Les propos du président Patrice Talon sur la réduction du droit de grève lors de la Rencontre des entrepreneurs de France (Ref), continuent d’agiter le monde syndical et une partie de l’opinion publique. Or, le bien-fondé de la mesure n’est plus à démontrer, quand on sait que la voie du développement passe nécessairement par là.
Sans doute que le chef de l’Etat, connaissant la posture pondérée et très réfléchie qui le caractérise, n’avait pas voulu braquer le monde syndical béninois lors de son intervention à la rencontre organisée par les entrepreneurs français la semaine dernière. Au contraire, il était probablement mû par la volonté de convaincre son auditoire et l’amener à investir dans son pays. Malheureusement, dans la brèche ouverte par ses propos, beaucoup se sont engouffrés à tort ou à raison. La polémique entretenue depuis lors n’a réellement pas sa raison d’être. Car pour peu qu’on ne soit pas motivé par de mauvaises intentions, il semble que l’objectif visé par le chantre de la Rupture est clair : en réduisant le droit de grève aux secteurs vitaux, il s’agissait pour le gouvernement de préserver d’abord l’intérêt général dans un pays en reconstruction. Au détriment des privilèges de quelques-uns. D’où ces propos de Patrice Talon : « Nous avons entrepris des réformes difficiles. Des réformes qui ont abouti à des mesures qui ont touché les secteurs vitaux du pays, avec la suppression et la restriction du droit de grève. Désormais au Bénin, la grève est interdite dans les secteurs vitaux comme la Santé, la Police, les pompiers et tout ce qui concourt à la survie des concitoyens. Dans les autres secteurs, la grève est limitée à deux jours maximum par mois et dix jours par an ». Ces quelques mots ont provoqué l’ire. Les leaders syndicaux ont enfourché le glaive. Dans la journée d’hier, un syndicaliste en a profité pour menacer d’aller en grève dans les jours à venir. D’autres ont fait recours à une jurisprudence de l’Organisation internationale du travail de 2019 pour revendiquer des droits.
Vaincre la pauvreté
Plus musclée est la réaction d’un autre leader syndical qui déclare : « Lorsque vous décidez d’empêcher les gens de s’exprimer alors que vous savez qu’ils ont des problèmes, c’est que vous n’aviez pas la bonne solution ». Il ajoute sur la page Facebook de son syndicat : « Les travailleurs béninois ne sont pas des apatrides infantiles qu’il faut discipliner. Le gouvernement devrait aller à l’école des pays où l’apaisement social a été obtenu non pas en déchirant la législation du travail mais en respectant les engagements vis-à-vis des travailleurs.
Soit! Mais c’est sans compter avec les excès qu’ont provoqués au Bénin dans un passé récent les grèves perlées. Avec comme corollaires, les nombreux morts inutiles enregistré dans les hôpitaux, la paralysie de l’école et de l’administration publique pendant de longs mois, et beaucoup d’autres affres qu’il n’est vraiment plus nécessaire de ressasser tout le temps. Certes, le droit de grève est un droit inaliénable du travailleur. Nul ne peut le remettre en cause, car c’est un droit acquis au prix de nombreuses luttes et d’énormes sacrifices. Sauf qu’il faut en faire un usage modéré, plutôt qu’un moyen de pression politique. Pour peu que ce soit vraiment le développement et l’amélioration des conditions de vie et de travail qui préoccupe le plus grand nombre, on peut donc baisser les prétentions en matière de droit de grève. Surtout dans un contexte de sous-développement comme le nôtre. D’ ailleurs, c’est cet aspect de l’intervention du président Talon qui faut davantage faire ressortir. « Le droit de travail que nous avons fait au Bénin ne peut se faire en France, puisque cela ne serait pas acceptable. Mais au Bénin, c’est devenu important, vital, primordial. Sinon, ce pays restera éternellement dans la pauvreté », a-t-il déclaré.
Jean-Paul Mahugnon