Je ne parlerai du passé que pour en retenir les leçons essentielles.
Ce qui m’importe en effet, c’est l’avenir; ce sont les perspectives que nous tracerons, conscients que le contexte demeure difficile; conscients que nos concurrents sont aux aguets, plus outillés que jamais; conscients enfin que la période qui s’ouvre au lendemain de ce 5ème congrès, est une période de compétition préélectorale, puis électorale ; nous n’aurons donc pas de répit au sortir de ce congrès». Ces propos sont extraits du discours de Me Adrien Houngbédji, lors du congrès ordinaire de son parti, le Prd, le weekend écoulé à Porto-Novo. On y comprend que le patron des Tchoco-Tchoco prépare sa troupe à de nouvelles batailles politiques. On lit simplement que très prochainement, le parti se lancera dans des actions de reconquête du terrain. Une annonce qui suscite donc des réflexions au sein de l’opinion publique.
A la mouvance présidentielle, le Parti du renouveau démocratique (Prd) est comme un enfant placé. Point n’est besoin de démontrer qu’il s’est agrippé à un régime préparé, conçu et bâti par d’autres acteurs. Inutile de rappeler qu’il a demandé et obtenu une place aux côtés de ceux qui ont bataillé dur pour conquérir le pouvoir en 2016 face à des adversaires dont il a été l’un des plus grands soutiens. Et donc, quoi qu’on dise aujourd’hui, il ne peut pas réclamer les mêmes droits que les autres, réunis essentiellement aujourd’hui, au sein des partis Union progressiste (Up) et Bloc républicain (Br). Mais, a-t-il le droit de rêver comme ses tuteurs, annonçant son intention de travailler pour gagner des combats politiques sur le même terrain qu’eux ?
Les responsables du Parti du renouveau démocratique semblent ne pas voir la chose sous cet angle. Leur objectif est de se relever et de se repositionner. « La Remontada n’est pas une incantation magique ; encore moins une fatalité. C’est une dynamique au service d’une conviction ; une dynamique propulsée dans l’action après l’analyse et la réflexion », a martelé Adrien Houngbédji dans son discours à l’ouverture du congrès, un peu comme pour dire à ses adversaires qui ne sont rien d’autre que ses tuteurs actuels, qu’il ne leur fera aucun cadeau lors des prochaines consultations électorales. Plus étonnant, c’est que Houngbédji entend mener la lutte « Pour reprendre sur l’échiquier politique et dans les institutions les places » qui reviennent au Prd. Il faut comprendre simplement qu’il parle des élections législatives de 2023. Le Prd veut retourner à l’Assemblée nationale.
Rêves en couleurs
Ce discours de Me Adrien Houngbédji suscite des questionnements d’autant plus que l’absence de son parti à l’actuelle législature (ce qui n’avait jamais été le cas depuis 1991) est due aux réformes politiques opérées par le régime en place. Faut-il le rappeler, il était le président de l’Assemblée nationale au moment où les lois en question étaient votées. Si le parti a pu être dégagé de ses propres fiefs électoraux, par quelle magie Houngbédji pense-t-il réussir la remontada dont il parle avec assurance dans son discours, alors que les adversaires ont totalement occupé le terrain? Même si en 2019, on estime que l’absence du parti aux élections pourrait expliquer la situation, on a eu quand même les consultations de 2020 qui ont confirmé la prise effective des fiefs du Prd.
« Nous le voulons parce que nous le pouvons ; forts de notre cohésion ; forts de notre capacité de travail ». Adrien Houngbédji est apparu serein dans son message. Est-ce une stratégie de communication pour garder mobilisés, les quelques militants qui restent ou alors il compte vraiment sur un miracle ?
Sinon, on connait bien la capacité de ratissage des partis (Br et Up) au pouvoir. On sait que dans leur vision, il ne sera pas question de s’affaiblir au point de laisser un adversaire, fut-il un allié, venir leur ravir la vedette. Lequel des partis accepterait perdre des élus dans les circonscriptions électorales au profit du Prd ? Quels moyens ne seront-ils pas utilisés pour maintenir le cap ?
Le combat semble s’annoncer dur ; mais le doute que l’enfant placé viendra combattre avec succès ses tuteurs, persiste. Peut-être même que cet enfant sera affaibli avant le début du combat. Et c’est sûr que cette fois-ci, il ne lui sera plus accordé aucune faveur.
Pour dire vrai, Adrien Houngbédji fait des annonces utopiques. Il sera difficile pour son parti, dans le contexte actuel, de reconquérir sa place au sein des Institutions. Pour y arriver, il lui faudra trouver des arguments contre le régime en place. Il lui faudra démontrer que les partis Up et Br gèrent mal l’Assemblée nationale pour pouvoir réussir à avoir l’adhésion des populations. Quelle démonstration pourrait-il faire alors que les cadres du parti sont au gouvernement, à la Présidence de la République et ailleurs ?
Sans penser, comme beaucoup d’autres, que le parti est dans la logique de se battre pour survivre, il faut comprendre que le chef tient le discours qu’il faut pour donner envie à ceux qui l’entourent de toujours espérer, quelles que soient les difficultés.
Abdourhamane Touré