Certaines autorités administratives ont du mal à faire libérer les espaces publics illégalement occupés par des commerçants et autres artisans. Des trottoirs d’anciennes et de nouvelles voies aménagées restent encore occupés, malgré cette opération déclenchée pour permettre aux villes de rayonner, conformément à la vision du Gouvernement qui a investi plusieurs milliards de francs cfa à cet effet. Votre quotidien Le Matinal a fait le constat pour vous dans les principales villes du Couffo, de l’Alibori, de l’Atacora, l’Atlantique et de l’Ouémé.
C’est une rude épreuve pour les préfets des départements et les maires de certaines villes. Pendant qu’à Cotonou et Calavi, les forces de l’ordre sont presque réquisitionnées pour faire libérer les espaces publics, le moteur des autres localités traine encore. Toutes les autorités que nous avons rencontrées ou contactées se sont montrées déterminées et engagées à réussir l’opération, même si le constat dans leurs localités respectives ne rassure pas. Dans le département de l’Ouémé, la ville phare, capitale du Bénin semble ne pas être encore prête. Le Maire est encore à l’étape de communiqué pour sensibiliser les populations à l’effet de vider les espaces publics occupés illégalement. Le ton et la forme du communiqué laissent croire que les occupants n’ont rien à craindre. Marie Akpotrossou contactée au téléphone a rassuré qu’elle a déjà donné des instructions aux Maires et qu’à coup sûr, les espaces seront dégagés.
A Abomey-Calavi, les efforts du Maire semblent être vains. Nos équipes ont sillonné, lundi, des artères de Godomey et Calavi-centre pour constater malheureusement le retour de certains occupants dégagés.
Dieudonné Mégninou, le Directeur des Services Techniques de la Mairie d’Abomey-Calavi, contacté, a confié que la libération des espaces publics est devenue une tâche permanente pour le Maire et ses équipes : « Chaque jour, nous déployons des équipes pour faire observer cette mesure. Ceux qui reviennent courent de gros risques ». Pour lui, pas question de reculer devant les récidivistes. Abomey-Calavi mettra tout en œuvre pour que cesse cette pagaille. A Natitingou, le Maire se plaint de ses administrés : « Il y a certains récalcitrants qui, malgré ces opérations de déguerpissement et de libération des trottoirs de ces voies construites à grands frais, se retournent toujours pour occuper ces espaces. Mais, on ne va pas baisser les bras », a confié le Maire Taté Ouindéyama à notre correspondant. Le Préfet de l’Atacora, a d’ailleurs annoncé qu’elle se verra obligée de prendre ses responsabilités.
Dans le département de l’Alibori, aucune action n’est en cours. Le Préfet Ahmed Bello Ky-Samah s’est plaint de l’attitude ses élus qui hésitent à agir simplement parce qu’ils ne veulent pas piétiner leurs électeurs : « Chaque fois, les élus des communes, qui devraient être le fer de lance de cette initiative sont un peu frileux parce que nul ne veut froisser la susceptibilité des électeurs ». Mais, il a promis d’agir : « Dès mon arrivée à la tête du département de l’Alibori, j’ai déjà pris langue avec certains élus pour voir ce qu’il y a lieu de faire. Nous devons passer par une campagne de sensibilisation intense pour ce qui concerne l’Alibori. Je pense que les dispositions sont en train d’être prises pour que cette campagne de sensibilisation puisse commencer, surtout à Kandi. La ville de Kandi ne devrait pas avoir l’allure d’une campagne. Quand on voit l’état dans lequel se trouve la ville, il faut qu’on retrousse les manches pour travailler dans une complicité positive avec la mairie de Kandi. Par le passé, des initiatives ont été déjà prises, mais les résultats n’ont pas été probants ».
Dans le département du Couffo, le Préfet Christophe Megbédji joint par téléphone, a dit avoir déjà donné les instructions aux Maires et attend avant de lancer l’assaut comme il en a l’habitude. « C’est normalement une tâche permanente des maires. Quand ils ne le font pas, on se substitue à eux », dira-t-il pour indiquer qu’il prend les dispositions pour déployer les moyens nécessaires au cas où ils ne vont pas s’exécuter. Christophe Mégbédji avait d’ailleurs l’habitude des opérations de libération des trottoirs depuis qu’il est à la tête du Couffo. On l’a vu conduire des opérations du genre dans le marché international Azovè, malgré les cris de détresse des populations.
Félicien Fangnon
Taté Ouindéyama, maire de Natitingou
Il y a une phase qui est programmée à partir de ce lundi et qui consistera à nettoyer complètement et à renvoyer systématiquement tous les occupants de ces trottoirs publics. Et puisque force doit rester à la loi, je crois que nous avons des forces publiques, nous allons passer par ces forces là et nous allons commencer par ramasser leurs marchandises et installations. D’abord à partir de lundi, nous allons passer à cette étape et conduire ces marchandises, tout ce qu’ils vendent au commissariat et procéder à la verbalisation de ceux qui auront occupé de façon illégale ces espaces publics.
