Louis Vlavonou a été réélu à la tête du Parlement béninois avec une majorité plus ou moins confortable. Désormais, le numéro 1 des députés se retrouve à la tête d’une institution dont il connaît à priori les codes. Mais le format de la nouvelle Législature lui impose un style de gouvernance différent de celui qu’il a affiché lors de la précédente mandature.
« Quand le rythme change, les pas de danse changent également », révèle un célèbre aphorisme. Cet adage populaire semble bien correspondre à l’actuelle réalité face à laquelle se retrouve l’ancien nouveau président de l’Assemblée nationale Louis Vlavonou. Reconduit à la tête du Parlement pour un mandat de trois ans, l’homme qui cumule six mandats successifs de parlementaire, maitrise bien les rouages de l’institution. Son élection n’est pas forcément une surprise en soi, même si la qualité des challengers qu’il avait en face, pouvait faire douter de sa probable réélection. A l’arrivée, c’est lui qui a gagné la confiance du « boss » au point de le porter derechef au pinacle de l’institution parlementaire. Une nouvelle promotion qui sonne comme une récompense à sa fidélité et à sa loyauté au Chef de la majorité présidentielle. Une promotion qui a pris de cours une bonne partie de l’opinion et qui a même paru un rêve pour le titulaire si l’on s’en tient à son message prononcé à l’issue de l’élection du nouveau bureau de l’Assemblée nationale. « Qui suis-je, moi, pour que, parmi tant de candidats (prétendants) aussi compétents et chevronnés les uns que les autres, qui suis-je pour qu’un tel honneur m’échoit aujourd’hui ? Je me demande si ce n’est pas un rêve, un songe, une hallucination, un mirage, un leurre. Je me demande même si ce n’est pas un démiurge qui me fait miroiter à l’esprit ce que je vis en ces instants en présence de tous qui en êtes les témoins et à la face du monde », a laissé entendre sur un brin d’émotion, celui qui est appelé à conduire le navire de la neuvième Législature. Mais au-delà de l’euphorie consécutive à sa réélection au perchoir, de lourds défis se dressent sur le chemin de Louis Vlavonou. En effet, quoique n’étant pas à sa première expérience de président de l’Assemblée nationale, le Parlement qu’il est appelé à diriger jusqu’en 2026 n’est pas le même que celui sur les cendres desquels il a rempilé. Le format de la neuvième Législature se démarque en effet, à maints égards, de celui de la huitième. Il n’est plus un secret que la dernière Législature, en dépit de la légitimité qu’il s’est employé à lui conférer, a essuyé des critiques acerbes non seulement au regard de sa composition mais aussi au plan du contrôle de l’action gouvernementale. La Législature finissante, composée exclusivement de députés de la majorité au pouvoir, a, selon beaucoup d’observateurs, déçu les attentes sur ce chantier.
Parlement de transition, de pièges et de défis
La neuvième Législature qui a pris ses marques depuis le 12 février 2023, se démarque sensiblement de celle qui l’a précédée même si la majorité parlementaire est toujours acquise au pouvoir en place. Outre sa taille (109 députés contre 83), la nouvelle Législature consacre le retour de l’opposition à l’hémicycle. Les débats ne seront donc plus linéaires voire unidirectionnels comme ce qui a été constaté entre mai 2019 et janvier 2023. Le ton de la contradiction parlementaire a d’ailleurs été donné lors de la cérémonie d’investiture officielle des nouveaux députés par la minorité parlementaire. Le porte-flambeau de l’opposition au Parlement, le parti Les démocrates, s’est fendu d’un sévère réquisitoire contre le régime pour annoncer la création de son groupe parlementaire et décliner les chantiers qu’il entend attaquer tout au long de la nouvelle Législature. Face à ce signal, Louis Vlavonou devra changer de paradigme, faire montre d’une certaine dextérité lors des plénières pour opérer un arrimage intelligent entre les intérêts du pouvoir sur lesquels il est appelé à veiller, et les droits de la minorité qu’il devra travailler à ne pas mettre en péril. Le président du Parlement devra en outre éviter de tomber dans certains pièges de l’opposition radicale qui est par ailleurs composée de certains députés qui ne sont pas des néophytes de l’écurie parlementaire. Il s’agit des députés Eric Houndété, Léon Ahossi et Nourénou Atchadé qui seront certainement les chiens d’attaque de la minorité parlementaire. Laboratoire de la politique par excellence, le Parlement est un couvent où se cuisinent les stratégies politiques sur le terrain. Le Parlement en cours étant un Parlement de transition vers les élections générales de 2026, l’opposition s’emploiera à saisir toutes les opportunités qui se présentent à elle, pour engranger des points et avoir droit au chapitre. Il appartiendra au président de l’institution de faire preuve de doigté pour déjouer tous les plans de l’adversaire à l’instar d’un certain Adrien Houngbédji connu pour sa dextérité dans la conduite des débats en plénière. En somme, c’est maintenant que le plus dur commence pour Louis Vlavonou qui devra travailler à corriger la mauvaise étiquette qui lui est collée sous la huitième Législature.
Gabin Goubiyi