre les violences faites aux femmes. Les poursuites peuvent être lentes, inégales et parfois marquées par des pratiques discriminatoires. Certaines victimes rencontrent des difficultés pour obtenir des preuves suffisantes ou pour surmonter la réticence de certaines autorités judiciaires à traiter ces cas de manière rigoureuse. La lenteur du système judiciaire décourage les victimes de porter plainte ce qui banalise et perpétue la violence.
Enfin, au manque de ressources économiques, qui rend les femmes particulièrement vulnérables à la violence, s’ajoute à une insuffisance de sensibilisation et de formation sur les droits des femmes au sein de la population. Cette carence touche également les juges et les forces de l’ordre, qui, dans leur grande majorité, ne disposent pas des outils nécessaires pour identifier et traiter efficacement les cas de violences faites aux femmes.
16 jours d’activisme contre les violences basées sur le genre
Les 16 jours d’activisme contre les violences faites aux femmes ont le mérite de rappeler annuellement aux responsables leurs obligations et de sensibiliser et informer la population que la Violence faite aux femmes a des effets multidimensionnels sur les victimes, leurs familles, la société et l’économie dans son ensemble. Disons que les 16 jours d’activisme sont des rappels ponctuels pour la mise en place d’un cadre juridique et institutionnel ainsi que des mécanismes de recours pour protéger toutes les femmes contre tous les types de violence. Pour avoir un impact réel et effectif sur les mentalités, il faut mettre en place une politique globale avec des mesures qui ciblent tous les canaux de transmission des préjugés et stéréotypes sexistes et qui promeuvent la culture de l’égalité et de la non-discrimination à travers tous les canaux éducatifs et médiatiques et toutes les institutions de socialisation.
Sergino Lokossou