Je crois que pour ces occupations les textes existent n’est-ce pas pour contraindre ces récalcitrants à quitter complètement les lieux. Je crois que nous n’allons pas baisser les bras. En occupant ces trottoirs, non seulement ils les détériorent mais aussi tout ce qui a été fait se détruit et cela laisse une très mauvaise image pour notre ville. Donc, nous n’avons pas de choix. Nous leur demandons de libérer ces endroits qu’ils occupent parce que ces constructions ne signifient pas qu’on a construit une boutique à quelqu’un ou un espace de vente de ses marchandises.
Souroukou Marc Didier, mécanicien-revendeur d’essence frelatée
dans la ville de Natitingou
Le déguerpissement, d’accord. Mais, nous ne savons pas où aller. Je suis mécanicien de profession et je ne sais pas quoi faire d’autre. Je suis en train de me débrouiller avec de l’essence que je vends pour nourrir ma famille. Si les autorités peuvent nous organiser mieux, vraiment ça nous fera plaisir. Ils n’ont qu’à faire quelque chose pour nous qui avons appris un métier. On n’est pas des fonctionnaires. On se bat pour trouver quelque part où on peut rester et vendre pour s’en sortir et nourrir notre famille afin de ne pas chômer et devenir des bandits demain. Donc, si les gens peuvent réfléchir à ça, ça nous fera plaisir. Aussi, les forces de l’ordre que les autorités envoient sur le terrain, ils en font de trop.
Propos recueillis par Hervé M. Yotto (Br Atacora-Donga)
Usager de la route à Godomey (Abomey-Calavi)
« On était déjà là bien avant la construction des routes. La population a été avertie plusieurs fois de suite. Les médias en ont beaucoup parlé. Même les forces de l’ordre ont averti à plusieurs reprises. Mais, comprenez avec moi que la population est comme un enfant, c’est ce qu’on lui refuse qu’elle fait. Avant, on ne pouvait même pas marcher sur les trottoirs qui sont destinées normalement aux piétons puisque la population avait occupé anarchiquement ces espaces. Il y avait beaucoup de cas d’accident. Deux personnes ne pouvaient pas se tenir la main et marcher normalement à cause des trottoirs qui sont occupés. Mais après le déguerpissement, les gens ont la liberté de circuler et ce en sécurité. Je pense que c’est une bonne initiative que le gouvernement a prise. Grâce à cette initiative, la sécurité s’est installée ».
Propos recueillis par Erica Anagonou et Cherifath Dansou (Stag)
Ahmed Bello Ky-Samah, préfet de l’Alibori
« La phase de sensibilisation est en train de démarrer. C’est un travail de longue haleine. On ne doit pas se décourager. Au niveau de l’Alibori, il y a des spécificités. Mais, nous n’allons pas faire quelque chose qui ne sera pas conforme à ce qui se fait ailleurs. On s’inscrit dans la logique de ce qui se fait dans les autres départements.
Au niveau du département de l’Alibori, à l’échelle de nos priorités, le déguerpissement figure au premier plan. Ce n’est pas seulement au niveau de Kandi, le chef-lieu du département, mais au niveau des chefs-lieux des communes de l’Alibori. En dehors de Kandi, chef-lieu du département, on a le centre-ville de Banikoara, et de Malanville.
Par le passé, des initiatives ont été prises, mais les résultats n’ont pas été probants. Je pense qu’à l’occasion des perspectives qui s’annoncent pour Kandi, nous devons travailler ensemble. On a le projet asphaltage qui va bientôt impacter la ville de Kandi. On a aussi le réaménagement de la route inter-Etat qui traverse Kandi vers Malanville qui est déjà en réaménagement.
Donc, on devrait se saisir de ces opportunités pour appeler les populations à leurs devoirs. Par la sensibilisation, on peut déjà les préparer à ce qui adviendra sous peu. Des réunions, au niveau des arrondissements, sont prévues à cet effet»..
Les chantiers sont nombreux pour le Préfet
« Il y a d’autres problèmes qui se posent, notamment des comportements d’incivisme de jeunes à moto qui transgressent toutes les normes requises. Il y a aussi la pollution acoustique au niveau des bars dancing. C’est tout un ensemble de problème que nous voulons régler, conjointement avec la Mairie.
La préfecture sera aux côtés des Mairies. On est en train de mettre sur pied un dispositif très cohérent. D’ici peu, vous allez sentir l’impact de nos actions. Comme je l’ai dit, il faut de la pédagogie: sensibiliser, puisque les gens n’ont pas cette culture-là. Faire en sorte que les gens puissent comprendre que ces opérations seront déclenchées sous peu, et que c’est surtout dans leur intérêt. C’est des questions d’assainissement, des questions de salubrité. Surtout à Kandi, il faudrait que les gens se rendent compte qu’ils sont dans un chef-lieu de département et qu’un chef-lieu de département est habileté à bénéficier de grands travaux.
Il y a d’autres choses que le Gouvernement a prévues pour Kandi et au niveau du département. Il faut qu’on les prépare psychologiquement à accueillir ces infrastructures. D’ici peu, on aura également une cité administrative. Il faut qu’on essaie d’anticiper sur l’éducation citoyenne des gens ».
Propos recueillis par Blaise Tampounhouro, Br Borgou/Alibori