L’Organisation régionale des interprofessions de coton des Etats membres de l’Uemoa (Oric-Uemoa) a vu le jour à Abidjan ce mois de mars. Elu président de la plateforme de réflexion et d’actions sur les problèmes sensibles liés à l’amélioration de la production cotonnière dans la sous-région à l’issue des travaux de l’Assemblée générale, Mathieu Adjovi, président de l’Association interprofession du coton du Bénin (Aic), revient ici sur les raisons qui fondent la création de l’Oric-Uemoa, les missions assignées à l’organisation et les premiers chantiers qui seront abordés. Il en profite pour dévoiler le gain de cette plateforme pour les acteurs de la filière coton. Lire son entretien.
Le Matinal : Monsieur le président, dites-nous le contexte dans lequel est né l’Oric-Uemoa ?
Mathieu Adjovi : Du 20 au 22 mars 2023, les interprofessions ouest africaines des pays membres de l’Uemoa se sont retrouvées à Abidjan pour créer une plateforme commune de réflexion et d’actions sur les problèmes sensibles liés à l’amélioration de la production cotonnière dans la sous-région. Elle est nommée Organisation régionale des interprofessions de coton des Etats membres de l’Uemoa (Oric-Uemoa). Nous avons tenté d’examiner à cet effet les statuts et règlements intérieurs de cette organisation. Il faut souligner que c’est sous l’égide de la commission de l’Uemoa que nous avons préparé et réussi cette organisation.
Quelles sont les missions assignées à l’organisation ?
Mon élection comme président de l’interprofession régionale est un principe que nous avons retenu. Les pays membres de l’organisation doivent porter la présidence par ordre alphabétique. Au départ, ce sont quatre pays de l’Uemoa qui sont membres fondateurs de l’organisation, c’est-à-dire le Bénin, le Burkina Faso, le Mali et la Côte d’Ivoire. Nous attendons le Sénégal et le Togo. La Guinée Bissau n’étant pas réellement producteur de coton, n’est pas tellement associée pour l’instant.
Donc ce sont ces quatre pays qui étaient présents à l’Assemblée générale et qui ont décidé d’élire le président de l’organisation par ordre alphabétique. Le Bénin a été désigné au départ comme pays devant préparer l’assemblée générale constitutive. C’est le Bénin qui a rédigé les projets de textes, envoyés à tous les autres Etats. Donc les confrères ont trouvé, naturellement bon que ce soit le Bénin qui préside la première présidence, en plus du critère de la lettre alphabétique. Donc voilà pourquoi le Bénin a été choisi pour présider l’organisation pendant trois ans. Il va de soi que dans les principes que nous avons retenus, ce n’est pas l’homme que je suis qui est désigné, mais le pays. Donc c’est le pays qui porte la présidence et non les individus. Le Bénin occupe la présidence, le Burkina Faso la vice-présidence, le Mali le secrétariat général et la Côte d’Ivoire la trésorerie générale. Nous avons un commissariat aux comptes, qui va jouer le rôle de contrôleur de gestion, confié au Burkina Faso et au Bénin, aussi pour un mandat de trois ans comme le bureau exécutif.
La mission de l’organisation, c’est de mutualiser les expériences acquises par chaque interprofession nationale afin de leur permettre de profiter de ce que chacune a pu faire de bien pour l’amélioration de la productivité débouchant sur une meilleure production cotonnière dans les pays membres de l’Uemoa. Il y a aussi la nécessité de renforcer les capacités en appui conseils des producteurs. Au niveau de la recherche, réfléchir à l’amélioration de tout ce qui concerne la semence. Il a des structures qui travaillent déjà pour ça. Mais les interprofessions sont appelées à aider à fédérer tous ces efforts afin d’en tirer le meilleur profit.
Il y a également la qualité du coton ouest africain qui préoccupe les Etats. Comment faire pour avoir une meilleure qualité et mieux vendre le coton à l’international. Avoir un label compétitif sur le marché international, apprécié par les demandeurs de la fibre ouest africaine. Il y a également eu des discussions sur les parasites qui plombent la production cotonnière dans l’espace Uemoa. Il y a un nouveau parasite qui fait ravage actuellement dans tous nos pays. Et chaque pays recherche des solutions pour le combattre. Mais si nous mutualisons nos efforts, les chances seront grandes pour trouver des solutions. Chaque pays a présenté le niveau de recherche auquel il est et nous avons envisagé mettre sur pied une plateforme commune pour réfléchir à la voie la plus appropriée pour trouver une solution assez vite avant le démarrage de la prochaine campagne.
Le Bénin étant, pour l’instant, le meilleur producteur de la sous-région, cette présidence n’est-elle pas une opportunité pour le pays ?
Evidemment ! Quand on est premier producteur il faut savoir le rester. Il n’y a pas de risque de perdre notre place de leader en nous mettant ensemble avec les autres. C’est une organisation de partage. Chaque pays producteur apporte ce qu’il sait faire de mieux dans la filière. Chaque interprofession doit être utile aux autres et globalement à la production cotonnière au niveau de l’Afrique de l’Ouest.
Quels seront alors vos premiers chantiers ?
Je connais mieux la filière coton de mon pays. Mais pas celle des autres pays. Donc il urge d’abord de faire l’état des lieux afin que nous nous connaissions mieux. Ensuite, nous allons établir les points de faiblesses et de forces de chaque pays. Et ensuite partager les expériences de l’un avec l’autre pour qu’à terme, nous puissions atteindre nos objectifs qui sont essentiellement l’amélioration de la productivité pour augmenter la production dans chacun de nos pays. Je vais m’y mettre et permettre que les producteurs de chaque pays vivent réellement de cette activité en améliorant leurs revenus. Plus le rendement à l’hectare est amélioré, plus c’est profitable aux producteurs. Le Bénin, en superficie, est très handicapé par rapport au Mali par exemple. Mais le Bénin a une production beaucoup plus importante que le Mali, voire le Burkina Faso. Donc c’est à travers la productivité que le jeu se joue. Donc nous allons travailler à cela à aller au-delà des deux millions dix tonnes produites actuellement dans la sous-région.
Dans un an, le Bénin va abriter l’assemblée générale de l’organisation que vous présidez…
Oui. Nous avons souhaité abriter la première assemblée générale en tant que pays ayant la présidence. Elle se tiendra en mars 2024 puis à tour de rôle dans les autres pays.
Que devraient espérer les acteurs de la filière avec la naissance de cette organisation ?
C’est d’abord une meilleure protection de leurs intérêts. Je veux parler de l’amélioration de leurs revenus. Et pour se faire, il faut travailler à amélioration le rendement à l’hectare. Aujourd’hui au Bénin, nous sommes à 1,2 tonne à l’hectare. Pendant notre présidence, nous devons travailler à aller à une moyenne de 1,5 à l’hectare au Bénin. Pour les autres Etats, il faut que cela soit la même chose. Au cours de ma présidence, nous ferons en sorte pour la productivité des autres pays puisse monter aussi à ce niveau. Aussi, plus il y a du coton, mieux se porte les égreneurs. Nous allons travailler pour le paiement à temps des producteurs de coton pour les mobiliser davantage autour de la filière. C’est ce que fait déjà le Bénin. Cette expérience doit être partagée. Ainsi, le producteur pourra rembourser ses intrants, assurer les autres facteurs de production et faire de lui un producteur digne.
Je vous remercie
Propos recueillis pour le « Le Matinal » par Abdourhamane Touré