La séparation des pouvoirs est un principe sacro-saint dans un système démocratique. A la lecture des textes de lois sur les attributions de la Police judiciaire, il se dégage sans ambages que sa mission relève en partie du Ministère de la justice, mais qu’elle demeure sous la tutelle paradoxale du Ministère de l’intérieur qui est en lien direct avec le pouvoir Exécutif. Le Bénin, en osant aller dans un processus de rattachement, prend ainsi la voie d’une véritable séparation des pouvoirs.
L’option de rattacher la Police judiciaire au Ministère de la justice doit être analysée avec pertinence. Au regard des débats suscités par le sujet dans d’autres Etats, le gouvernement béninois, en faisant cette proposition, aurait préféré anticiper sur les dérives qui émanent du maintien de la Police judicaire sous la tutelle du Ministère de l’intérieur. Perceptiblement, l’on ne retrouve pas encore les interférences du Ministère de l’intérieur, pouvoir Exécutif dans les attributions du pouvoir judiciaire. Mais le risque est grand. En effet, l’article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme dispose : « toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ».
Les dispositions imposant le rattachement
Techniquement, laisser la Police judiciaire aux mains du Ministère de l’intérieur signifie indirectement que ce texte universel n’est pas respecté. Plusieurs dispositions du Code de procédure pénale énoncent que le ministère public dirige, contrôle et surveille la Police judiciaire qui pourtant relève du Ministère de l’intérieur. A l’idée de se convaincre de cette réalité législative, il faut mettre en exergue les articles 14 et suivants du Code de procédure pénale béninois. Les officiers de Police judiciaire ne peuvent exercer effectivement les attributions attachées à leur qualité, ni se prévaloir de cette qualité que s’ils sont affectés à un emploi comportant cet exercice et en vertu d’une décision du procureur général près la Cour d’appel les y habilitant personnellement. Les conditions d’octroi, de retrait et de suspension de l’habilitation prévue par le présent article sont fixées par arrêté conjoint du ministre de la Justice et des ministres intéressés. Tout retrait d’habilitation doit être notifié aux autres parquets généraux. Ils ne peuvent être habilités à exercer effectivement les attributions attachées à leur qualité, que lorsqu’ils sont affectés à un emploi comportant lesdites attributions. Pour chaque fonctionnaire affecté à un tel emploi, une demande d’habilitation est adressée, par le supérieur hiérarchique de la structure à laquelle appartient ce fonctionnaire, au procureur général près la Cour d’appel dans le ressort de laquelle se trouve le siège des fonctions de l’officier de Police judiciaire intéressé. La demande doit préciser la nature de la fonction confiée à l’officier de Police judiciaire et les limites territoriales dans lesquelles il est appelé à exercer ses fonctions habituelles. Lorsque l’officier de Police judiciaire est appelé à exercer lesdites fonctions sur tout le territoire national, la demande est adressée par les directeurs généraux de la Police ou de la Gendarmerie au procureur général près la Cour d’appel de Cotonou. Le procureur général accorde ou refuse l’habilitation. Les officiers de Police judiciaire exercent les pouvoirs définis à l’article 14 du présent Code. Ils reçoivent les plaintes et dénonciations ; ils procèdent à des enquêtes préliminaires dans les conditions prévues par les articles 76 à 78 du présent Code. En cas de crime et délit flagrants, ils exercent les pouvoirs qui leur sont conférés par les articles 47 à 74 du présent Code. Ils ont le droit de requérir directement le concours de la force publique pour l’exécution de leur mission. Les officiers de Police judiciaire ont compétence dans les limites territoriales où ils exercent leurs fonctions habituelles. Toutefois, les officiers de la Gendarmerie et les gendarmes officiers de Police judiciaire peuvent, en cas d’urgence, opérer sur toute l’étendue du ressort du Tribunal de première instance auquel ils sont rattachés. Dans toute Commune divisée en arrondissements de Police, les commissaires et inspecteurs de Police exerçant leurs fonctions dans l’un d’eux ont néanmoins compétence sur toute l’étendue de la Commune. Les officiers de police judiciaire peuvent, en cas de crime ou délit flagrant, se transporter dans tout le ressort du tribunal ou des tribunaux de première instance où ils exercent leurs fonctions, ainsi que dans le ressort des tribunaux limitrophes, à l’effet d’y poursuivre leurs investigations et de procéder à des auditions, perquisitions et saisies. En cas de nécessité, les officiers de Police judiciaire peuvent, sur commission rogatoire expresse du juge d’instruction ou sur réquisitions du procureur de la République prises au cours d’une enquête de crime ou délit flagrant, procéder aux opérations prescrites par ces magistrats sur toute l’étendue du territoire national ; ils doivent requérir l’assistance d’un officier de Police judiciaire exerçant ses fonctions dans la Commune intéressée. Le procureur de la République territorialement compétent est immédiatement informé par le magistrat ayant prescrit ces opérations. Les officiers de Police judiciaire sont tenus d’informer, sans délai, le procureur de la République des crimes, délits et contraventions dont ils ont connaissance. Dès la clôture de leurs opérations, ils doivent lui faire parvenir directement l’original ainsi qu’une copie certifiée conforme des procès-verbaux qu’ils ont dressés, tous actes et documents y relatifs lui sont en même temps adressés. Les objets saisis sont mis à sa disposition. Les procès-verbaux doivent énoncer à peine de nullité absolue, la qualité d’officier de Police judiciaire de leur rédacteur. Les officiers de Police judiciaire responsables d’unité de Police ou de brigade de Gendarmerie adressent des états mensuels au procureur de la République de leur ressort. Ces états font le point des dossiers et autres « soit transmis » au niveau des unités concernées. Tout officier de Police judiciaire en service dans une unité des forces de sécurité publique fait l’objet, de la part du procureur de la République de son ressort, d’une appréciation exprimant sa valeur professionnelle dans l’exercice de ses fonctions d’officier de Police judiciaire. Cette appréciation est suivie d’une note chiffrée prise en compte pour moitié dans la note finale de l’intéressé. Toute note en dessous de la moyenne doit être accompagnée d’un rapport écrit du procureur de la République. Celle supérieure ou égale à huit sur dix (8/10) doit être justifiée par une observation écrite. A cet effet, l’officier de Police judiciaire adresse, par voie hiérarchique, au procureur de la République, son bulletin annuel de note au plus tard le 30 novembre. La notation est établie par le procureur général après consultation, le cas échéant, du président de la chambre d’accusation. La notation, par le procureur général de l’officier de police judiciaire habilité, est prise en compte pour toute décision d’avancement. Le procureur de la République établit chaque année et transmet au procureur général, pour chacun des fonctionnaires visés au présent article et exerçant dans son ressort, une proposition de notation. Les manquements des officiers ou des agents supérieurs de Police judiciaire, pris en cette qualité, à leurs obligations prévues au présent Code peuvent donner lieu de la part du procureur de la République de leur ressort, à un avertissement ou à un blâme avec inscription au dossier sous le contrôle du procureur général, sans préjudice des mesures prévues à l’article 246 du présent Code. Tout refus d’un officier de Police judiciaire de déférer à une sollicitation d’une autorité judiciaire est passible d’une peine d’amende de cinquante mille (50 000) à cinq cent mille (500 000) francs. Cette peine est prononcée sur réquisition du ministère public par le Président du tribunal ou le magistrat par lui délégué. Lorsqu’une sanction est prononcée, le procureur de la République en informe les autorités du trésor public ainsi que le supérieur hiérarchique de l’agent concerné.
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